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03/03/2010

XXIV- La pluie, Jennifer et une nouvelle inquiétante

 

29° jour : Tout arrive en même temps.

 

 Ce matin, réveillés par la pluie. La pluie ! Il fallait voir ça, les gens sortaient des cases en se frottant les yeux, certains se mettaient à danser sur la place ne prêtant nulle attention à leurs vêtements ruisselants. Une douche matinale comme nous n'en avions plus connue depuis...la Terre ! Le seul grand récipient dont nous disposons est un autocuiseur que l'une d'entre nous avait eu la bonne idée de placer dans ses bagages avant le Départ. Nous le disposâmes au pied du mur d'une hutte, à l'aplomb du ruissellement du toit, on plaça aussi tout ce qui pouvait retenir un minimum de liquide, assiettes, bols et verres de camping, tout en sachant que ces efforts étaient complètement inutiles, car nous aurions besoin de ces récipients pour la préparation des repas, et parce que ces réserves seraient dérisoires par rapport aux besoins du groupe. Mais ce geste était symbolique, c'était une façon de remercier le ciel pour son geste. Nous savions que le ruisseau qui nous avait maintenu en vie serait alimenté à nouveau, et -vu l'ampleur des précipitations- qu'il serait abondamment alimenté. Observant mes compagnons, je voyais les sourires éclairer les visages. Réveillés par les rires et les cris, Ingrid et Qian sortirent de la hutte, stupéfaits et bientôt amusés par le spectacle. Tous les enfants sortaient des cases en courant, pataugeant dans les flaques au grand désespoir des parents qui craignaient de les voir prendre froid. Nous n'avons aucun médicament hormis quelques boîtes d'aspirine que nous utilisons avec parcimonie... Renfrogné et Xu, un jeune homme dont je n'ai pas encore parlé qui a beaucoup donné de lui-même lors de la construction et de l'aménagement du camp, se rendirent au ruisseau pour constater qu'il grossissait à vue d'œil. Quand ils l'annoncèrent, cela eut un double effet : tout le monde fut rassuré, mais l'information ramena instantanément le calme. La réalité revenait soudain sur le devant de la scène : nous étions des robinsons déposés au milieu d'une nature sauvage qui pouvait à tout moment et quoi que nous fassions disposer de notre sort. Bon, il pleut enfin, nous n'allons pas nous plaindre !

 

 - Maman ?  

 

 C'était la voix de Qian, il n'avait pas crié, mais prononcé, presque soufflé ce mot qui venait de loin, des tréfonds de lui-même. Jennifer était là, à quelques pas, presque nue, les cheveux en bataille, plus belle que jamais, au milieu d'un groupe, mais je ne voyais qu'elle. Elle tenait une sagaie. Les autres aussi, plutôt des épieux. C'étaient les Naturels, ils restaient un peu en retrait, une jeune fille se dissimulait derrière Jenny. Ils sortaient du bois.  Qian hésita, puis se mit à courir jusqu'à quelques pas du groupe. Les Naturels firent un pas en arrière, une manière d'encourager le gamin à rejoindre sa mère. Jennifer tendit la sagaie à la jeune fille, et prenant Qian dans ses bras, la voix étouffée par les sanglots, le couvrit de baisers. Ingrid s'approchait, Jenny déposa son fils, elles restèrent un long moment enlacées. Nos compagnons étaient rassemblés sur la place, ils assistaient à la scène, leur silence traduisant des sentiments mélangés, la joie de voir des enfants qu'ils connaissaient bien retrouver leur maman, mais aussi l'inquiétude provoquée par la présence de ces indigènes qui, bien qu'accompagnés d'une jeune fille - les groupes avec jeune fille sont toujours rassurants- étaient quand même des êtres, comment dire... des êtres... je ne trouve pas le mot, je relirai tout ça demain.

 

 Tenant ses enfants par la main, Jennifer fit quelques pas en direction de notre groupe. Je devinais les regards pointés sur moi. La pluie n'avait pas cessé, c'était maintenant un brouillard de minuscules gouttelettes qui enveloppait le camp. Les gens avaient regagné leurs cases, ils nous observaient depuis le pas de leurs portes, aux lucarnes aussi apparaissaient des visages. Ils s'attendaient sûrement à une explosion de joie, à de longues embrassades. Ils durent attendre. J'étais pétrifié, statufié. Elle s'arrêta à deux mètres de moi, jeta un regard en arrière, ses compagnons n'avaient pas bougé. Comme elle me fixait, sans agressivité, mais quand même droit dans les yeux, les derniers mots que je lui avais adressés me revinrent en mémoire :

 

« Penses-tu vraiment que ce soit la meilleure manière d'entrer en contact avec ces gens ? »

 

 Pour moi, l'observation discrète des indigènes violait leur intimité. C'était un outrage, une agression, une atteinte à leur liberté. Quand j'étais gardien à la maison d'arrêt, j'évitais d'observer les prisonniers à travers le judas de la porte. Je préférais entrer dans la cellule, faire mon travail ouvertement, franchement, sous leur regard.

