05/01/2014
La gourmandise est un vilain défaut
En plus de toutes les choses qui ont le don de m’énerver, le col roulé en laine qui pique à l’encolure, le café qui ne passe pas dans la machine entartrée, la bonne année à souhaiter à des gens infréquentables, l’ordinateur qui se bloque dès l’ouverture d’une fenêtre, le vent, la pluie fine et interminable, les jours qui raccourcissent à vue d’œil, les voisins toujours affairés au jardin où pas un brin d’herbe ne dépasse, la pire de toutes c’est d’apprendre que des gens se débarrassent ou revendent des cadeaux bon certes pas toujours pertinents, mais quel cadeau pourrait l'être, pour des personnes aussi peu scrupuleuses, sinon peut-être un diable en boîte, du poil à gratter, un miroir ? Ces gens, pour qui les petits cadeaux n’ont qu’une valeur marchande, je les ai en horreur. Du moins je les avais en horreur, jusqu’au jour où cette histoire...
Jérôme vivait seul. Trop occupé à s’occuper de lui, il ne prêtait nulle attention aux personnes de l’entourage, à l’une d’entre elles surtout, Solange, une bien jolie jeune fille. Ce n’est pas qu’il l’ignorait, mais plutôt qu’il avait peur de s’engager. Avec les conséquences que l’on sait pas toujours très rigolotes, les contraintes, enfants, crédits, belle famille, sans oublier le pire : la routine. Bref, la liberté de Jérôme n’avait pas de prix, il aurait fallu bien plus qu’un repas de fête même abondamment arrosé de champagne pour le faire changer d’avis.
Il y a tant de cadeaux au pied du sapin ! Les noms des bienheureux sont notés sur les paquets, mais pas ceux des pères noël. Pour la plupart, il n’est pas difficile de deviner d’où ils proviennent. Pour d’autres, un échange de regard, un sourire suffisent à clore l’enquête. Mais il en reste, de ces paquets qui, effleurés, palpés, à peine examinés séjournent non ouverts au pied de l’arbre jusque tard dans la soirée. Rectangulaires, allongés, rigides sauf sur le dessus, à tous les coups ce sont des chocolats. Et comme le soir de Noël, le chocolat est à profusion, du noir, du blanc, du chaud, du dur et du coulant, sagement on attend quelques jours avant de goûter aux friandises.
Ainsi, une boîte d’excellents rochers parés de noisettes fut abandonnée sur le parquet jusqu’au bout de la nuit. Au matin, Jérôme allait l’ouvrir mais il se ravisa. Plutôt l’offrir à quelqu’un pourquoi pas au jour de l’an. Le paquet cadeau bien que ballotté aux pieds des enfants turbulents n’avait pas souffert, il suffit d’un bout de scotch pour le rendre à nouveau présentable. Pour fêter l’année nouvelle il fut offert à la voisine qui suivait rigoureusement un régime sévère et s’en débarrassa en le dissimulant entre les rameaux d’un thuya par un jour de beau temps en pleines réjouissances de Pâques. Le petit enfant qui le découvrit ne pouvant mettre ce grand paquet dans son panier déjà rempli d’œufs en sucre le tendit à sa maman qui, dès son retour à la maison l’entreposa dans un cellier bien frais. Les choses restèrent ainsi jusqu’au noël suivant. Comme personne n’était assez curieux pour l’ouvrir, les gens étant de plus en plus gâtés et saturés de friandises, de noël en noël et pendant des années, les rochers voyagèrent parfois très loin et bien au-delà de la date de péremption.
Certainement ils n’étaient plus bons, mais comme c’est l’intention qui compte, un beau jour, c’était le soir de Noël, au pied du sapin de Jérôme quelque chose fut déposée dont les dimensions et la forme cachaient mal la nature du contenu. Plus d’une fois à cause des enfants qui couraient partout le paquet frôla la catastrophe, il y en avait des enfants, depuis le temps qu’il organisait les soirées de Noël chez lui, les jeunes filles étaient devenues des femmes, elle avaient pris époux, et tout ce petit monde était fier de sa progéniture. Quand à Jérôme, s’il ne connaissait pas le plaisir de voir grandir des enfants, avec l’âge il était devenu gourmand. Voyant son nom inscrit sur l’étiquette, il s’empara de la chose, et déchira le papier cadeau.
