Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/09/2015

Pour que le pire survienne...

 

… il suffit que les gens de bien se taisent. 

 Je ne sais pas qui a dit cela le premier, un Ancien, un philosophe, un sage ? Ne serait-ce pas plutôt un observateur de notre temps, un contemporain faisant un bon usage de ses yeux, de ses oreilles, de ses cellules grises, quelqu’un de normal après tout, jugeant les choses froidement, sans présupposés, sans se laisser entraîner dans les circonvolutions sans limites de l’opinion qui rassure. 

 S’il est une chose qui ne connaît pas la crise, c’est la politique de l’autruche. On est les recordmen du monde. Je ne pense pas seulement aux grands de ce monde, aux gens de pouvoir, politiques, journalistes et conseillers en communication. Non, je pense au voisin d’à côté, au cousin, à des gens très proches avec qui à l’occasion on rit un bon coup. On rit, mais pas de tout. Il y a les sujets qui fâchent. Des sujets qui font peur, qu’il ne faut pas aborder. Au risque de se faire accuser de tous les maux. Un automobiliste se fait emboutir par une voiture occupée par quatre jeunes de quartiers défavorisés : porter plainte c’est du racisme. Et si la police intervient, elle vous prend dans un coin et vous explique que ce n’est pas grave, et que de toute façon ces gens-là ne sont pas solvables. Chuuuuut. 

 Nos humoristes, quand ils ne se moquent pas des roms, y vont à tire larigot contre les religions, les juifs, les protestants, les catholiques, les bouddhistes, ils savent que leur ricanement n’aura pas de conséquence et s’en donnent à cœur joie. Les avez-vous entendus outrager l’islam ? 

 Quand l'islam tue, le monde médiatique s’empresse de mettre en cause des terroristes, des êtres barbares. On fait du crime un événement d’exception. Mais qu’a-t-il d’exceptionnel ? Rien. Depuis des années les chrétiens d’orient sont persécutés par les islamistes. S’il n’y avait que les chrétiens…L’islam progresse en Afrique, la charia s’installe dans les territoires conquis. Sur la moitié nord de l’immense continent, Sainte Diversité Culturelle en prend un coup. Tant vantée chez nous où l’on tergiverse pour savoir si la présence d’une femme qui manifeste son appartenance religieuse dans une crèche est une atteinte à la laïcité, infraction sanctionnée –au pire- d’un licenciement. Où l’on tergiverse avant d’interdire les prières de rue, où l’on prend mille précautions dans les écoles pour ne pas froisser ceux qui croient encore à l’origine divine du monde ainsi qu’au rôle positif que leur religion a joué dans l’histoire des hommes. Chez nous où pour la première fois depuis l’instauration de la mixité dans les lieux publics, on s’arrange pour que les femmes ne rencontrent pas les hommes, où l’on accepte que les filles soient dispensées de sport. 

 Sainte Diversité, partout, sauf là où l’islam fait la loi. Car dans le monde islamique, la diversité est pourchassée, condamnée, éliminée. Ils doivent bien s’étonner, celles et ceux qui souffrent là-bas d’un régime totalitaire qui n’a de religion que le nom, de voir qu’ici les gens de « bien », les bonnes consciences se réjouissent de voir leur pays s’orientaliser, quel euphémisme pour ne pas avouer qu’il s’agit de prendre de l’orient ce qu’il a de plus obscur : un retour vers les formes les plus archaïques, autoritaires et violentes de l’histoire humaine. Sous couvert de Diversité culturelle, il nous faudrait accepter l’accompagnement des sorties scolaires par des femmes déguisées, la construction de mosquées avec l’argent public par des moyens détournés, la disparition du jambon dans les cantines, les pressions exercées sur l’école publique et le contenu des cours, la distribution exclusive de viande hallal par certains commerces et chaînes de restaurant, les propos guerriers contre l’occident et Israël, le silence des médias sur l’antisémitisme galopant qui est de moins en moins le monopole de l’extrême droite, bref il nous faudrait accepter quoi ? 

