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17/04/2010

Pourquoi taire les crimes du communisme (suite)

 Dans un article précédent nous en étions arrivé à 1922, fin de la période léninienne (Lénine est mort en 1924). Atteintes à la démocratie, à toutes les formes de liberté, dictature d'un parti sur un peuple, déportations et crimes : non seulement la mort de Lénine ne mit pas un terme à tous ces maux, mais depuis l'arrivée de Staline au pouvoir, entouré de ronds-de-cuir (1) à sa botte, les peuples qui composaient l'Union soviétique subirent pendant plus de soixante ans (les successeurs de Staline continuant son « œuvre ») un régime despotique (2). Dans le cas de la Russie soviétique, le despote ne fut pas un individu, mais plutôt une personne « morale » : le parti ; là réside l'aspect totalitaire du régime en même temps que sa force. Le parti agissant pour le bien de tous, chacun participe, brique scellée dans l'édifice de la dictature, jusqu'au dissident qui, convaincu de la nécessité et de l'inéluctabilité du but final, se résigne à considérer ceux qui le persécutent, non comme des gardiens du dogme, mais comme des révisionnistes, au pire des falsificateurs de la doctrine.

 

 Ce qui nous intéresse ici, ce n'est pas d'attirer l'attention sur une dictature qui par sa durée est loin d'être un cas unique dans l'histoire, car des dictatures et des tyrannies, au fil des siècles, les hommes en ont vu d'autres, mais plutôt de relever un fait étrange : il n'est pas interdit (il est même conseillé) dans notre société de clouer au pilori (3) toutes les formes de dictature à condition de ne pas toucher au communisme ! Je crois m'être expliqué là-dessus dans ce même article (4). J'ajouterais, mais ce n'est pas le sujet ici, qu'il faut s'interdire aujourd'hui de mettre en cause l'islamisme : on accepte bien des choses quand elles viennent du tiers-monde. Argument de l'extrême gauche : les régimes dictatoriaux des pays du tiers-monde seraient des produits de l'impérialisme occidental. Allons camarades, depuis des millénaires, en matière de dictature et d'injustice, les peuples de là-bas ont disposé du nécessaire sur place. A commencer par l'esclavage qui n'a pas été initié par la colonisation. Les autochtones avaient depuis longtemps fait preuve de leur savoir-faire en la matière. Mais revenons à nos moutons.

 

 La liste des agressions, pillages, entorses au droit international, crimes cités ci-dessous est dressée dans « Le livre noir du communisme » un ouvrage tant décrié, pour des raisons bien compréhensibles. On reproche à Stéphane Courtois « d'enlever son caractère historique au phénomène.» Ce qui revient à justifier la violence : face au monde impérialiste, les bolcheviks y auraient été contraints... A la boutade « on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs », Vladimir Boukovski répliquait qu'il avait vu les œufs cassés, mais n'avait jamais goûté l'omelette. (cité par Courtois)

 D'autres reprochent aux auteurs de ne pas faire la différence entre la théorie communiste et son application détournée en Russie, en Chine, au Cambodge... On pourrait leur rétorquer que des millions de Soviétiques, de Chinois, de Cambodgiens sont morts avant d'avoir eu le loisir de lire les textes fondateurs. Ils n'en ont connu que les implications.

 

 Mais attention : après avoir lu et relu les critiques, parfois très vives, adressées aux auteurs de ce livre, si les contradicteurs remettent en cause des chiffres, jamais, je dis bien jamais ils ne mettent en cause les faits rapportés :

 

 

  • - Assassinat de dizaines de milliers de personnes dans les camps de concentration entre 1918 et 1930;

 

  • - Déportation de deux millions de koulaks en 1930-32;

 

  • - La grande famine ukrainienne de 1932-33 liée à la résistance des populations rurales à la collectivisation forcée, provoqua la mort de 6 millions de personnes;

 

  • - Liquidation de près de 690.000 personnes lors de la Grande Purge de 1937-38;

 

  • - Négociations secrètes de Staline avec Hitler aboutissant à deux traités du 23 août et du 28 septembre 1939, partage de la Pologne, annexion à l'URSS des états baltes, de la Bucovine du nord et de la Bessarabie;