 Mais il y a une façon de dire les choses, un moment aussi pour le faire. Jennifer était toute à la joie d'avoir commencé son travail d'investigation. Et je lui avais asséné une leçon de morale. Je regrettais maintenant ces propos, je n'étais pas fier. Elle se retourna à nouveau, et revint vers moi. Elle n'avait pas prononcé un mot, mais je compris ce que signifiait la présence des deux hommes et de la fille qui l'accompagnaient. Avec toute la finesse et la persévérance dont une femme est capable, mieux qu'un travail d'investigation, elle avait noué une relation solide avec les Naturels. Je fis un premier pas, les larmes me vinrent aux yeux, je la pris dans mes bras, et nous restâmes ainsi un long moment, enlacés.

 

 J'avais oublié la pluie, d'ailleurs elle s'était atténuée, mais nous étions trempés. La température avait dû baisser de dix degrés. Voilà presque un mois que nous étions sur Astrée, nous n'avions connu que la chaleur torride, à tel point que nous ne comprenions pas comment la végétation et la vie animale avaient pu s'y maintenir. Nous avons la réponse aujourd'hui. Concernant la vie animale, les premiers mots de Jennifer eurent tôt fait de modérer mon enthousiasme.

 

  • - Zhu, je me suis trompée. Dans mon message, j'avais écrit «pas d'ennemi». Figure-toi qu'ils en ont un, et terrible. Il revient chaque année à la saison des pluies...
  • - ...le hurlement que nous avons entendu...
  • - Probablement, quand?
  • - Avant-hier. On pense à un grand félin. C'est la raison de ce feu que nous entretenons jour et nuit. Un grand félin...

 

Jennifer se tourna vers ses compagnons. Ceux-ci, sans comprendre notre langage, avaient deviné le sujet de nos propos, en mesurant la gravité soudaine de nos attitudes : ils s'étaient approchés. Elle me fixa à nouveau dans les yeux.

 

  • - Un hominidé. Géant.

 

Les deux hommes contournèrent Jenny et se mirent à faire de grands gestes. L'un d'eux posa sa main sur mon crâne, et de l'autre, levant son bras au ciel, et dessinant de grands cercles au-dessus de ma tête, s'efforçait de me donner une idée de la taille gigantesque du monstre. La jeune fille, portant la main devant sa bouche, tremblait de tout son corps. Elle se dissimula derrière Jenny.

 

  • - Mais comment le sais-tu? Tu ne l'as pas aperçu toi-même?
  • - Non. Mais si Crô vient de s'exprimer par gestes, c'est qu'il ne sait pas parler. Le vieux Kâ qui n'est pas là est différent de Crô. Il sait se faire comprendre. Nous commençons à communiquer. Une sorte de baragouin de notre invention qui me permet d'apprendre beaucoup de choses. Ces hommes, car ce sont des hommes, ont une histoire et surtout une origine sur laquelle il faudra que nos scientifiques se penchent...

 

Cinq minutes que nous nous étions retrouvés, et elle commençait déjà à m'énerver. « Car ce sont des hommes » ! Comme si j'en avais douté !

 

  • - Bon, que t'as dit ce vieux Ka?
  • - Pas Ka, Kâ! Il faut plus fermer la bouche, dessiner un O avec les lèvres, entre le O et le A. Bon. Il me dit que ce n'est pas une bête, qu'il est très grand, qu'il nous ressemble, qu'il est doué d'une force prodigieuse. Quand ces gens vivaient encore dans leur village, il semait la terreur, et sa grande taille lui interdisant de pénétrer dans les habitations, il passait le bras dans l'ouverture, renversait la bicoque, et s'emparait de ses occupants. Il les emportait et les dévorait plus loin, dans la forêt profonde.

