04/11/2009
XIII- Nous sommes à plus de quatre années-lumière de la terre
Cher ami,
Voici une suite du journal de Zhu. Je dis bien « une », car il semble qu’il nous manque des feuillets. Ou alors notre chroniqueur s’est endormi pendant le voyage ! Probable.
Suite du journal de Zhu :
Je ne me rappelle que le départ, et encore, j’ai dû m’endormir avant la grande envolée, car je n’ai rien ressenti, aucune sensation d’écrasement… Jennifer et les enfants ne se souviennent de rien. Jenny soutient que le voyage n’a duré que quelques minutes. Comment serait-ce possible ? Nous sommes à plus de quatre années-lumière de la terre ! Inutile de consulter le calendrier de nos montres : elles se sont arrêtées au moment précis du départ. Quand à nos poils de barbe, on dirait qu’ils ont été rasés le matin même !
Bref, nous allons poser le pied sur une planète inconnue… de nous. Quand l’arche s’est immobilisée, à quelques dizaines de kilomètres au-dessus du sol, les hublots se sont ouverts, la porte aussi. Un Rom est apparu pour nous dire que nous allions rapidement embarquer dans les navettes. Rapidement, c’est vite dit. Sachant que les navettes emportent au maximum un millier de personnes avec bagages, et que l’arche est équipée d’une dizaine de ces aérobus, il faudra au minimum deux jours -des passagers ont calculé une soixantaine d’heures pour deux journées et deux nuits-(1) pour débarquer le million d’occupants de Sésostris. Et encore, ce n’est pas le plus grand vaisseau. Chéphren et Mentouhotep ont embarqué à eux deux 9 millions d’individus plus des équipements lourds genre engins de travaux publics !. Nous aurons donc largement le temps de contempler le spectacle depuis le hublot.
Ce soleil qu’on a vu une fois se lever et une fois se coucher, beaucoup plus petit que le nôtre, (ou peut-être est-il plus éloigné de nous) ce soleil s’appelle Proxima du Centaure. Les « Je-sais-tout » qui sont nombreux parmi les passagers de l’arche, rendus aussi plus prolixes par l’angoisse qui les étreint -étaler son savoir rassure- affirment que Proxima est lui-même un satellite d’une étoile double : Alpha du Centaure. Il accomplirait une révolution complète en trente mille ans. Sa lumière nous offre une vue magnifique sur les reliefs d’un astre ma foi très semblable à la Terre. De grandes étendues d’un bleu profond, probablement des mers, parsemées d’îles ou d’îlots. Ne connaissant pas la distance qui nous en sépare, il est difficile d’apprécier les dimensions des surfaces que nous survolons. De grands espaces bruns ou verdâtres, des plaines, des forêts ? Pas de glace ni de neige. Aucun mouvement si ce n’est celui de quelques nuées au-dessus des eaux. Certes, survolant la Terre à cette altitude, nous n’aurions pas décelé plus de mouvement.
Première nuit passée au-dessus du nouveau monde. Bien dormi. Les enfants s’impatientent. Autre problème : les réserves de nourriture s’amenuisent. Pas de gâteaux pour accompagner le café. En fait, nous avions très peu emporté, les Roms nous ayant dit qu’il y avait le nécessaire à bord. Mais j’en doute. Cela me confirme que le voyage a duré très peu de temps. Peut-être avons-nous hiberné ? Les ours ne se nourrissent pas pendant leur long sommeil !
Embarquement dans la navette pour les gens du Secteur « Thüringerwald ». Le plus étonnant est le silence de ces engins. Toutefois, à la différence de l’arche, nous ressentons les effets de l’accélération. Nous plongeons. Impressionnant. Les enfants ne sont pas plus inquiets que sur les descentes en cascades des fêtes foraines ! Jennifer ne quitte pas le hublot des yeux. Ralentissement. Nous ne voyons plus rien. Nous traversons une couche de nuages. Enfin le sol apparaît. Pas de villes, peut-être allons-nous atterrir dans une région inhabitée. Ou peut-être cette planète est-elle elle-même inhabitée. Nos sauveteurs ont été si peu loquaces ! Nous ne savons rien de ce monde que le destin nous octroie. Je réalise que jusqu’à cette heure, nous avons surtout pensé au monde que nous quittions, que nous fuyions. De celui qui est sous nos pieds, à quelques centaines de mètres maintenant, nous ne savons rien. Le sol est proche. La navette ralentit brusquement. Nous sommes écrasés sur nos sièges. Les enfants ont mal aux oreilles. Un bruit d’enfer. Je ne vois rien vers le bas, je suis trop loin du hublot. Jennifer me fait signe que nous sommes en contact avec le sol. La porte du compartiment s’ouvre. Une jeune Rom apparaît dans un magnifique ensemble multicolore :
- Mesdames et Messieurs, bienvenue sur Astrée de Proxima, dans la Constellation du Centaure !
