Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

04/03/2020

Tous pourris ?

 


 La vie, si elle n’est pas toujours drôle, est heureusement parsemée d’une multitude de petits plaisirs. Il y a les chocolats de Noël retrouvés en rangeant les placards, les anciennes photographies redécouvertes dans les boîtes à chaussures, la perspective de vacances prochaines, les fou rires en repassant une cassette d’Alex Métayer, apprendre que les enfants malgré les encombrements sont arrivés à bon port, la venue du printemps avec les jours qui s’allongent, le vent qui se calme après la tempête, bref même si parfois les mauvaises nouvelles nous découragent, c’est bien rare qu’il n’y ait pas un lendemain qui chante.

 Là où on prend le plus grand plaisir, c’est en compagnie des autres. Réunions entre amis, voisins, famille, enfants. Pas de grands discours, seulement de petites choses. Le son des glaçons tombés dans les verres, les yeux qui brillent, les voix qui s’élèvent, les éclats de rire, les points de vue qui s’accordent, les avis qui divergent, les opinions de plus en plus tranchées après le deuxième, parfois le troisième verre. Et puis ce plaisir ultime, celui qui sort de votre bouche, de dire simplement, comme conclusion définitive, bien que vous n’en pensiez peut-être pas un mot, mais parce que ça fait du bien, et surtout parce que –tel un pacte de non-agression- cela met tout le monde d’accord, vous dîtes : Ils sont tous pourris !.

 Non mais vous imaginez, au milieu d’un groupe, un gugusse qui oserait :

On a quand même de la chance d’avoir un bon président, un gouvernement responsable, une France qui va mieux, des femmes et des hommes politiques au-dessus de tout soupçon...

 Pouvez-vous imaginer cela ? Bien sûr que non. Plus il y a de monde, plus il faut élever la voix, et lancer les phrases qui tuent. Et c’est là que je voulais en venir. Quel plaisir cela peut être de dire en posant son verre bruyamment sur la table : Ils sont tous pourris ! A moins d’être au milieu d’une assemblée de Témoins de Jéhovah, d’un groupe de paroles engagé dans la lutte anti-alcoolique ou en plein Conseil des ministres, personne ne vous contredira.

 La dernière fois que j’ai entendu cette boutade, un accord total s’est fait autour de la table. Ah pour ça oui, ils sont bien tous pourris. En réalité, personne ne partageait vraiment l’avant dernier mot. Pourris d’accord, mais pas tous. Dans l’esprit de beaucoup, le pourrissement se développe seulement en haut, dans la sphère des gens qui sont susceptibles d’exercer le pouvoir, ou qui l’exercent réellement. Le président, les ministres, les préfets, les patrons, les dirigeants des partis et des syndicats, tous sont pourris. Le pourrissement n’englobe pas ceux qui défoncent le portail d’un ministère à l’aide d’un engin de chantier, ceux qui profanent les monuments commémoratifs, les édifices religieux, ceux qui piétinent en chantant l’effigie d’un président, ou qui défilent derrière la tête en carton d’un président brandie au bout d’une pique, qui mettent le feu à un établissement supposé fréquenté par les riches, ceux qui ont la haine parce qu’ils ont subi un échec aux élections, bref, le pourrissement est sélectif. Et quand un ingénu répond à mi-voix qu’il n’aimerait pas être à la place du président, le ton baisse d’un bémol. Mais il y a toujours quelqu’un pour dire que le haut personnage de l’état en est arrivé là pour s’en mettre plein les poches. Ce qu’il feint d’ignorer, c’est qu’il aurait été beaucoup plus riche en continuant d’exercer son métier plutôt qu'en s'engageant en politique.


§

 

01/03/2020

Obstruction

 


étymologie : voir structure ;

Structure : latin structura, se rattache au verbe struere, bâtir, apparenté de loin à sternere, (d’où est issu estrade).

