06/01/2011
Rêvons ensemble
Oui, en ce début d’année, rêvons un peu. Ensemble. Pour commencer, jetons les dictateurs à la poubelle. Pour les militaires, le tri sélectif s’impose, le troufion de base n’est pas jetable, il a rarement eu le choix des armes, épargnons-le. Les chefs religieux, qu’est-ce qu’on en fait ? On ne va tout de même pas rétablir les jeux du cirque –ce qui nous honore, car certains d’entre eux ne se gênent pas pour faire subir les pires sévices aux mécréants, et en public- ça y est, c’est reparti, je recommence à être désagréable. Bon.
Deux mille onze. Rêvons un peu. On commence par donner du travail aux chômeurs longue durée, après tant d’années d’un travail souvent ingrat et peu récompensé, ils ont bien mérité de reprendre goût à la vie. Pour les jeunes ? Des études longues, enrichissantes, conclues par un diplôme un vrai, avec un emploi au bout, dans la recherche, allez, on va mettre la jeunesse du pays à la recherche, toutes les disciplines sont conviées, à commencer par la médecine, l’écologie, l’éducation des enfants, la conquête spatiale, la philosophie, la littérature et les mathématiques. J’oubliais l’essentiel : les beaux-arts. Voilà ce qui manque à nos jeunes : le sens du beau, de l’élégance, de la belle ouvrage. Qu’ils posent leur MP3 comme on pose une cigarette pour aller faire autre chose. Qu’ils aillent à l’essentiel, qu’ils creusent, qu’ils dressent, qu’ils sculptent, qu’ils peignent, qu’ils composent, qu’ils écrivent, qu’ils s’interrogent, qu’ils doutent, qu’ils pensent.
Rêvons un peu. Tout le monde mange à sa faim. Tous les petits enfants qui souffrent dans les hôpitaux sont entourés, choyés et guéris. Tous les enfants filles et garçons se rendent à l’école. Et puis…
…mais que se passe-t-il ? Toutes les télés du monde s’éteignent. Silence pesant dans toutes les maisons du monde. Mais une voix rassurante se fait entendre. Assis tranquillement dans tous les canapés du monde, un père et une mère appellent leurs petits enfants. Ceux-ci arrivent, mais pas tout de suite car ils sont désobéissants. Ils arrivent les petits, tout étonnés car c’est l’heure du match, et quand c’est le match, de papa dans la maison il ne reste que le corps. De maman, pendant le match, d’habitude on ne sait rien, en errance peut-être entre la cuisine, la lessive, les courses, le biberon du bébé, en tout cas une chose est certaine, elle n’est pas à la lecture, ni à l’écriture ni au piano. Donc ON ETEINT LES TELES, on en finit avec ces nuisances qui nous séparent les uns les autres : écouteurs, téléphones, ordinateurs, moteurs, vaisselle, lessive et Pampers. Ils arrivent les petits, debout face aux parents assis tranquillement dans le canapé. On vous écoute les enfants. On vous écoute.
Oui il faut rêver. Si on ne le fait pas en ce début d’année quand le fera-t-on ?
Des moments délicieux s’annoncent. Sur Internet, les sites antisémites, nazis et islamistes ont disparu. L’humanisme inexorablement tisse sa toile et se répand sur les ondes. On apprend que sur les sept continents (des approximations se glissent parfois dans les rêves) pas une seule personne, vous m’entendez, pas une seule personne n’est inquiétée pour ses idées politiques, philosophiques ou religieuses. Les chrétiens d’orient se rendent à la messe en famille, saluant au passage les musulmans venus les acclamer. Sur les ondes courtes moyennes et longues les athées et libres penseurs s’expriment sans être censurés ni menacés par quiconque. Les personnes gays ou lesbiennes se promènent tranquillement dans les rues de La Havane et du Caire. En Perse un dictateur fou presse désespérément sur le bouton rouge qui doit déclencher l’offensive atomique, et rien ne se passe. L’annonce de son suicide est accueillie par un grand éclat de rire dans les rues, sur la place de la révolution, où sur un énorme bûcher constitué de cordes, de fouets, de matraques et de potences on brûle les livres sacrés et les journaux de la dictature. Des femmes s’amusent à se dévêtir et lancent leur tchador dans les flammes.
Les terroristes déposent les armes. Des partis hier encore ivres de conquête sur les terres et les âmes reconnaissent l’existence de l’état d’Israël. De l’autre côté la colonisation s’arrête. Un philosophe, là-haut dans les nuages –un philosophe, pas un dieu, car s’il y avait un dieu, il ne serait pas dans les nuages, et tous les problèmes à la con seraient depuis longtemps résolus- un philosophe, là-haut dans les nuages se dit que la terre est à tout le monde, qu’il faut la partager. Et oui, dans les rêves il y a encore des philosophes.