 Nous avons colonisé des peuples, nous le paierons un jour. C’est ce que disait mon père. Avait-il raison ? Le moment est-il venu ? Nous faut-il aujourd’hui accepter de payer la dette que nos grands parents ont contractée en Afrique ? Mais s’il faut que les descendants des colonisateurs souffrent ce que leurs ascendants ont fait endurer à ces peuples, il faudra accepter aussi que les allemands de vingt ans ne se regardent plus dans un miroir sans se voir couvert d’un couvre chef orné d’une tête de mort, ou que les russes du même âge s’accusent d’avoir eu des parents kapos en Sibérie. 

 Payer une dette contractée par les anciens, il y a là un parfum de christianisme qui ne dit pas son nom. Vous savez de ces senteurs qui imprègnent, les relents de tabac dans les tissus, il nous reste encore beaucoup à faire pour nous débarrasser d’une culpabilité que les dogmes ont fait peser sur les hommes. Ne jetons pas la pierre aux chrétiens, la gauche non chrétienne ou ce qu’il en reste, en un bloc condamne la colonisation… Il fut un temps où son président était dans l’affaire algérienne favorable à la guerre. Ne jetons pas la pierre aux chrétiens, mais question colonisation, l’Eglise y a bien trouvé son compte, non ? Et tout ce petit monde de s’apitoyer sur le sort de l’Afrique, au sens large, là-bas, et ici dans ce qu’ils appellent les quartiers. Tout ce qui vient de ce continent est beau et bien, à tel point qu’il faut nous en imprégner, musique, chanson, art, cinéma, mœurs et bien sûr religion. Sauf du christianisme, puisque précisément il vient de chez nous. Mais au fait, comment est-il arrivé là-bas ? 

 Le mieux est de continuer de nous taire. De faire comme si de rien n’était. De se dire que tout va s’arranger. Que les fortes têtes, ces ringards accrochés aux vieilles lanternes occidentales, laïcité, liberté de penser et de croire, éducation des garçons et des filles, sont des êtres perdus tombés dans l’escarcelle de l’extrême droite raciste et xénophobe. A oui vraiment, il y a de quoi les plaindre. 

 Pour que le pire survienne, il suffit que les gens de bien se taisent. La mauvaise conscience ne torture que les personnes qui ouvrent les yeux. Si vous voulez dormir tranquille, fermez les et plus tard quand le pire surviendra, vous direz que vous n’avez rien vu.

  

§

 

 

 

30/06/2015

Sans titre

 

 

 En Tunisie à Sousse, 38 personnes pour la plupart des touristes, ont été stigmatisées sur une plage. 

 En France à Saint Quentin-Fallavier, un homme de 54 ans a été stigmatisé dans des conditions atroces. 

 Mais quand allons-nous mettre fin à la stigmatisation des innocents? 

 Quand allons-nous mettre fin à cet amalgame insupportable entre des touristes, un homme innocent et le reste de l'humanité?

 

§ 

 

 Au diable les marches blanches ! Ce ne sont pas 200 personnes qui sont concernées, mais des millions, et nous restons là sans bouger en serrant les poings ne sachant quoi faire. 

 J'ai une pensée particulière pour les proches de Hervé Corona. 

 Une pensée aussi pour les familles des trente huit victimes, et de l'admiration pour les employés de l'hôtel de Sousse qui se sont interposés pour mettre fin au massacre.  

04/04/2015

L'islam, un espoir pour l'humanité ?

   

 L’islam peut-il permettre à l’humanité d’en finir avec l’individualisme et la concurrence sauvage liée à l’économie de marché ? C’est la question que posait –bien avant les porte-parole du multiculturalisme- Roger Garaudy (1). L'idée est simple: la société va mal parce que l'homme a perdu la foi, parce qu'en ne croyant plus en Dieu il ne croit plus en rien. Le lien avec le Ciel a été rompu, la religion a été renvoyée à ses autels, ceux qui président à la destinée du monde sont perdus, dés-orient-és. 

 Garaudy pense que le christianisme des débuts était porteur d’un immense espoir. L'était-il vraiment ? D’où vient alors la fin de l’espérance ? 