Composés :

construire, bâtir dans son ensemble, d’où construction, constructeur et reconstruire, reconstruction ;

détruire, d’où destruction, destructeur, indestructible ;

instruire, proprement bâtir sur, élever au figuré, d’où instructeur, instruction, instructif ;

dans un autre ordre d’idée instrument, instrumentum, appareil aménagé pour tel ou tel usage (d’où en musique instrumenter un morceau), instrumentation, musique instrumentale ;

aussi : pièce de procédure, acte, d’où instrumenter au sens de dresser un acte ;

obstruer, proprement bâtir devant, d’où obstruction ; le composé latin obstruere a été emprunté par le français plus tardivement que les autres, ce qui explique la désinence –er au lieu de –ire. (obstruire).

A la même famille appartient industria, français industrie, proprement construction interne, combinaison, habileté (d’où industrieux) puis métier, particulièrement métier mettant en œuvre les matières premières, d’où industriel.


Le Petit Robert (1973) précise :

Obstruction : tactique qui consiste, dans une assemblée, un parlement, à entraver, à paralyser les débats par des procédés divers. exemple : faire de l’obstruction pour empêcher le vote d’une loi.

Obstructionnisme (1906, de obstruction) : tactique parlementaire qui consiste à faire de l’obstruction systématique.

 

§

06/02/2020

S’ils parvenaient au pouvoir

 

 Comme c'est confortable de ne pas être en responsabilité ! Pour ces partis qui ne vivent que de la critique et de l'opposition systématique au pouvoir, il n'y a aucun risque à ce que chacun ajoute son grain de sel, cherchant à s’imposer, un livre sacré à la main, celui des précurseurs qui ont tout mis par écrit, manuel du savoir boucler le bec à tout dissident, véritable table de la loi, soufflée un jour à l’oreille d’un homme tout à fait ordinaire (mais qui avait l’ouïe fine) par Clio en personne qui ne supportait plus de voir les hommes tourner en rond autour des dieux. La lutte des classes ou le mythe de la race devaient mettre fin à ces manèges de foire, en fixant à l’humanité un but, une stratégie et des armes.

 Le dogme est rigide, indiscutable, cohérent. Au point que ses adeptes peuvent un jour dire une chose et le lendemain son contraire, avec la même assurance, sans que pour autant le principe sacré soit égratigné. Car pour ces gens là, le monde réel n'est pas celui dans lequel nous vivons, mais celui présenté dans le Livre, qu'ils ont respectueusement, mot à mot, copié en eux-mêmes. Ah on peut se moquer de Moïse et de ses tables de la loi ! Eux n'ont pas besoin de marbre, mémoire et entêtement leur suffisent. Ils examinent le monde qui les entoure, retiennent ce qui les arrange, et récitent perpétuellement le même texte, dans un flot de paroles, une logorrhée en forme de jugement dernier: ceux et celles qui gouvernent sont en réalité les représentants de ce qu'il y a de pire: monde de la finance et capitalisme.

 Mais si par malheur un jour ils arrivent au pouvoir, il y en a toujours un qui s’impose aux autres. Et le dogme, qu’il soit de gauche ou de droite, s’accommode fort bien d’un chef. On le nomme guide, conducator ou grand timonier, selon la culture et la langue, il est le garant de la table de la loi, et gare aux renégats. En général, le système policier est suffisamment efficace pour qu’il meure de sa belle mort (1), parfois en même temps que la dictature qu’il avait imposée.

 Alors si les vicissitudes dans les rangs des extrêmes nous amusent quelquefois, ne rions pas trop fort, car l’un de ces bonimenteurs, faisant miroiter à ses amis un possible accès au pouvoir, mettant les divergences aux oubliettes, pourrait bien un jour rassembler, et convaincre Pierre ou Paul que le désordre démocratique est tellement insupportable qu’une dictature ferait du bien à tout le monde, dictature du prolétariat si possible car tout ce qui vient de la gauche est nécessairement humain.

 

§


(1) beaucoup sont morts sans avoir été jugés comme Staline, Franco, Mao, Pinochet, Salazar, Hoxja, Suharto, Kim Jong Il, Bokassa, Pol pot et bien d'autres. Hitler a mis lui-même fin à ses jours.