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10/06/2015

Idées pour le collège

 

 

 

 Plutôt que renforcer l'enseignement du "fait religieux" à l'école, ne vaudrait-il pas mieux aider les enfants à penser par eux-mêmes ?  

 Pourquoi ne pas s'arrêter sur quelques pensées des Anciens, sans les apprendre par cœur certes, quoique... les prières sont bien récitées! En les proposant en fonction des besoins ou de l'intérêt des élèves, ou tout simplement dans leur rapport avec l'actualité, ces courtes leçons pleines de sagesse pourraient être l'occasion d'un débat, ou même d'un devoir écrit:

 

  • La mesure est la meilleure des choses;

  • Il convient de savoir beaucoup, non d'ignorer;

  • Ne fais rien avec violence;

  • Eduque tes enfants;

  • Mets un terme à tes haines;

    (Cléobule de Lindos)

 

  • Connais-toi toi-même;

  • Que ta langue ne devance pas ta raison;

  • Respecte tes aînés;

  • Obéis aux lois;

    (Chilon le Lacédémonien)

 

  • Ce que tu reproches à autrui, ne le fais pas toi-même;

    (Pittacos de Mitylène)

 

  • Fais des promesses, la faute n'est pas loin;

  • N'embellis pas ton extérieur, c'est par ton genre de vie qu'il faut t'embellir;

  • Les bons offices que tu auras accordés à tes parents, attends-toi à les recevoir dans ta vieillesse de tes enfants;

  • L'ignorance est un lourd fardeau;

  • Fais en sorte de ne pas susciter la compassion;

  • Si tu commandes, gouverne-toi toi-même;

    (Thalès de Milet)

 

  • Déteste la précipitation et le bavardage, tu éviteras ainsi des fautes...

  • Prends les gens par la persuasion, non par la violence;

  • Quand tu fais une bonne action, rapportes-en la cause aux dieux, non à toi;

    (Bias de Priène)

 

  • La démocratie est préférable à la tyrannie;

  • Montre-toi digne de tes parents;

  • Sois le même pour tes amis heureux ou malheureux;

    (Périandre, Corinthien)

 

 

§  

04/06/2015

La raison n'est pas nécessairement du côté qu'on croit

 

Les gens révoltés m'énervent. Je parle bien sûr de ceux qui le sont en permanence. Ils sont contre tout. Contre les aéroports, contre le diesel, contre les barrages, contre les centrales nucléaires, contre les éoliennes, contre les crèches dans les lieux publics, contre les inégalités sociales, contre les gouvernements, contre les oppositions, contre les étrangers, contre la viande de porc, contre la viande tout court, contre le gavage des oies, contre le mariage gay, contre le mariage, contre les corridas, contre l'acharnement thérapeutique et contre l'euthanasie, et le pire, eux qui en veulent au monde entier, ils sont contre la guerre. 

 Ils disent non à tout. Jean Amadou qui suivait le tour de France cycliste regardait en souriant la multitude de banderoles brandies par des mécontents tout au long de la route, "NON à ceci!", "NON à cela!", il avait même déniché sur une étape en Auvergne je crois, un calicot sur lequel était inscrit un seul mot: "NON !". Sacré Amadou, il nous manque. 

 S'ils m'énervent aussi, c'est qu'ils s'opposent à tout et à n'importe quoi, mais qu'ils ne le font qu'en paroles. Réunions de famille, entre copains, sur le zinc ou les gradins du stade, à la radio et à la télé aussi, nous avons dans notre pays un contingent inépuisable de révoltés, que dis-je? de révolutionnaires! A ceux-ci s'ajoutent les anciens combattants intarissables des années de guerre (1968...). Debout sur les barricades, ils étaient les Envoyés de l'Idée, chargés d'une mission globale: sortir l'Homme du vieux monde. Leur guerre a fait long feu, mais eux ont survécu et sont aujourd'hui professeurs, députés français ou européens, artistes, architectes, membres d'honneur d'associations humanitaires, écrivains, philosophes invités sur tous les plateaux, tous un peu bedonnants et sûrs d'eux-mêmes, peu avares de conseils sur toutes les situations qui se présentent car eux au moins ils ont vécu et pas qu'un peu. 

 Bref toutes ces grandes gueules m'énervent, mais pas autant que ceux qui la ferment à la moindre occasion. C'est facile de critiquer les soixant'huitards en leur assénant que leur révolte d'étudiants n'a servi à rien, oui facile. Mais quand cette critique ricanante vient de ceux qui n'ont jamais levé le petit doigt contre quoi que ce soit, cela m'énerve aussi. Ces bons pères et mères de famille qui ont contre vents et marées -alors que d'autres tentaient de changer le monde- poursuivi assidûment leurs études, préparé leurs diplômes et assuré leur carrière, cela m'insupporte qu'ils viennent marmonner aujourd'hui que puisque s'agiter n'a servi à rien, ils étaient les plus raisonnables et les plus sages. Bref, ils alimentent le vieil adage selon lequel, le bonheur consiste à rester assis et ne rien faire. 