Un tout petit billet bien discret plié en quatre tomba sur le sol. Il se baissa, le déplia. On ne saura jamais si quelqu’un remarqua son émoi. Il lut ces quelques mots : Jérôme, je t’aime. C’était signé. Solange.
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25/12/2013
Aux pieds des sapins
Noël pour le petit chef qui regarde de haut la caissière,
Noël de mépris.
Noël pour le Patron disparu dans la nuit,
Noël de l’ouvrier dans l’usine vide !
Noël pour le grand frère qui voile sa sœur,
Noël du Très Miséricordieux !
Noël pour le profanateur de tombes,
Noël de l’Idiot du village !
Noël pour le fœtus de trois jours et des minutes,
Noël de la Créature de Dieu !
Noël pour l’enfant handicapé à tout jamais,
noëls de souffrance.
Noël pour l’élève qui note son professeur,
Noël de l’insolence !
Noël pour le garçon qui insulte sa mère,
Noël du Sexe fort !
Noël pour le médecin coupable,
Noël de l’Intouchable mandarin !
Noël pour le dictateur sanglant,
Noël des chefs de guerre de tous les pays !
Noël pour le dealer dans l’escalier,
Noël du Vendeur de rêve !
Noël pour le chauffard homicide,
Noël du bon vivant !
Noël pour le poseur de bombe,
Noël du Libérateur de rien du tout !
Noël pour l’incendiaire de la synagogue,
Noël du Soldat de Dieu !
Noël pour l’incendiaire de la mosquée,
Noël du nostalgique des horreurs !
Noël pour l’agresseur d’un innocent,
Noël de l’homophobe !
Noël pour l’incendiaire de la bibliothèque,
Noël de l’ignorance !
Noël pour les meurtriers de Ghislaine Dupont et Claude Verlon,
Noël barbare !
Noël pour le pape qui parle au nom de tous donc en mon nom,
Noël d’usurpateur !
Noël pour les cadeaux distribués aux enfants gâtés
Noël de ceux qui les ont fabriqués,
Noël de celui qui n’a rien
Noël cruel
Noël de rue
Noël d’étable
Noël sous les étoiles.
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09/12/2013
Un 6x6 stéréoscopique: le Spoutnik
Assemblez deux Lubitel équipés de leur objectif T-22 de 75mm ouvert à 1 :4,5, supprimez ce qu’il y a en trop : un viseur capuchon et son miroir, un objectif de visée, un logement pour les filtres, un bouton d’entraînement du film et un déclencheur : vous avez entre les mains un appareil stéréoscopique. Les obturateurs sont évidemment couplés, la commande est disposée sur celui de droite. Le Spoutnik délivre simultanément deux clichés de format 6x6 (plus exactement 5,5 x 5,5cm) de bonne qualité malgré une perte de netteté dans les angles. N’oublions pas que les images ne sont pas destinées à être agrandies, puisque visionnées dans un stéréoscope. Ce qui ne m’a pas empêché d’en agrandir jusqu’au 24x24, format qu’elles supportent si on les tire sur un papier contrasté (3 ou 4).
cliché M.Pourny
Comme le Lubitel, le Spoutnik est taillé dans la bakélite. Il mesure (L) 15,2 x (P) 9,5 x (H) 10cm ; le sac « tout prêt » est en cuir, mais peu pratique, il est pourtant indispensable en voyage, car le boîtier ne comporte pas d’anneaux pour recevoir une courroie ! On peut se passer de ce sac, et ranger le Spoutnik dans un fourre-tout en complément d’un autre appareil (classique) car il est peu probable qu’on se consacre exclusivement à la photo en relief.
L’écartement des axes optiques (6,4cm) correspond grosso modo à celui des yeux humains, ce qui garantit une visée stéréoscopique présentant un bon relief.
Comme sur le Lubitel, la mise au point se fait à l’aide de couronnes crantées. La rotation de celle qui entoure l’objectif de visée entraîne les deux qui commandent le tirage des objectifs de prise de vues (qui reçoivent par emboîtement des filtres d’un diamètre de 26mm).