 

Subitement, je pensai à nos compatriotes, les expropriateurs des « sauvages ». Ils occupent leurs cases maintenant. Et si le hurlement ... Jenny ne l'avait pas entendu, quoi d'étonnant, ses compagnons sont réfugiés loin d'ici, encore plus loin de leur ancien village. Et c'est de là, lieu d'implantation forcée de nos conquistadores, que la bête aurait rugi ?

 

 L'émotion provoquée par le retour de ma bien-aimée, nos retrouvailles, nos embrassades nous avaient fait oublier que Qian n'avait que six ans. Il avait tout entendu : le monstre, la force prodigieuse, qu'il les emportait et les dévorait ! Il s'était réfugié près de sa mère, et nous observait tour à tour, Jenny et moi, buvant nos paroles. C'est Crô qui vint à son secours. Il s'accroupit, posa son épieu sur le sol et lui tendit les bras, l'invitant à s'approcher. Qian lâcha sa maman et fit un pas en direction de l'homme, un pas seulement. L'autre n'insista pas. Ils restèrent un long moment face à face, encore accroupi Crô souriait, puis il reprit son arme et se releva.

 

 Qian n'était pas seul à lire l'inquiétude sur nos visages. Ceux du camp s'étaient approchés, même Renfrogné était venu ! Jennifer en avait assez dit : le tombereau tiré et poussé par six hommes s'enfonça trois fois dans la forêt. Chargé de troncs grâce aux ridelles, nous avons de quoi effrayer un troupeau de tyrannosaures. Il a plu abondamment, mais le foyer qui, sans interruption a été alimenté plusieurs jours durant, saura bien dévorer cette montagne de bois mouillé. Je pris Qian dans mes bras, lui montrant le gros tas que ses copains avaient déjà escaladé et dévalé en poussant de grands cris :

 

  • - Va les retrouver!

 

 

28/02/2010

A Cuba, on emprisonne et on tue.

 

Ce qui est effrayant dans cette histoire

N'est pas que j'aie voulu

Jadis donner ma vie

Mais bien qu'aujourd'hui

Ils veuillent me l'ôter.

 

 

 

Sous le titre « Socialisme réel » ces lignes ont été écrites par Raul Rivero poète et journaliste. En 1995 il avait fondé l'agence Cuba Press qui ne comptait dans ses rangs que des professionnels qui exerçaient leur métier en dehors du contrôle de l'état. En 1997 il reçut le Prix international de Reporters sans Frontières pour son combat en faveur de la liberté de la presse. Il est l'auteur de nombreuses œuvres poétiques.

 

 Aujourd'hui, il est en prison. Il a été jugé le 04 avril 2009 avec son ami Ricardo Gonzalez Alfonso. Ce dernier, accusé d'être un « agent à la solde des Etats-Unis » fête cette année son 60° anniversaire en captivité. D'après RSF, vingt cinq journalistes sont actuellement détenus à Cuba. Dix neuf d'entre eux ont été arrêtés lors du « Printemps noir » (1) et condamnés à des peines allant de 14 à 27 ans de prison.

 

 Il y a quelques jours, le prisonnier politique Orlando Zapata, plombier-maçon, noir de peau, âgé de 42 ans, est mort. D'après le Nuevo Herald,  cet opposant à la dictature était « condamné au total, à 36 années de prison pour désordre public, il avait refusé de s'alimenter le 3 décembre dernier pour protester contre ses conditions de détention ». D'après sa mère, il ne restait plus sur son cadavre « que la peau sur les os ». « C'est un assassinat prémédité -dit-elle- , le pouvoir voulait en finir avec lui. »

 

 

 

Puisqu'on nous dit qu'il est impossible qu'un état socialiste prive de leur liberté des citoyens innocents,

 

Puisqu'on nous dit que les dissidents ne sont pas des citoyens comme les autres, qu'ils sont des agents l'ennemi impérialiste,

 

Puisqu'en Occident, les agences nous invitent encore et toujours à découvrir leurs formules de voyage vers La Havane destination de rêve, (2)

 

Puisqu'en Occident, les responsables politiques ont l'ouïe défaillante et n'entendent pas les mots, les cris des personnes emprisonnées,

 

Puisque enfin les appels, les déclarations, les communiqués ne suffisent pas,

 

il nous reste les mots du poète :

 

 

 

« Un spécialiste des interstices est venu

un critique littéraire ayant provisoirement grade de caporal

qui a ausculté de la pointe de son pistolet

le dos des livres de poésie.