Dans mon rêve moi aussi j’existe, tout ira bien pour les miens, mes petits enfants. Il y a vous aussi, à qui je souhaite que tout se passe comme dans un rêve, en famille, en santé, en joie de vivre, en bonheur.
10:37 Publié dans libre pensée | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : voeux, 2011, libre pensée, rêve
03/01/2011
Appel à la communauté internationale!
Je viens de lire l’ Appel à la communauté internationale : Sauvez Madagascar du totalitarisme absolu !
Nous sommes vraiment peu informés en France sur la situation catastrophique dans laquelle se trouve Madagascar depuis la venue au pouvoir des putschistes :
L’ancien juge de la Cour Pénale Internationale et sa fille sont arrêtés pour avoir proposé des solutions de sortie de crise.
Le Président et maire élu de l’Association des Maires de Madagascar a été arrêté avec brutalité et conduit également en prison alors qu’il s’apprêtait à lire son discours devant des manifestants pacifiques.
Des membres de la mouvance légaliste sont détenus depuis plusieurs jours dans des conditions intolérables.
La presse n’est pas épargnée car la censure a été rétablie et 80 stations de radio ont été fermées.
Plusieurs centaines de personnes sont détenues dans les prisons d’Antanimora et de Tsiafahy dont certaines n’ont jamais été jugés.
Oui, les médias français sont bien discrets, laisserons-nous longtemps le peuple malgache isolé face à la menace totalitaire ?
Vous pouvez lire l’intégralité de la pétition sur le site de Citoyenne malgache (dans les favoris ci-contre), ou sur :
21:34 Publié dans Colère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : madagascar, censure, dictature, pétition
29/12/2010
Nadia
La petite passait son temps à rêver, qu’est-ce qu’elle pouvait faire d’autre, assise contre un mur, avec pour seul spectacle, pataugeant dans la neige, les souliers des dames et des messieurs et des enfants qui se rendaient à la fête. C’était Noël. Elle se rappelait les cadeaux au pied du sapin, les guirlandes, la maison où il faisait chaud, quand elle voyait à travers les carreaux les flocons planer sur les toits, les voitures, et les derniers garnements qui n’étaient pas encore rentrés et qui se battaient à coup de boules de neige. Oui, les cadeaux au pied du sapin, son père qui l’aidait à défaire les rubans, à ouvrir les paquets. Elle se rappelait surtout ce petit carton de rien du tout d’où sortit une boule de poils marrons et son papa qui lui dit d’attendre. Il sortit les piles de sa poche et les glissa sous la fourrure, alors l’ourson se mit à parler :
« Bon jour Na dia »
Il ouvrit grand les yeux et sa queue se mit à tourner. Et sa maman, resplendissante, riant aux éclats en voyant Mickey, c’était leur petit chat noir, qui faisait le fou entre les cartons et les papiers d’emballage. Qu’elle était belle sa maman. Oui qu’elle était belle.
Mais les années étaient passées, et de grands malheurs étaient survenus. D’abord papa était parti en voyage, très loin, dans des pays tellement lointains que maman ne les trouvait pas sur la carte. Après il fallut quitter la maison, des hommes étaient venus les chercher, ils étaient en uniforme et très gentils, un gros avait pris Nadia dans ses bras et les autres les bagages. Les meubles étaient restés là mais c’était provisoire. Après, dans une autre ville, elles furent accueillies dans une grande maison où il y avait beaucoup d’autres femmes et des enfants. Nadia bien sûr se fit des copines, mais comme c’était très loin de chez elle, elle changea d’école, de maîtresse, en pleine année scolaire, et tous les élèves dans la classe la regardaient et l’appelaient la nouvelle. Elle s’en fichait complètement, et ne tarda pas à se faire remarquer, mais dans le bon sens, grâce à ses résultats dans toutes les matières. Quand elle rentrait le soir, elle n’avait pas beaucoup à marcher, le foyer d’accueil était tout près. C’est comme cela qu’on appelle là-bas les grandes maisons pour les mères avec des enfants. Parfois, elle attendait sa maman sur le seuil, et longtemps. Fatiguée, elle embrassait sa fille en souriant, mais ce n’était pas un vrai sourire. Les jours passaient, les mois, puis une année.