 Vous leur présenteriez une pétition exigeant le maintien du statu quo, par peur de l'engagement ils ne la signeraient pas. Et le pire, m'entendez-vous? Le pire, c'est qu'ils ont raison. Ceux qui se planquent ou qui frôlent les murs quand l'avenir est incertain ont raison. Il ne faut pas se mettre en avant. Et puis attendez, il y a les risques qu'on fait courir à ses proches, ah ça des arguments ils en ont, et toujours inattaquables. La seule idée qu'ils ont retenu de la philosophie des Lumières, c'est qu'il faut cultiver son jardin. Ils fuient tout ce qui peut mener à l'aventure. L'aventure! Quelle horreur pour ces gens qui n'existent que sur papiers d'identité et feuille d'impôt. Je ne vais pas comparer les années soixante à celles de la guerre, la vraie, mais si des cinglés -ils ne l'étaient pas!- n'avaient pas fait sauter des trains au risque d'être fusillés, si des gens déraisonnables n'avaient pas mis à l'abri des enfants juifs au risque d'être déportés avec eux, si des femmes et des hommes n'avaient pas franchi la Manche afin d'en finir plus vite avec l'occupation de la France, si des gens simples, des gens de tous les jours, maires, instituteurs, ouvriers et paysans n'avaient pas caché ici un parachutiste, là un résistant, un enfant ou une famille entière, la situation aurait-elle été plus raisonnable pour autant ? 

 La raison n'est pas nécessairement du côté qu'on croit. S'il peut être déraisonnable de monter des barricades et de mettre en danger sa vie et celle de sa famille, il l'est tout autant de croire qu'en gardant son calme en toute occasion, les choses s'arrangeront. La passivité n'apporte pas nécessairement la paix, en tous cas pas celle de l'âme.

  

§

22/04/2010

Je ne vous vois pas mais je sais que vous êtes là

 

 Un mobil home comme on en voit beaucoup. Il y a des bacs à fleurs sur la petite terrasse. Des plastiques pendent qui protègent des intempéries. L'homme est sur le pas de sa porte. De petite taille, il s'appuie sur la rambarde, il m'interpelle.

 

- Je ne vous vois pas mais je sais que vous êtes là. J'ai l'ouïe fine, je vous ai entendu passer.

 

 Je lui dis bonjour, mais je ne sais pas quoi lui dire d'autre. Je n'ai pas envie de parler de la pluie et du beau temps. Il vient à mon secours.

 

- C'est le retour du beau temps, les soirées deviennent agréables. Foutu hiver. Pas d'eau.

 

- Ah ?

 

- Les canalisations du camp ont gelé. Pas d'eau. Tout l'hiver. Ca ne fait rien.

 

Il sourit dans sa barbe, et tape sur la rambarde.

 

- Il y a pire, allez !

 

Moi je ne sais pas quoi dire. Parler des canalisations ? Du froid qui frappe les uns et pas les autres ? Je reste muet.

 

- C'est le printemps, cette fois-ci pour de bon. Le problème, c'est les yeux. Parce que je ne suis pas tout seul. J'ai un compagnon. Je l'emmène partout avec moi. Il m'a pris les yeux. Le cancer, il est généralisé. Je vous regarde, mais je ne vous vois pas.

 

 Il sourit dans sa barbe.

 

- Lui, là-haut, il a oublié d'inventer la marche arrière. La marche arrière pour nous. Allez, c'était une belle journée. Passez une bonne soirée monsieur dame.

 

 Le visage de cet homme restera pour toujours gravé dans ma mémoire. Si j'avais eu le talent de Polyclète ou de Phidias, j'en aurais fait un philosophe. Dans le marbre blanc, de Paros. D'ailleurs l'homme est un sage, un vrai. Comme ceux des temps anciens, quand le bonheur terrestre était en harmonie avec l'ordre cosmique. Quand tout allait bien, parce que c'était comme cela. Quand il ne fallait pas s'arrêter sur les petits malheurs, qu'il fallait les comprendre comme des aléas du Grand Tout. Et même plus, quand les petits malheurs étaient nécessairement compris dans la facture présentée par les dieux. Une sorte de TVA, ou de Contribution Humaine Généralisée pour la préservation de l'équilibre du monde. Ils étaient sages les Anciens. Ils s'accommodaient de tout.

 

 Et puis arrêtez avec l'esclavage ! Si, je vous vois venir, vous les avocats des temps nouveaux :

 

  • - Ah elle était belle la sagesse grecque, pour dix pour cent de la population, quand d'autres devaient extraire le plomb et l'argent, à quatre pattes dans les mines du Laurion. Epictète n'avait pas dû y mettre les pieds dans les mines, lui qui répétait, austère, rigoureux et insensible à la douleur: «Supporte et abstiens-toi!» Il était beau l'ordre du monde quand ceux d'à côté, par delà les frontières, étaient considérés -par les plus sages des philosophes- comme des barbares!

 

 Voulez-vous que je vous dise ? Vous parlez trop. Enfin ! Cessez de donner des leçons à vos ancêtres. La moitié de votre monde crève de faim. Des peuples s'entretuent. Des fous sont au pouvoir et menacent la planète entière. Des philosophes ou prétendus tels emploient des mots compliqués pour ne rien dire. Des sages passent leur vie en prison. D'autres sont dans l'obligation de se taire parce que ce sont des femmes. D'autres encore sont menacés de mort, simplement parce qu'ils sont nés, à cause de leur couleur de peau, de leurs croyances, ou parce qu'ils vivent depuis des millénaires en un lieu qui doit subir la déforestation. L'humanité tout entière est menacée par les rejets toxiques de la folie industrielle.

 

 Un homme, sur le pas de sa porte, devant son mobil home, a perdu la vue, il a passé l'hiver sans eau, pour tout compagnon, il a le cancer. Il ne demande rien. A personne. Il salue l'arrivée du printemps.

 

 

§

 

 

 

13:06 Publié dans portraits | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maladie, solitude, sagesse