Les distances en mètres sont gravées sur le pourtour de la couronne de l’objectif de visée, ce qui simplifie le réglage, car l’image renvoyée sur la lentille (4x4cm) du viseur capuchon par le petit miroir ne permet pas, malgré la loupe escamotable, de régler la netteté avec précision. Heureusement, en abaissant le petit volet sur le dessus du capuchon, on peut tenter un cadrage de l’image (c’est le viseur « iconomètre », un mot bien savant qui cache la rusticité du procédé : faire coïncider deux rectangles complètement flous, bon je suis méchant en gros un cadrage est réalisable, mais attention à la parallaxe pour les sujets proches). Toutes ces manœuvres paraissent bien compliquées, mais elles sont plus faciles à faire qu’à expliquer, surtout pour un amateur photographe ayant déjà une petite expérience des appareils dépourvus d’automatismes électroniques.
Il faut bien sûr choisir vitesse et diaphragme, le posemètre de l’appareil n’est pas fourni avec puisque le constructeur a supposé qu’il était en vous, beau temps f :8 au 125°, la suite on la connaît, chaque cran pour le diaphragme dans le sens 5,6, 8, 11, 16, 22 divise l’exposition par 2. Chaque cran des vitesses dans le sens 1/10°, 1/25°, 1/50°, 1/100° divise l’exposition par 2. Les films modernes, type Ilford FP4 ont une latitude de pose suffisante, et les erreurs d’exposition sont facilement corrigées.
Par rapport au Lubitel, on a perdu le 1/250°. C’est dommage, car la photographie de sujets en mouvement devient impossible.
Un mot encore pour les bricoleurs : les lentilles frontales des objectifs étant très exposées, deux pare soleils sont nécessaires. Malgré tous mes efforts, je n’en ai pas encore trouvé d’un diamètre de 26mm. Il faudra que je m’y mette un jour : carton ou Canson noir, découpage, collage… bien délicat tout ça. Pour l’instant, je sors le Spoutnik quand nous sommes deux. Ma compagne s’approche, s’approche, s’approche… jusqu’à ce que je crie : « Stop ! tu es entrée dans le champ de visée ! » Alors elle recule d’un pas ou deux , ne laissant que les objectifs dans l’ombre.
Conseils : le levier du déclencheur est le même que celui du Lubitel, autrement dit minuscule et très sensible : pour éviter tout risque de bougé, le déclencheur souple est indispensable.
Le chargement est très simple, comme dans tous les reflex 6x6 bi objectifs. L’armement étant indépendant de l’avancement du film, attention aux doubles expositions ! J’ai pris l’habitude d’avancer la pellicule juste avant de prendre la vue suivante.
La lucarne derrière laquelle défilent les numéros des vues est située à l’arrière bien sûr, mais à gauche : il faut donc s’arrêter aux chiffres 1-3-5-7-9-11 et jamais sur les chiffres pairs car ils indiquent les vues prises par le deuxième objectif.
cliché M.Pourny
Voici le pont Henri IV sur la Creuse à Descartes. Il était sur la ligne de démarcation pendant la dernière guerre. C’est le tirage 18x24 d’un cliché sur film FP4. L’effet en stéréo est saisissant. C’est le type de sujet (en perspective ou disposé sur différents plans) qui produit le meilleur effet stéréoscopique.
cliché M.Pourny
Les deux clichés simultanés du pont de Descartes sont tirés par contact (format 5,5x5,5cm) et collés sur papier Canson, séparés de 5mm. La visionneuse, qui est un "bijou" de famille était bien appréciée des photographes dans les années d'après guerre, car la stéréoscopie comptait de nombreux amateurs. Le relief obtenu à partir de certaines images est spectaculaire.
Malheureusement, malgré les efforts des informaticiens, l’écran des ordinateurs modernes en est resté à la représentation des images sur un seul plan. Très en retard par rapport aux immenses potentialités de la photographie argentique. A suivre.
PS: un petit coucou à Patricia et Jean-Luc!!!!
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09:33 Publié dans Photographie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : appareils soviétiques, lubitel, spoutnik, stéréoscopie