Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/05/2010

Etre pieux, ce n'est pas...

... se montrer souvent voilé, tourné vers une pierre, s'approcher de tous les autels, se prosterner sur la terre, ouvrir les paumes de ses mains devant les sanctuaires des dieux, inonder les autels du sang des animaux à quatre pieds et lier les souhaits aux souhaits. C'est plutôt pouvoir considérer toutes choses d'un esprit pacifié.

Lucrèce (98 à 55 av JC) De la nature des choses

20/02/2010

Ce n'est pas la loi qui est liberticide. C'est la religion.

« chiens de garde du système ! »

« idiots utiles du sarkozysme ! »

« détracteurs perpétuels ! »

« sycophantes professionnels ! »

« sites internet qui ne représentent qu'eux-mêmes et encore ! »

« fêlés de la toile ! »

« délateurs (qui) ont un rouleau de la Thora ou un crucifix dans l'oreille ! »

« aboyeurs de service ! »

« beaufs » !

« connards ! »

« Torquemada de banlieue, Vychinski d'opérette ! »

« censeurs ! »

 

Voici comment sont désignés ces « chiens de garde du système » que sont les partisans d'une loi interdisant le port de la burqa. Frappant, n'est-ce pas ? C'est le langage adopté non par le capitaine Haddock, mais par Christian Eyschen, en page d'accueil (si l'on peut dire !) du site de la Fédération Nationale de la Libre Pensée. Soyons juste. Hormis ces injures qui cachent mal, au-delà du vide de la pensée, un certain agacement, on peut lire ceci :

 

« Nous sommes contre le port du la burqa, du niqab , de la soutane, de la cornette, du schtreimel et autres grigris totémiques et religieux. Nous considérons que toute marque d'appartenance religieuse est une abdication de la liberté de pensée. C'est clair, simple et net. »

 

 Non justement, ce n'est ni clair ni net. L'auteur de ces lignes sait bien que le port de la burqa ou du niqab ne peut pas être mis sur le même plan que celui de la soutane, de la cornette ou du schtreimel. Qui osera dire que de nos jours, le port de la soutane, de la cornette ou du schtreimel a été imposé à des citoyens de ce pays ? Comment un libre penseur peut-il être contre le port de la soutane et de la cornette par les prêtres et les religieuses ? Interdire ces habits ou ces coiffes serait revenir à ce qui fut pratiqué il n'y a pas si longtemps dans ces états totalitaires où les cultes étaient interdits, ce qui ne peut être le cas dans un état laïque.

 

 Interdire le port de la burqa ? Peut-être. Mais il ne faudrait pas qu'un débat de chiffonniers nous fasse oublier le reste. Car il y a urgence à interdire le voile dans tous les services publics, à rétablir la vente de la viande de porc dans toutes les boucheries et la restauration, à interdire les prières dans l'espace public, à rétablir la mixité dans les piscines, à condamner avec la plus grande sévérité les agressions homophobes et les brutalités contre les femmes, à permettre aux médecins hospitaliers d'exercer leur métier, à faire respecter la laïcité à l'intérieur de l'école (contenu des cours) et concernant l'accompagnement des sorties éducatives...

 

 De toute façon, interdiction ou pas, ce n'est pas la loi qui est liberticide, mais la burqa. Ce camouflage est exclusivement imposé aux femmes... ou s'impose à elles, ce qui est encore plus grave ; il dissimule la totalité du corps ne laissant apparaître que les yeux et parfois derrière une grille, annihilant la personnalité et même l'humanité de celles qui le portent. Burqa ou niqab, religieux (ou politiques ?) -en tous cas provocateurs- ces accoutrements sont l'expression de la phallocratie la plus sordide, qui veut cacher aux yeux de tous cet éternel objet de luxure : la femme, à l'origine du péché et de tous les malheurs du monde.

 

 L'article en question est illustré d'images représentant des supplices imposés par la Sainte Inquisition catholique. Quel rapport avec le texte ?

 

 Curieusement, aucune image montrant lapidations, pendaisons et décapitations en public, autant de violations de la liberté de penser et de croire dans ces états qui appliquent AUJOURD'HUI et pas si loin de chez nous une loi qui condamne apostats, homosexuels, défenseurs des droits de l'homme, militantes pour les droits des femmes, opposants politiques, et aussi... libres penseurs et ...femmes ne cachant pas leur visage.