Un beau matin, il leur fallut quitter le foyer car le délai était passé. D’autres gens étaient sans toit, et il fallait donner leur chance à eux aussi. Depuis ce jour, Nadia et sa maman erraient dans les rues, à la recherche de nourriture et d’un toit et d’un lit pour dormir. Comme l’hiver approchait, elles firent une réserve de cartons qu’elles récupéraient dans les boutiques. Quand c’était une épicerie, elles avaient souvent droit à un petit cadeau, une boîte de pâté, des tranches de jambon dans du pain, un bol de chocolat chaud. Il y a vraiment sur terre des gens pour venir en aide à ceux qui sont dans le besoin.
La preuve, qu’il y a sur terre des personnes qui ont du cœur, c’est qu’un jour Nadia et sa maman eurent droit à un cadeau beaucoup plus important. Dans un escalier qui n’en finissait pas elles suivirent un vieux monsieur essoufflé jusqu’à un appartement tout en haut d’un immeuble. Dans la pièce, il y avait le nécessaire, sauf les toilettes et le robinet, il fallait aller sur le palier. En montant sur une chaise, de la lucarne Nadia voyait l’animation de la ville. Le plus étonnant, c’était tous ces toits, imaginer que sous chacun d’eux, il y avait des gens qui vivaient, des enfants qui jouaient ou qui dormaient, ou qui se faisait gronder par leurs parents. Tout allait pour le mieux, car la mère de Nadia travaillait au rez-de-chaussée chez des personnes très riches, très polies et qui parlaient dans la langue du pays, aussi bien et distinctement que la maîtresse à l’école. Entre le repassage, le ménage, la couture et la cuisine, c’est sûr qu’il y avait à faire. Mais au moins maintenant, on était au chaud et on avait le ventre plein. Oui on avait le ventre plein le matin, le midi et le soir, et tous les jours. C’était presque aussi bien que quand papa était à la maison, mais quand même pas autant.
Il fallut encore changer d’école, Nadia était encore la nouvelle. Elle fut bien accueillie par tout le monde sauf par deux ou trois prétentieuses qui regardaient son habillement, pourtant il n’y avait rien à voir de spécial, Nadia était propre et bien mise. On s’étonnait aussi que jamais son papa ne vînt la chercher à la sortie des cours. Elle expliquait qu’il était en voyage très loin. Les papas des autres aussi partaient souvent en voyage, pour leur travail. Mais moins longtemps. Ils allaient moins loin.
Le monsieur du rez-de-chaussée vint à mourir. Sa veuve fut recueillie par ses enfants qui mirent leur appartement en vente, et la chambre du sixième en même temps. La maman de Nadia se trouva une nouvelle fois sans ressources.
Elles marchèrent longtemps dans les rues de la grande ville, elles étaient fatiguées, mais quand il fait froid et qu’on n’a rien pour s’abriter, il faut remuer, marcher. C’est bien beau de dire ça, mais quand on n’a rien mangé ou presque, on se fatigue vite. Dans un coin de la rue, à l’abri du vent du nord, elles s’arrêtèrent et s’assirent par terre, appuyées contre un mur, Nadia serrait contre elle Pupuce, c’était son doudou, son ourson. Depuis bien longtemps Pupuce ne parlait plus, ne remuait plus la queue, n’ouvrait plus les yeux. Le jour où ses piles avaient rendu l’âme, Pupuce était mort.
- Incroyable ! Regardez cette enfant dans la rue qui meurt de froid…
Un homme, bien habillé avec une moustache et un chapeau, leva sa canne dans la direction de la femme, et prenant à témoin les autres passants, s’écria :
- Madame, avez-vous conscience de ce que vous faîtes ? Cette petite meurt de froid.
- Mais c’est que nous ne savons pas où aller.
Alors le monsieur se mit en colère :
- Enfin madame, il y a des hôpitaux, des asiles, des gymnases pour les gens comme vous ! Remuez-vous un peu !
D’autres qui passaient par là n’avaient pas tout entendu ce qu’avait dit l’homme, mais ils firent signe oui de la tête et s’en allèrent d’un pas pressé car il faisait très froid et la neige se mettait à tomber. Oui c’était vraiment incroyable qu’une fillette de … de combien déjà.. d’à peine huit ans… restât adossée grelottante contre un mur, sur le trottoir d’une grande ville, en plein hiver. Bien sûr elle avait sa maman à son côté pour la réchauffer, mais savez-vous, quand il fait zéro degré et qu’il neige, la plus câline des mamans ne remplace pas un bon feu.