 Il faudrait la chercher dans le dualisme grec, cette séparation voulue par les philosophes entre le domaine de la foi et celui de la raison. Une fausse interprétation de la parole biblique selon laquelle il faut rendre à César ce qui lui appartient, à Dieu ce qui lui revient. Coupure entre le politique et le religieux. Garaudy a-t-il raison de dire qu’il n’y avait dans la parole de Jésus que la volonté de dénoncer les prétentions totalitaires de César ? Il reste que cette coupure, cette séparation des domaines terrestre et céleste est remarquable dans la philosophie d’un fondateur de la pensée occidentale, Aristote. L’allégorie platonicienne de la caverne soulignait la continuité du fil qui mène de l’ombre à la lumière, chemin difficile à suivre, démarche douloureuse qui ne mène nulle part ailleurs qu’à l’intérieur de soi (une quête peut-être inspirée de la pensée orientale). Pour Aristote la beauté du monde sensible dans lequel les hommes sont plongés leur donne la possibilité d'y discerner l'existence d'un ordre supérieur, intelligible. D’affirmer qu’il y a un « ailleurs », un autre monde, un au-delà. Qu'il y a une cause supérieure, une puissance créatrice, ordonnatrice. Mais qu’il y a ici-bas un monde et de quoi s’occuper. En laissant à César puis à Constantin plein pouvoir sur la vie politique et sociale, le dualisme « faisait de la foi une affaire privée, n’ayant plus prise sur l’organisation de la cité ». Devenue autonome, la politique portait « en soi ses propres fins, sans rapport avec l’homme ni avec le divin » (Garaudy). 

 Il faut être aveugle et imbibé de culture religieuse pour oublier que durant dix-huit siècles les royaumes occidentaux ont usé et abusé du droit divin, que durant dix-huit siècles les hommes, poètes, philosophes, mécréants, scientifiques, astronomes –sans oublier les femmes- durent vivre, penser et agir à l’heure religieuse, catholique en l’occurrence, un totalitarisme bien plus pervers qu’une dictature car les peuples maintenus dans l’ignorance participent eux-mêmes à leur propre servilité. Si les Lumières, les réformes et les révolutions ont ouvert une brèche dans la forteresse des dogmes et des croyances primitives, elles le firent contre le système religieux, et chaque fois qu’il fallut développer la pensée et le savoir, elles trouvèrent en face d’elles l’Eglise, les églises. 

 En faisant l’impasse sur la nuit qui s’abattit si longtemps sur les peuples, Roger Garaudy veut retrouver la pureté originelle qui fut celle des premiers chrétiens, la vraie foi. Pour lui, si le christianisme a encore une chance de sauver l’homme, « l’homme de nos sociétés occidentales…voué à la solitude, à l’isolement à l’égard des autres hommes…par l’écrasement des plus démunis, …par la convoitise…la publicité et le marketing… », cette chance il peut la trouver dans l’islam. L’islam qui, « en refusant les faux dualismes de la politique et de la foi…en liant indissolublement transcendance et communauté, peut nous aider à revivifier le christianisme lui-même et à surmonter la crise de désintégration du tissu social. » 

 Fichtre ! Moi qui croyais dans les années soixante qu’on allait en finir avec l’obscurantisme religieux, que l’imagination allait s’emparer du pouvoir, accompagnée de ses anges gardiens, la liberté de penser d’un côté et l’avenir de l’homme, poitrine nue de l’autre, me voilà aujourd’hui bien embarrassé ! Tout ça pour rien !? Nous avons cru en un monde inaccessible, nous avons cru en un monde, nous avons cru. Et c’était là l’erreur. Il ne faut pas croire. Un demi-siècle après avoir partagé avec des millions que les religions sont un opium pour les peuples, près de moi passent des femmes dont on ne voit que le bout du nez, des hommes qui n’ont plus d’humain que le système pileux, un philosophe qui me dit que l’avenir d’une religion qui a fait tant de mal si longtemps ici, qui a obligé tant d’hommes et de femmes et d’enfants à croire à des sornettes, tout cela pour préserver des privilèges de caste ou de classe, un philosophe qui émet l’hypothèse que le christianisme pourrait être sauvé par une idéologie qui nous ramène encore plus loin dans le passé et les ténèbres : l’islam ! 