 

Oui, curieusement, dans sa lutte contre l'obscurantisme religieux, la FNLP fait l'impasse sur l'islam. Même si l'église catholique qui, en matière d'obscurantisme a des leçons à donner à tout le monde, représente un danger constant pour la laïcité, il faut être aveugle ou avoir des idées fixes et préconçues pour ne pas constater que l'islam et son cortège de règles d'un autre âge marquent des points tous les jours contre la démocratie (dont ils profitent), la laïcité (qu'ils exècrent), et les lois de la république (qu'ils respectent quand elles ne vont pas à l'encontre des sourates du coran). Je reste quant à moi persuadé que les religions sont un opium pour le peuple. Toutes. 

 

N'est-il pas étonnant de lire:

 

« délateurs (qui) ont un rouleau de la Thora ou un crucifix dans l'oreille ! »

 

 On croirait entendre Tariq Ramadan ou plus simplement, pour s'en remettre à Dieu plutôt qu'à ses saints...

 

« Verset 5.51 : Ô les croyants ! Ne prenez pas pour alliés les juifs et les chrétiens ; ils sont alliés les uns des autres. Et celui d'entre vous qui les prend pour alliés, devient un des leurs. Allah ne guide certes pas les gens injustes. »

 

. Ah ! la Thora (et le schtreimel cité plus loin). Vous ne le saviez pas,  « Bande de fêlés de la toile », vous ne saviez pas que la république était menacée par le judaïsme ? Non mais regardez un peu ces synagogues qui fleurissent partout, financées par les deniers publics... Ces cantines scolaires et ces restaurants Quick qui nous imposent la nourriture cashère... ces piscines où le CRIF a imposé à Martine Aubry des horaires différents pour les hommes et pour les femmes...

 

 Décidément, débordés que nous sommes par l'outrecuidance des juifs et des chrétiens, l'avenir n'est pas rose pour les laïques, oh non ! Heureusement la Fédération Nationale de la Libre Pensée est là qui veille et qui attend, mon petit doigt me dit qu'elle recevra du renfort, j'ai entendu de gauche et de droite des propos ressemblant fort à ceux tenus par Christian Eyschen, de la bouche ou de la plume de célébrités telles Dieudonné, Aounit, Siné, Mermet, Garaudy, l'abbé Pierre (1), en gros :

 

« l'Occident (entendons le capitalisme mais il n'est pas interdit de colorer celui-ci d'une petite note antisémite, en tous cas nettement xénophobe anti-américaine) l'Occident donc est coupable de tout, croisades, colonisation, exploitation du tiers-monde, crises, guerres, massacres, drogue, déchéance, luxure, judaïsme, je crois que j'oublie quelque chose, ah ! La philosophie des Lumières, la tolérance et... l'athéisme... » Oh pardon !

 

La démocratie occidentale, voilà l'ennemi :

 

« Par ses deux principes fondamentaux -celui du pouvoir n'appartenant qu'à Dieu, qui relativise toute souveraineté sociale, et celui de la « consultation » (shura), qui exclut toute médiation entre Dieu et le peuple-, se trouvent écartées à la fois toute tyrannie absolutiste sacralisant le pouvoir et prétendant faire d'un dirigeant un dieu sur la terre, et toute « démocratie » de type occidental, c'est-à-dire individualiste, quantitative, statistique, déléguée et aliénée. Car la liberté n'est pas négation ni solitude, mais accomplissement de la volonté divine. »

(Roger Garaudy .-Promesses de l'islam, Seuil, Paris 1981, p33)

 

Garaudy n'est pas responsable de ses propos, c'est la foi, elle rend aveugle.

 

 Quand ces messieurs sont à court d'arguments, et qu'en désespoir de cause ils en viennent à défendre l'indéfendable (la burqa pour la FNLP, la candidate voilée pour le N.P.A.), ils nous refont le coup du discours fleuve à la Mao dans lequel chaque mot a son importance, et où il est interdit de déplacer une virgule: burqa et voile sont des prétextes avancés par « les chiens de garde du système » pour nous faire oublier l'essentiel : 

 

« la crise du capitalisme, de l'augmentation considérable du chômage, de la destruction massive des services publics, des remises en cause croissantes de la République une, indivisible, laïque, démocratique et sociale » (citation du même article)

 

Autrement dit, si vous ne partagez pas cette analyse (infaillible et indiscutable, c'est du marxisme !), vous êtes un « idiot utile du sarkozysme », un « sycophante (2) professionnel », un « connard (3) », pire, et celle-là il fallait vraiment être à bout de nerfs pour la trouver : un « abonné à la boîte aux lettres de la Kommandantur ! (4) ».