Nadia aurait bien voulu tendre la main aux passants comme le faisait sa mère, mais elle ne le faisait pas. Elle avait compris que les questions d’argent étaient le domaine des adultes, et comme c’était une fille très intelligente, sa mère n’avait pas eu besoin de lui dire deux fois que c’était déjà honteux pour elle de mendier, qu’elle aurait préféré mourir que de voir son amour de petite fille faire l’aumône.
Tout l’hiver se passa comme cela. Une petite fille et sa maman erraient dans les rues, vivant de la charité et de la soupe pour les pauvres, mais le soir, adossées contre leur mur, transies, elles ne dormaient pas, et Nadia demandait toujours et encore à sa maman de lui raconter.
- Je te l’ai déjà dit mille fois ! Le jardin sera planté d’arbres gigantesques venant de tous les continents…
- et des tropiques !
- Oui et des tropiques. Et là-bas, tout là-bas, car le jardin…
- Tu avais dit un parc…
- tout au bout du parc, de l’autre côté du lac, on pourra faire du bateau sur le lac, se dressera…
- notre maison !
- Pas une maison, Nadia. Un château !
- Tu as oublié les animaux, les biches…
A ce moment, au-dessus de leurs têtes des fenêtres s’ouvrirent, des gens apparurent échevelés, d’autres en bonnet de nuit. On entendait leurs radios, ils se faisaient de grands signes et criaient tellement fort et tous en même temps que Nadia ne comprenait pas ce qu’ils voulaient. Ils avaient l’air heureux, certains se mirent à chanter, beaucoup riaient. Des drapeaux apparurent, plantés entre les barreaux des balcons. Puis des bruits de moteurs et de klaxons, des voitures passèrent à toute vitesse, avec des gens sur les capots qui faisaient de grands gestes, chantaient à tue-tête, hurlaient. L’un d’eux, qui passait sa tête par la portière, apercevant la petite et sa mère, dessinant un V avec ses doigts, leur cria : « Liberté ! ». Nadia était un peu perdue, car c’était la première fois qu’elle voyait tant d’agitation, mais elle n’avait pas peur, elle était comme au cinéma. Sa maman s’était levée, et répondait aux gens par des signes de la main, elle souriait. Maman souriait, et pour la première fois ce n’était pas à Nadia qu’elle souriait. Puis ce furent des explosions de pétards, des enfants des immeubles se retrouvaient dans les rues, montaient sur les voitures, interpellaient d’autres restés sur les balcons. De toute la nuit, Nadia et sa maman ne purent fermer un œil. Et ce qui devait arriver arriva, quand le soleil fit son apparition à l’angle de la rue, elles s’endormirent.
C’était le premier jour du printemps. Mais jamais dans aucun pays du monde la plus belle saison n’avait été fêtée avec autant de ferveur. Les gens n’avaient pas dormi, mais ça ne fait rien, tout le monde était dehors. On chantait, et maintenant on dansait. Les voitures ne passaient plus. Comment auraient-elles pu, avec cette foule qui se répandait dans la rue. Dans la rue où, dans un coin, assises au pied d’un mur, calées contre une descente de gouttière, une femme et une fillette dormaient.
- Bon jour Na dia…
La petite frotta ses yeux, et chercha son ourson. Pupuce était bien là. Mais comment pouvait-il parler, alors que sans ses piles il était mort ?
- Nadia, ma chérie !
Elle leva les yeux. Devant elle se tenait un homme.
- Papa ?
L’homme s’accroupit, posa sa main sur l’épaule de sa femme.
Est-il besoin de nous étendre sur la joie qui, ce matin-là fut celle d’une maman et de sa fille ? La joie ? Oh, beaucoup plus que cela. Car de ce jour, certes des malheureux il y en aura toujours, des pauvres, des meurs la faim, des enfants sans père, sans mère il y en aura toujours. Mais ils ne seront plus abandonnés sans secours, ni méprisés par ceux qui sont pourvus de tout. Nadia se souvient de cet homme qui, par la portière lui avait crié « Liberté ! ». Voilà, c’est cela qui avait changé, la misère était toujours là, mais Nadia avait retrouvé son père, un homme avait rejoint sa femme, des milliers de gens de toutes les couleurs, de tous les âges chantaient et dansaient dans les rues, il n’y avait personne en uniforme pour les arrêter, ni même seulement pour leur faire les gros yeux.
Personne ne connaît la suite de cette histoire, les parents de Nadia ont-ils maintenant un travail, un toit, de quoi se nourrir, de quoi rendre heureuse une fillette de huit ans ? Certainement oui, car quand on est réunis, tout est possible.
11:57 Publié dans Nouvelles | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : noël, parents, enfant