 

  • - Agression de la Finlande le 30 novembre 1939;

 

  • - Exécution de 4500 officiers polonais à Katyn en 1939; un massacre qui, pour Vidal-Naquet aurait pu entrer dans le cadre du procès de Nuremberg(5);

 

  • - Plusieurs centaines de milliers de militaires allemands sont morts après avoir été déportés au goulag entre 1943 et 1945;

 

-   Le mutisme imposé par le parti concernant les exactions commises par les soldats de l'armée rouge, en particulier les viols de femmes allemandes dans l'Allemagne occupée. Voir à ce sujet le reportage « Les Russes à Berlin » Scherz Verlag München-Bern-Wien, 1965 Robert Laffont, 1967 dans lequel Erich Kuby, citant Horst Schützler relève :

 

« Le spectacle de milliers de kilomètres de sol national dévasté, de villes et villages rasés, de potences et fosses communes où avaient fini tant de citoyens soviétiques allumait, dans le cœur des soldats russes, une haine démesurée contre les agresseurs allemands et effaçait parfois la distinction établie par leurs chefs militaires et politiques entre les fascistes hitlériens et les populations allemandes égarées, et leur inspirait des sentiments de vengeance (souligné par moi) (...) Tous les citoyens soviétiques n'avaient pas encore assimilé l'idéologie socialiste au point d'être préparés à cette terrible épreuve ! »

 

Certes. Mais les massacres commis par les SS en Union Soviétique justifient-ils les exactions commises par les soldats soviétiques sur des femmes allemandes ? Non. Pas plus que les massacres de civils français par la Gestapo et l'armée d'occupation ne justifiaient le mot d'ordre de résistants, probablement de la dernière heure : « A chacun son boche ! »

 

-   Pillage systématique de tout l'appareil industriel des pays occupés par l'Armée rouge. Plus que l'appareil industriel, des produits finis (en Allemagne avant-guerre) furent revendus sous un autre nom (russe) après avoir subi quelques menues modifications. C'est le cas en photographie et en optique, la plupart des usines de fabrication étaient en Allemagne orientale (Iéna, Dresde...). Je possède un appareil 6x9 pliant à soufflet de marque Mockba qui est la copie exacte du Zeiss Ikon Ikonta 6x9 d'avant-guerre. Pire qu'une contrefaçon : un livre de référence (6) indique qu'il est possible que certains composants de cet appareil aient été fabriqués en Allemagne avant la guerre ! (voir aussi la copie soviétique du Leica page suivante)

 

  • - Déportation de centaines de milliers de Polonais, d'Ukrainiens, de Baltes, de Moldaves et de Bessarabiens (7) en 1939-41, puis en 1944-45;

 

  • - Déportation des Allemands de la Volga en 1940-41;

 

  • - Déportation-abandon des Tatars (8) de Crimée en 1943;

 

  • - Déportation-abandon des Tchétchènes (9) en 1944;

 

  • - Déportation-abandon des Ingouches (10) en 1944;

 

  • - En 1943-44 Staline a fait retirer du front des milliers de wagons et des centaines de milliers d'hommes des troupes spéciales du NKVD pour assurer dans le délai très bref de quelques jours la déportation des peuples du Caucase. 

                                                           §

 

 

 Dans un troisième temps, on procédera à un double examen :

 

1/ les crimes de l'après-guerre avant et après la mort de Staline en URSS et dans les pays occupés dénommés « démocraties populaires » ;

 

2/ pourquoi les intellectuels et les dirigeants politiques occidentaux ont respecté la loi du silence sur ces crimes. Pourquoi les dirigeants staliniens et leurs complices n'ont-ils pas été jugés devant un Tribunal international ?

 

 

§

 

 (1) rond-de-cuir n. m. Fam., péjor. Employé de bureau. (Par allus. au coussin de cuir qui garnissait les sièges de bureau.) Des ronds-de-cuir.  © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(2) despote n. et adj.  1. n. m. Souverain qui exerce un pouvoir arbitraire et absolu.  