 

Huit policiers

dans la maison

avec un mandat de perquisition

une opération propre

une victoire complète

de l'avant-garde du prolétariat

qui a confisqué ma machine à écrire Consul

cent quarante-deux pages blanches

et un tas de paperasses tristes et personnelles

qui était ce que j'avais de plus périssable

cet été. »

 

 

§

 

 

Ces quelques vers ainsi que ceux reproduits en haut de page ont pour auteur Raul Rivero aujourd'hui emprisonné, et sont extraits de l'anthologie des poètes censurés à Cuba sous le titre :

 

Anthologie de la poésie cubaine censurée,

 

proposée par Zoé Valdés, éditée par Gallimard avec la collaboration de Reporters sans frontières et de la FNAC en 2002.

 

 

 

(1) à ne pas confondre avec le Printemps de Prague !

(2) cela peut rappeler quelques souvenirs aux plus âgés d'entre nous, quand des intellectuels français dans les années quarante et cinquante revenaient enchantés de leurs voyages en URSS et dans les démocraties populaires...

23/02/2010

Sur l'invention de la photographie, un nouveau site à découvrir !

 Oui vraiment, elle est belle l'humanité quand elle est nue, débarrassée des préjugés, croyances et autres dogmes !

 Malheureusement, autour de moi, de gauche, de droite, je ne vois rien venir. Des masques, partout des masques. Nos porte-parole s'affublent de toutes sortes de costumes plus laids les uns que les autres, quand ils en ont assez, au lieu de se mettre à nu, de révéler leur vérité, voilà qu'ils retournent leur veste et disent aujourd'hui ce qu'ils niaient hier.

 Et quand la réalité brute, la crudité des faits les oblige à parler, ils se font oublier, et comme notre mémoire est courte, ils réapparaissent, lazares échevelés sortant du tombeau, aspirés qu'ils sont, non par la vie, mais par l'appétit du pouvoir.

 D'autres ne reculent devant rien, de la réalité, des faits, ils ne voient que ce que leurs lunettes leur permettent de voir, mais les opticiens ne peuvent rien contre les dogmes qui, comme la foi, rendent aveugles.

 Ces colporteurs de dogmes, les visiteurs de ce blog savent que nous ne les portons pas dans notre cœur. On pense immédiatement à la religion et à la politique, mais il ne faut pas oublier les sciences. Etant incapable moi-même de combler cette lacune, je ne saurais trop conseiller la visite d'un site qui, en page d'accueil, cite cette explication de l'Abbé de Condillac dans l'« Essai sur l'origine des connaissances humaines » :

 

« Au lieu d'observer les choses que nous voulions connaître, nous avons voulu les imaginer. De supposition fausse en supposition fausse, nous nous sommes égarés parmi une multitude d'erreurs; et ces erreurs étant devenues des préjugés, nous les avons prises par cette raison pour des principes: nous nous sommes donc égarés de plus en plus. Alors nous n'avons su raisonner que d'après les mauvaises habitudes que nous avions contractées. L'art d'abuser des mots sans les bien entendre a été pour nous l'art de raisonner......Quand les choses sont parvenues à ce point, quand les erreurs se sont ainsi accumulées, il n'y a qu'un moyen de remettre l'ordre dans la faculté de penser; c'est d'oublier tout ce que nous avons appris, de reprendre nos idées à leur origine, d'en suivre la génération, et de refaire, comme dit Bacon, l'entendement humain. »

 

Ce site intitulé

 

« L'invention de la Photographie. La vérité sur Daguerre. »

http://www.niepce-daguerre.com/index.html

 

propose une réflexion sur l'invention de l'art qui a joué un rôle primordial au cours des deux derniers siècles. Jacques Roquencourt, qui en est l'auteur, rétablit les faits et remet bien des idées en place, une place qu'elles n'auraient jamais dû quitter si... des intérêts, des rumeurs, des partis pris, l'incompétence aussi, des universitaires exprimant des opinions dans une spécialité qui n'est pas la leur, n'avaient tour à tour façonné, habillé l'histoire à leur façon, selon leurs goûts et surtout, placés qu'ils sont devant les preuves (1), s'accrochent désespérément à ce qu'ils avaient d'abord supposé, puis cru, enfin encensé. Pourquoi ? A ce qu'en dit Condillac, on pourrait ajouter qu'il ne faut pas confondre savants et chercheurs. Les plus grandes découvertes ont été l'œuvre de ces derniers.

 

 

 

(1) Les thèses de Jacques Roquencourt sont étayées par les expériences tant chimiques que physiques et optiques qu'il a réalisées lui-même.