 

Je mets cette expression excessive sur le compte de la vexation. Je conçois très bien qu'il n'est pas facile pour un responsable de la Libre Pensée de qualifier de liberticide une loi qui interdirait le port de la burqa, sachant en outre, que le port de cet accoutrement est imposé ici et là-bas par les pires ennemis des libertés, et qu'il est, ici comme dans ces contrées où les fous de dieu ont le gibet facile, le symbole de l'empire de la bêtise humaine sur la moitié de l'humanité.

 

 Mais la lecture d'une telle prose sur un site qui se présente comme celui de la Libre Pensée m'ébaubit. Et je me dis, car ces gens-là font de la politique, que si par malheur un jour le pouvoir était confié à ces Vychinski (les vrais, pas ceux d'opérette), les pauvres bougres qui ne partageraient pas leurs analyses seraient classés ennemis du peuple. Cela s'est vu dans l'histoire.

 

§

 

 

(1) Sans parler, mais là je vais encore étonner la gauche bien pensante... sans parler de la littérature du Front National pendant l'offensive israélienne contre le Hamas à Gaza l'année dernière (cf « L'éléphant et le moustique »).

(2) délateur, par extension : homme fourbe

(3) con(n)ard, arde : nom et adj. Vulg. Crétin, abruti

(4) à propos de Kommandantur : il faudra bien qu'un jour on mette au clair l'historique des liens entre le monde musulman et le nazisme, la culture de la haine du juif, l'apologie de Hitler, l'aide apportée par certains états aux criminels nazis en fuite, et aussi cette façon qu'ont certains mouvements islamistes d'inverser les rôles par la méthode du « turnspeech » : associer croix gammée et Israël, le véritable holocauste étant d'après eux celui vécu par les Palestiniens...Sans oublier la propagation du négationnisme dans les mêmes milieux. Nous y reviendrons.  

 

 

 

13/01/2010

Lettre à mon ami

 

 Puisque tu n'as pas disparu et que tu habites encore ma mémoire et mon cœur, j'ai pensé à te faire part de mes réflexions en ruminant cette sentence de Nietzsche (1) :

 

« Les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges. »

 

 Pour ma part, j'ai été deux fois convaincu. En religion et en politique. Je ne sais pas si mes convictions religieuses furent si profondes quand j'avais dix ans (environ) quand mes parents m'inscrivirent à l'éducation religieuse de l'Eglise réformée le jeudi après-midi. Certes, j'appris beaucoup à la lecture de la bible, mais je me rappelle surtout l'odeur du chocolat chaud venant de la cuisine, qui nous était servi par l'épouse du pasteur accompagné de tartines, beurre et confiture. J'exagère.

 Le pasteur, Monsieur Belmont, venait me prendre avec sa Dauphine noire, le volant grinçait, il conduisait nerveusement et venait de loin, la grande ville la plus proche, Poissy à dix kilomètres (j'habitais Andrésy), et faisait le « ramassage » du jeudi, nous étions trois enfants dans le canton à suivre l'éducation religieuse de l'Eglise réformée ! Dans ma classe, le mercredi après-midi, les copains se donnaient rendez-vous pour le patronage (catholique) du lendemain. Ils me sollicitaient et ne comprenaient rien à ce que je leur racontais : pasteur, Poissy, goûter, chocolat chaud, tartines, confiture, sans parler de la lecture suivie de la bible, pour eux c'était de l'hébreu. Il y en avait un autre justement qui n'allait pas au patronage, il était juif. Bon, on n'était pas proscrit, mais dans ma vie, j'ai vérifié ça, je n'ai jamais nagé dans le sens du courant. Je n'en garde aucun ressentiment à l'égard de quiconque, et surtout pas la moindre gloriole, car je n'y suis pour rien, le hasard en a décidé, c'est comme ça. J'avais une admiration sans borne pour le pasteur et le chocolat chaud de son épouse, je sais que je vais faire sourire, chaque fois que mes petites filles touillent le chocolat dans leur bol, ce sont des paraboles de Jésus qui me reviennent à l'esprit ! Pour revenir au pasteur, cet homme intègre aurait remué ciel et terre pour transmettre sa foi à un enfant, quand je dis sa foi, c'est au sens large, le respect, l'honnêteté, la fidélité, l'amour du prochain. C'était un homme de confiance plus que de conviction, plus que ses paroles, c'était son art de vivre, sa façon de s'adresser à sa femme, à ses enfants, la vie paisible, harmonieuse de cette famille qui m'enchantaient, m'enjôlaient.