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(3) Clouer qqn au pilori, le désigner à l'indignation publique. © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(4) Pourquoi taire les crimes du communisme ?

 

(5) Katyn, village de Russie, à l'O. de Smolensk. Dans la forêt de Katyn les Allemands découvrirent en avril 1943 les cadavres de quelque 4500 officiers polonais et attribuèrent ce massacre à l'Union soviétique, laquelle se défendit en accusant l'Allemagne. Les enquêtes menées après la guerre établirent la responsabilité de la police politique soviétique (reconnue par l'U.R.S.S. en 1990).

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(6) Princelle Jean Loup.- The authentic guide to Russian and Soviet cameras, deuxième édition, Août 2004 ;

(7) Bessarabie, rég. de Moldavie et d'Ukraine, au N.-O. de la mer Noire, entre le Prout et le Dniestr. ­ Russe en 1878, roumaine de 1920 à 1940 et de 1941 à 1944, la Bessarabie a été  reconnue partie intégrante de l'U.R.S.S. au traité de Paris de 1947. Ce traité a été dénoncé par la Roumanie en 1991. 

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(8) Tatars, peuple de nomades turco-mongols dont la présence est attestée au VIIIe s. dans l'O. de l'actuelle Mongolie. Ils furent écrasés par Gengis khan en 1202, mais les Européens nommèrent longtemps «Tartares» tous les envahisseurs mongols, puis diverses populations turques de Russie. De nos jours, les Tatars, musulmans, sont évalués à env. 7  millions de personnes; on distingue essentiellement les Tatars de la Volga et les Tatars de Crimée. Ces derniers, déportés par Staline à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ne furent réhabilités qu'en 1987 et luttent toujours pour regagner leur territoire national.

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(9) Tchétchènes, peuple caucasien islamisé, les Tchétchènes (environ 650000 personnes en 1995) ont valeureusement résisté à l'expansionnisme russe des XVIIIe et XIXe siècles, jusqu'à la chute de leur chef Chamil (1859): Grozny («la Terrible» en russe) devint alors ville de garnison russe. Après la prise de pouvoir bolchevique, leur territoire est successivement partie de la «République autonome des montagnes», «Région autonome», puis portion de la Fédération de Russie, à nouveau «République autonome» mais en association avec les Ingouches (1936). En 1944, Tchétchènes et Ingouches sont déclarés «peuples punis» et déportés en Sibérie. Leur république disparaît et est colonisée par des Russes et des Géorgiens jusqu'en 1957, date à laquelle la déportation est suspendue et la république recréée. Ce long passé d'adversités est évidemment une source de ressentiments très vifs des populations locales envers les Russes, et il n'est pas surprenant que cette hostilité se soit transformée en conflit ouvert après la chute du système soviétique (1991).

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(10) Ingouches, peuple musulman du Nord du Caucase. Déportés massivement en 1943-1944 par Staline, ils purent s'établir dans la République de Tchetchénie-Ingouchie en 1957.

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

 

 

 

Une contrefaçon étonnante d'après guerre

à droite, l'original allemand « Leica »,     

à gauche la copie soviétique « Zorki »

      

 

 La différence la plus visible est l'absence de levier de retardateur sur le Zorki (il y eut des Leica sans retardateur) ;

Leica allemand et Zorki russe.jpg
cliché M.Pourny

14/04/2010

Monde sans dieu, un moindre mal

 Remarquez bien, quelle que soit notre colère, et d'abord celle des parents des victimes, il serait malvenu pour la société civile de jeter la première pierre à l'Eglise. Car si la pédophilie s'abrite parfois sous une soutane, elle fait des victimes dans d'autres milieux, sur tous les continents, et probablement depuis les siècles des siècles.