(1) Ils avaient bien calculé : il faut trente heures à cette planète pour se présenter globalement à son soleil. (note de Tchang)
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21:05 Publié dans A 100.000 années des Lumières | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voyage interplanétaire, constellation du centaure, alpha, proxima
31/10/2009
Salauds de flics !
Un jeune motocycliste se tue en moto. Les journaux titrent :
LA POLICE EST HORS DE CAUSE.
Erreur, grave erreur. La victime, car il faut bien appeler les choses par leur nom, la victime était en fuite pour échapper à un contrôle routier. La voilà la vérité, simple et limpide. La police n’est donc pas hors de cause, elle est même à l’origine du drame. Salauds de flics !
S’il n’y avait pas eu contrôle routier, le jeune homme serait encore vivant.
Et c’est une leçon pour la société.
S’il n’y avait pas de banques, il n’y aurait pas de hold-up.
S’il n’y avait pas de verrous, il n’y aurait pas d’effractions.
S’il n’y avait pas d’argent, il n’y aurait pas de vols.
S’il n’y avait pas de femmes seules le soir dans le RER, il n’y aurait pas de viols.
S’il n’y avait pas de petits enfants, il n’y aurait pas de pédophiles.
S’il n’y avait pas de lois, il n’y aurait pas de hors-la-loi.
S’il n’y avait pas de hors-la-loi, il n’y aurait pas de tribunaux.
S’il n’y avait pas de tribunaux, il n’y aurait pas de prisons.
S’il n’y avait pas d’armes, il n’y aurait pas de meurtres,
ça c’est moins sûr.
S’il n’y avait pas de bénitiers, il n’y aurait pas de grenouilles,
ça c’est hors sujet mais ça fait toujours plaisir.
S’il n’y avait pas d’alcool, il n’y aurait pas d’alcoolémie et surtout il y aurait moins de voiturettes sans permis pour nous emmerder dans les côtes.
Bref, sans les contrôles routiers, les banques, les verrous, l’argent, les femmes seules, les enfants, les lois, les hors-la-loi, les tribunaux, les prisons, les grenouilles et l’alcool au volant, on serait pénards. Ou presque. Car il reste les hommes, et même sans armes, ils font encore du moto-cross dans la rue à onze heures du soir.
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Un mot encore. Au cours des flashes d’information le lendemain du drame, et avant l’hommage rendu à un innocent lors de la manifestation silencieuse contre la violence policière, les commentateurs reprennent en boucle le refrain :
« La police est définitivement hors de cause, car aucune trace d’éraflure due à un choc avec la voiture de police n’a été relevée sur la moto. »
Ce qui veut dire en clair : si une trace avait été relevée, la police aurait été rendue responsable de la mort du jeune homme. Très éducatif tout ça :
Ne vous arrêtez pas en cas de contrôle routier, sauvez-vous !
Vous aurez la famille, les amis, les associations du coin et même les journalistes pour vous défendre. Et en cas de coup dur, ils seront présents pour pleurer le jour de vos funérailles.
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13:58 Publié dans étrange | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : police, délinquance, délit de fuite, contrôle routier
27/10/2009
XII- L'extra-terrestre, sujet tabou
Jeudi :
D’habitude, à cette heure matinale tout le monde est debout. Nous sommes plus d’un million dans cette ville flottante et seulement une poignée à arpenter le long couloir qui fait le tour du secteur « Thüringerwald ». J’y retournerai tout à l’heure. Dans la cabine, Jennifer et les enfants dorment profondément. Je ne me sens pas bien. J’écrirai plus tard. Par le hublot c’est noir on ne voit plus rien je vais m’allonger
Cher ami,
Les quatre lignes que tu viens de lire sont les dernières écrites par Zhu depuis la Terre. Ou plutôt depuis le vaisseau Sesostris qui s’envola il y a cent vingt mille ans (1), emportant par milliers les habitants d’une province de l’Empire, la Saxe. Zhu ne comprit sans doute pas pourquoi plus rien n’était visible par le hublot de sa cabine. Collé contre la vitre aux côtés de sa compagne, il s’émerveillait quelques jours plus tôt en contemplant la planète bleue « havre de l’humanité depuis des millions d’années ». Ils ne savaient pas que plus jamais ils ne la reverraient.