 J'admirais cet homme de foi sincère et bon. Plus qu'aux paraboles de Jésus, je me demande si mon assiduité au catéchisme n'était pas due en réalité à la personnalité de cet homme, en particulier ces grands moments de silence pendant la lecture, et après, sa voix douce et ce qui était nouveau pour moi à l'époque: il prenait le temps d'écouter chacun d'entre nous, ne coupait jamais la parole. De Luther et Calvin je ne savais rien, mais jusqu'à l'âge de 15 ans, je fus un bon lecteur des évangiles, et je reste fidèle aujourd'hui à ... comment dire cela... une certaine morale, certains principes ...voilà, pour tout dire : de l'éducation religieuse qui me fut accordée, j'ai retenu l'éducation, disons plus modestement une certaine forme d'éducation.

 Conviction certes, il en faut pour enseigner le catéchisme. Il faut être convaincu pour convaincre. Mais alors, il faut inventer un autre mot pour qualifier ces gens qui prêchent d'une façon et agissent autrement. Dans les milieux religieux et politiques, je constate que pour beaucoup c'est la règle. La formule de Nietzsche citée plus haut est certes ramassée, mais très pertinente car elle montre du doigt un danger lié à une façon d'être et d'agir qui a toutes les apparences de la sincérité, de l'honnêteté. La force de la conviction est telle que les faits avérés, vérifiés ne pèsent pas lourd face à elle. Je me rappelle les premières réactions des gens autour de moi lors de la traduction des premiers livres de Soljénitsyne (Une journée d'Ivan Denissovitch) : l'incrédulité, la méfiance. Je ne parle pas des dirigeants politiques qui savaient ce qui se passait dans les bagnes soviétiques et qui s'interdisaient de le révéler. Je pense à ces personnes pour qui à l'est de l'Europe une société d'un type nouveau était en train de naître, et pour ces gens plein d'espoir,  pour la plupart ouvriers, fonctionnaires, étudiants, la déportation et la persécution de dissidents politiques était inenvisageable, ils n'en démordaient pas. Et là, on voit le travail de sape exercé par la « conviction » : on ne jugeait pas les révélations du samizdat, de Soljénitsyne, Martchenko, Plioutch, Sakharov ou les autres d'après le contenu de leurs témoignages (d'ailleurs leurs livres étaient tellement brocardés qu'ils étaient peu lus), mais en fonction des conclusions induites par leurs témoignages. Ils remettaient en question le dogme.   

  En politique comme en religion, il y a des doctrines, des préceptes, pire : des dogmes. Ces derniers sont terribles, car ils n'admettent pas le moindre questionnement, le moindre écart de pensée et parfois même, de langage. Les dogmes sont totalitaires. Vous acceptez tout d'un bloc, ou vous partez (en démocratie, car ailleurs, on vous déporte, on vous assassine). Accepter tout d'un bloc, c'est être convaincu. Et il le faut pour convaincre. La force de la conviction est telle que les faits avérés, vérifiés ne pèsent pas lourd face à elle. Je suis tombé dans le piège, et j'y suis resté trop longtemps, aveuglé. Si elle soulève des montagnes, et cela me séduisait, la foi aveugle aussi. Et pendant des années, je n'ai rien vu, rien entendu, car c'est l'esprit qui voit et qui entend. Et l'esprit, mon esprit, considérait le monde non tel qu'il était, mais tel qu'il FALLAIT que je le vois.

 De la religion, Jean-Bernard, je n'ai rien retenu, si ce n'est la rencontre d'un homme admirable et le respect de certains principes. Même ma bible, qu'il m'avait appris à lire, dans la tourmente qui a suivi, je l'ai perdue. De la politique, j'ai souffert et je souffre encore. J'ai perdu les plus belles années de ma vie. J'en tire au moins quelques leçons. Depuis que Georges Brassens a chanté Mourir pour des idées, qu'oserais-je ajouter ? Que la soif du pouvoir des hommes est sans limite ? Ou plutôt, puisqu'il était question de Nietzsche, de tête une autre pensée me revient : qu'après la mort de Dieu, sur son trône encore chaud est venu s'installer -je vais te faire bondir- le socialisme.

 

§

(1) Humain, trop humain