 

 S'il n'y avait que le mal fait à des enfants, ce serait déjà terrible. Mais il y a ce silence. Silence qui constitue depuis deux mille ans toute la force de la politique de l'Eglise. Silence plus bavard que les plus longs sermons. Silence sur les faits et méfaits imposés ou permis pourvu que le dogme soit sauf. A commencer par l'école, et je pense même à celle du diable, à la communale, la laïque. Peut-être ai-je particulièrement souffert de ce silence parce que je n'étais pas catholique? On nous présentait St Louis comme un roi exemplaire rendant la justice sous un chêne, le départ en croisade comme une guerre sainte, le massacre de la St Barthélemy comme un épisode « tragique » de la guerre des religions, l'évangélisation de l'Amérique comme une action civilisatrice dans un monde de sauvages, on se taisait autant qu'il était possible en classe de quatrième sur le rôle contre-révolutionnaire de l'Eglise, pilier de l'ordre monarchique en 1789, quand aux années noires du siècle dernier, motus et bouche cousue sur la collision catholicisme-pétainisme-antisémitisme, sauf une page ou deux dans le manuel d'histoire, maigre feuille de vigne cachant l'infamie, éclairée trop souvent par les propos d'un professeur montrant que parmi les gens d'Eglise, il y avait parfois un Juste.

 

 Combien de discours entendus sur la fonction irremplaçable de la religion en matière de morale ! Du collège à l'université, combien de fois m'a-t-on rappelé que -existence de Dieu ou non- l'amour du prochain nous était enseigné par les Ecritures, transmis par le catéchisme, montré en exemple par les prêtres. On disait et répétait que sans religion, l'homme serait un loup pour l'homme. Jusqu'en terminale où le professeur de philosophie, debout sur l'estrade, levant le bras, évoquant Raskolnikov, nous fixant l'un après l'autre dans les yeux, et là j'oubliais tout, le bac, ma copine, la révolution prolétarienne (c'était les années soixante), toujours le bras en l'air, il se tournait vers l'un d'entre nous, c'était moi.

 

  • - Pourny! Qui, quelle instance, quel pouvoir pouvait encore stopper le geste meurtrier? Qui? La peur d'être vu? La crainte de la police? L'apparition soudaine, au moment crucial, d'un sentiment humain, du sens de la fraternité? La compassion vis-à-vis d'une vieille femme sans défense? La peur? Mais la peur de quoi? De la peine de mort? De la prison? De la justice des hommes? Non. La seule force qui aurait pu encore arrêter son bras, elle n'est pas humaine. C'est la peur du Jugement, du vrai de vrai, du Jugement Dernier, celui de Dieu.

 

 Certes, je me dis par la suite que vu le nombre de crimes dont les hommes s'étaient rendus coupables dans l'histoire, la peur du jugement d'un dieu n'était pas si efficace qu'on avait bien voulu l'enseigner. Néanmoins, je me dis que si cette peur n'existait pas, si l'Enfer n'était qu'un mauvais cauchemar destiné à faire régner l'ordre dans les sociétés humaines, et le Paradis une incitation à aimer son prochain et à faire le bien autour de soi, les hommes par eux-mêmes, dans un monde donc abandonné par les dieux, seraient bien incapables de vivre dans la paix, d'amour et d'eau fraîche. Et puis boum badaboum !  Non seulement la peur du Ciel ne fait pas barrage au crime, mais les représentants du ciel sur la terre sont eux-mêmes des criminels. Pour l'église catholique, moins qu'avant et en cachette. Pour l'islam, ouvertement et sur une échelle génocidaire. La « sainteté » de la guerre justifiant l'opprobre : viols, mariages forcés, crime d' « honneur », apologie du négationnisme et même du nazisme, menace nucléaire... Agir au nom d'un dieu justifie tous les crimes.

 

 Peut-être n'avons-nous pas encore bien appris à vivre dans un monde sans dieu. Après tout, les religions ont semé la zizanie, le mal et le meurtre pendant des millénaires, et la disparition du Grand Horloger n'indique que deux siècles au cadran, il nous faudra encore un peu de temps pour nous faire à l'idée que nous sommes seuls, bien seuls au moins sur cette planète, et que le monde nous appartient, pour le bien comme pour le mal. Mais que les religions mettent un bémol à leurs sermons, qu'elles règlent leurs problèmes existentiels et cessent de nous donner des leçons.

 

§