On sait pourquoi maintenant. Le voyage vers d’autres cieux n’est pas comparable à une excursion en aéroplane, ou même en navette spatiale. La fusée la plus performante, produit de la technologie de l’époque, aurait mis 43 200 ans pour atteindre la région habitable la plus proche du système solaire. Certes, ses occupants auraient eu le temps d’admirer le paysage, de voir leur bonne vieille Terre s’éloigner…
Je peux te confier que dans quelques dizaines d’années - peut-être en seras-tu le témoin- les astrophysiciens enverront une sonde propulsée grâce à la fusion nucléaire contrôlée. Au terme d’un voyage de cinquante ans à la vitesse moyenne de trente mille kilomètres par seconde, elle passera à proximité d’Alpha du Centaure et enverra des informations aux Terriens. Malheureusement, ce mode de propulsion requiert une grande quantité de combustible: trente mille tonnes d’hélium-3 et vingt mille tonnes de deutérium qu’il aura fallu extraire de l’atmosphère de Jupiter ou de Saturne (2).
La suite du journal de Zhu te confirmera que les civilisations contemporaines à la tienne connaissaient d’autres moyens de déplacement autrement plus performants. La découverte essentielle fut celle du passage par trous de ver. Ce sont des raccourcis qui permettent de passer d’un point de l’espace-temps à un autre. On ne sait qui dans la galaxie est à l’origine de cette découverte. Le saura-t-on jamais ? Toujours est-il : depuis des centaines de milliers d’années (peut-être des millions ?) des civilisations originaires de notre propre galaxie ont parcouru celle-ci en long et en large, tentant même des incursions à l’intérieur du système solaire.
Je ne t’apprendrai rien en te disant que les Terriens ne leur ont pas toujours fait bon accueil. On est même allé jusqu’à qualifier d’illuminés les témoins d’apparitions de véhicules spatiaux extra-terrestres. Vous avez cru voir des étoiles, des avions, une aurore boréale, un ballon sonde, leur disait-on. Quand on ne les accusait pas d’avoir été victimes d’hallucinations, d’avoir trop bu, ou d’être sous l’effet de tranquillisants. Des pilotes expérimentés d’avions commerciaux ou militaires, dont les observations d’objets volants étranges se déplaçant à des vitesses extraordinaires et changeant brusquement de direction avaient été confirmées au sol par des radars, ont vu leurs témoignages rangés soigneusement dans des placards, classés « secret défense ». Les questions relatives à l’éventualité d’une vie extra-terrestre étaient soulevées parfois dans les médias, mais rarement par des scientifiques ou des personnalités politiques. Ces gens-là sont trop sérieux. Ils ne parlent que de ce qu’ils connaissent, c’est du moins ce qu’on attend d’eux. Désespérément. Le problème des extra-terrestres était limité aux réunions de famille ou entre copains. Domaine privé. Et encore, le premier qui abordait ce sujet frisait le ridicule. On l’écoutait un peu, avec le sourire.
Il serait trop facile d’imputer ce black-out exclusivement aux religions et aux militaires. Certes, ni le dogme des uns, ni la soif de pouvoir des autres ne supportaient l’idée que l’humanité ne fût plus au centre, ni même seule, au monde. Sujet tabou aussi chez les philosophes, les politiques, les syndicalistes, il y avait tant d’autres problèmes dont l’importance le disputait à l’urgence. Il n’y avait guère qu’artistes et poètes pour vous entendre, et encore, pas tous. Bon. Revers de la médaille, Zhu l’a bien relevé dans son journal :
« Ces chiens de garde des vérités officielles … rendus muets par la peur et la honte… sauvent leur peau, emportés dans des objets volants qu’ils s’étaient toujours interdit d’identifier. »
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(1) Il y a cent vingt mille ans… pour Tchang ! voir chronologie
(2) Heidmann, Vidal-Madjar, Pranzos, Reeves : Sommes-nous seuls dans l’univers ?
21:43 Publié dans A 100.000 années des Lumières | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : extra-terrestres, accident nucléaire, migration, science-fiction