 Il écrivait cela en 1981. Aujourd’hui l’islam est devenu une affaire qui marche. Les catholiques qui, après avoir rongé leur frein dans les années soixante ont compris que l’avenir du culte n’était pas auprès du bénitier, mais à gauche, dans les associations charitables, chrétiens de gauche apôtres du « vivre ensemble » qui sont devenus à ce point des thuriféraires (de turifer: qui porte l'encens) de l’islam qu’ils ne sont plus à même de défendre leurs coreligionnaires empêchés de pratiquer leur culte, et persécutés en Orient. Il ne serait pas étonnant d'assister bientôt à des conversions. Je pense d'abord à ceux pour qui la propagation de l'islam s'explique par le développement du chômage et de la misère. Ils n'ont pas à tergiverser longtemps pour désigner un ennemi commun : le capitalisme sans foi ni loi. A quoi bon condamner les petits trafics quand plus haut on pioche des millions dans les caisses de l'état ? Inquiétant de voir des sentiments aussi humains que l'esprit de solidarité, de justice ou de charité trouver en une idéologie aussi impérialiste et dévastatrice que l'islam un allié de circonstance ! Des milliers de nos compatriotes qui par noblesse de cœur tentent de donner aux jeunes une raison d'espérer, parce que cette belle entreprise se heurte à une situation sociale irrémédiable, risquent de sombrer avec eux dans un islamisme tout politique, frère de ce que nous avons connu dans les années soixante sous le nom de théories de la libération. Ce qu'il y avait dans ces « théories » de volonté d'en finir avec la colonisation et l'exploitation du tiers monde hante les nouveaux libérateurs de nos quartiers : non seulement dans la haine de cette cible clairement identifiée, l'état d'Israël qui colonise à tout va, aussi parce que la situation des jeunes dans les quartiers est celle d'enfants d'enfants d'enfants de colonisés. L'islam qui est devenu dans nombre de pays du proche et du moyen orient l'étendard de la révolution pourrait en occident cimenter les exigences des enfants de l'immigration que la société n'a pas su accueillir, ou qui n'ont pas voulu s'y intégrer, mais aussi inspirer une certaine gauche un peu perdue depuis la disparition corps et âme de ses maîtres à penser et de leurs tristes expérimentations sur des millions d'êtres humains. Certains signes ne trompent pas, une candidate d'extrême gauche voilée, la participation de militants gauchistes à des manifestations islamistes aux slogans antisémites, à des colloques en présence de salafistes, le silence réservé aux attentats et l'insistance à en rendre coupables des gens qui n'ont rien à voir avec l'islam... 

 N'est-elle pas paradoxale cette fusion entre une partie du monde progressiste, intellectuels, militants de partis ou d'associations et l'idéologie totalitaire ? Elle ne devrait pas nous étonner. On a connu fusion semblable dans le passé quand on dénommait certaines parties du territoire les banlieues rouges. Elles étaient peuplées de familles ouvrières qui voyaient dans le communisme en construction à l'est une raison d'espérer. Etaient-ils blâmables ces militants qui restaient sourds aux appels pressants des « dissidents » qui alertaient l'occident sur les effets terribles de la dictature communiste ? Certainement pas. D'autres oui, beaucoup plus haut sur l'échelle militante, qui savaient. 

 La trajectoire de Garaudy est intéressante car elle montre comment on peut passer d'une idée à une autre. D'un totalitarisme qui a fait son temps à un autre, "prometteur". Elle montre aussi que le capitalisme sauvage mondialisé peut fabriquer des monstres. Combien nos sociétés derrière une façade aux couleurs de la modernité n'ont pas progressé dans le domaine de l'esprit. Combien il est difficile d'être un simple militant de la liberté, sans se référer à un système ni à un livre aussi sacré soit-il. C'est pourtant ce qu'il faut être.

 

§

 

 

        (1) Garaudy, Promesses de l’islam, éditions du Seuil, 1981, p.57 ;