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19/02/2015

Laisser à chacun la liberté de son jugement

 

« Ayant ainsi fait connaître les fondements de la foi, je conclus enfin que la connaissance révélée n’a d’autre objet que l’obéissance et est ainsi entièrement distincte de la connaissance naturelle, tant par son objet que par ses principes et ses moyens, que ces deux connaissances n’ont rien de commun, mais peuvent l’une et l’autre occuper leur domaine propre sans se combattre le moins du monde et sans qu’aucune des deux doive être la servante de l’autre. En outre puisque les hommes ont des complexions différentes et que l’un se satisfait mieux de telles opinions, l’autre de telles autres, que ce qui est objet de religieux respect pour celui-ci excite le rire de celui-là, je conclus encore qu’il faut laisser à chacun la liberté de son jugement et le pouvoir d’interpréter selon sa complexion les fondements de la foi, et juger de la foi de chacun selon ses œuvres seulement, se demandant si elles sont conformes ou non à la piété, car de la sorte tous pourront obéir à Dieu d’un entier et libre consentement et seuls la justice et la charité auront pour tous du prix. »

 

Spinoza.- Traité théologico-politique

04/06/2014

25 et 70 ans, tristes anniversaires

 

 

Tristes, car ils commémorent la disparition de soldats, des jeunes pour la plupart, tombés sur les plages de Normandie le 6 juin 1944. Tristes car le 4 juin 1989 des centaines de jeunes gens courageux ont défié la dictature en Chine et sont morts pour cela sur la place Tiananmen de Pékin. Il faut rappeler ces événements car les pauvres humains que nous sommes ont tendance à oublier, avec les conséquences que cet oubli pourrait avoir pour la liberté et même la vie de nos enfants.

Les soldats qui reposent dans les cimetières de Normandie ne sont pas les victimes de la "guerre" comme je l'entends ici ou là. Ils sont les victimes du nazisme, un régime totalitaire fondé sur la haine, l'antisémitisme et le meurtre. La liberté et la démocratie dont nous jouissons ici en France et en Europe, ce sont ces combattants qui nous les ont rendues.

Les chinois ne devraient pas être seuls à commémorer la journée du 4 juin 1989, car ceux qui ont osé manifester ce jour-là contre un régime fondé sur le mensonge et la violence ont montré qu'il y avait en l'homme même au plus noir de la nuit des ressources dont les plus terribles des dictatures ne peuvent venir à bout.

Si ces commémorations servent à quelque chose, si elles sont suivies dans les écoles et les familles, et s'il est trop difficile ou laborieux ou ringard de revenir encore et toujours comme des vieux qui ressassent le passé, que nos enfants retiennent au moins ces trois mots, et qu'on leur dise d'où ils viennent:

Plus jamais ça !

Ceux qui l'ont dit, c'est un serment qu'ils ont fait, entre eux et au monde. C'étaient les déportés de Buchenwald, ils s'étaient libérés eux-mêmes et rassemblés sur la place d'appel. C'était en 1945. Ne l'oublions jamais, et le meilleur hommage qu'on peut rendre à ces femmes et à ces hommes, c'est de goûter le plaisir de vivre aujourd'hui dans une démocratie qui a tous les défauts, mais qui nous laisse circuler, parler et penser librement.

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23/01/2014

La faute à qui ?

 

 Non, notre société n’est pas détestable. Elle n’y est pour rien. Ni pour la guerre, ni pour les crimes, ni pour les inégalités, ni pour le racisme et toutes les horreurs. La société n’est pour rien dans tout cela.  

 Ou alors, si la faute revient à la société, disons-le tout net : nous ne sommes responsables de rien. Cela rappelle d’autres antiennes, l’une qui depuis les siècles des siècles martèle que le péché est celui de la première femme, et que nous n’en sortirons jamais. Une autre selon laquelle nous agissons sous l’empire d’un autre, qui est en nous : sa majesté Inconscient, comme si nous étions possédés. Une autre encore, du fond des âges : tout est écrit par avance, c’est le destin, nous serions manipulés par les dieux. Cette belle phrase de Jésus, magnifique, que des générations de fidèles ont entendue et qu’ils ont érigée en vérité éternelle, cette sentence est pour moi une condamnation sans appel de la souveraineté humaine : Mon père pardonne-leur ils ne savent pas ce qu’ils font. Marx ne disait pas autre chose en jugeant que les hommes faisaient leur propre histoire, mais dans des conditions non déterminées par eux. En d’autres termes, à l’aveugle. Quand à la foi, si elle soulève des montagnes et fait les révolutions, elle aveugle, cultive l’esprit de vengeance, sème la terreur. La foi comme le déterminisme sont des recettes bien pratiques pour celui qui s’en remet à d’autres, mais aussi des chemins qu’il faut éviter de suivre si l’on veut une meilleure condition pour l’homme. 

 Une idée bien plus simple, autant qu’admirable, c’est que nous sommes libres. Libres de tout, de nos mouvements, de nos pensées, de faire du bien, de faire du mal, de risquer notre vie en allant chercher un enfant emporté par la crue, de piller la maison abandonnée d’une famille fuyant l’inondation. Une boutade me revient de Sartre, que nous n’avons jamais été aussi libres que sous l’Occupation, libres de résister, libres de dénoncer. Libres au point de respecter les idées et les croyances d’un autre, libres d’imposer notre propre vision du monde. Libres d’aimer, libres de haïr, libres de sauver, libres de tuer. C’est toute la difficulté de notre condition. Nous pouvons choisir, à tout moment, tout le temps, entre le bien et le mal. Une puissance démesurée, sans limite, effrayante, exaltante.  

 Cette liberté, il faut l’enseigner à nos enfants, leur dire et répéter combien les femmes et les hommes ont dû lutter pour la conquérir, et leur faire remarquer qu’ils ont bien de la chance de vivre dans un monde où la société n’est responsable de rien, où notre destin pèse sur nos propres épaules.  

 

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