IX- Les dieux n'existent pas... ou alors très peu

 

Cher ami,

 

 Pendant trois jours Zhu n’a pas rempli son agenda. On comprend pourquoi en lisant ses commentaires sur les jours suivants.

 

 

vendredi :

 

 Ingrid et Qian sont déçus de quitter l’hôpital, ils étaient choyés par le personnel de santé, et surtout ils s’étaient fait des amis de leur âge parmi lesquels les enfants de Boris que mon épouse avait réussi à faire admettre dans le Centre.

 Aucun vaisseau n’a encore quitté la stratosphère, les navettes, inlassablement continuent leurs allers-retours. Notre départ est prévu demain. Nous embarquerons dans Sesostris (1). Elle nous attend en Saxe, à l’aplomb de Dresden (trente miles au-dessus). Nous n’aurons certainement pas tout le confort, mais nous serons à l’abri des effluves radioactifs. Peu d’informations sur le voyage qui nous attend. Destination : un système composé de trois étoiles : Alpha du Centaure (combinaison de deux soleils) et Proxima du Centaure qui fait le tour d’Alpha tous les trente mille ans. Dans sa phase actuelle, elle est l’étoile la plus proche de la Terre. Plusieurs planètes telluriques tournent autour de ces « soleils » et sont enveloppées d’une atmosphère semblable à la nôtre. Ces Voyageurs venus à notre secours ne sont pas bavards, c’est tout ce qui a filtré des conversations qu’ils ont eues avec nos autorités. Durée du voyage ? En empruntant les « trous de ver », la durée du transport ne dépend pas de la distance à parcourir, ni de la vitesse des vaisseaux, ou très peu. On parle quand même de quelques années…

 

samedi :

 

On embarque, c’est la cohue, j’écrirai demain.

 

dimanche :

 

 Préserver notre intimité va être difficile. On a sauvé l’essentiel : avec deux enfants, on a droit à une cabine. Nous disposons de peu d’espace, mais d’un hublot, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Au moins, nous pourrons de visu dire adieu à notre chère planète.

 Ces Gens du Voyage sont vraiment extraordinaires, ils maîtrisent une technologie que nous ne connaîtrons probablement pas dans dix siècles, et je les vois qui se promènent –je devrais dire qui traînent- dans les couloirs du vaisseau, affublés de hardes multicolores, fredonnant des complaintes qui semblent venir du fond des âges, leurs bambins sales et mal fagotés les accompagnant en tapant sur des tambours. Ceux d’entre nous qui s’attendaient à voir surgir des phénomènes en redingote munis d’énormes lunettes, et coiffés d’un point d’interrogation en sont pour leurs frais. Aux commandes de ce vaisseau, pas de professeur Nimbus, pas non plus d’extraterrestre en scaphandre. Ces gens-là passent leur temps à flâner. Ils ne s’inquiètent de rien. Ils chantent, ils dansent aussi, les filles surtout dont la grâce attire tous les regards. Ils ont toujours le sourire aux lèvres. A se demander s’ils ne sont pas envoyés par les dieux. Voilà, c’est ça : le navire doit être piloté de loin par des Etres supérieurs, comme une marionnette, car je n’ai pas encore eu vent qu’il y eût un poste de pilotage. Trêve de plaisanterie. Dans ce navire, il n’y a que de l’humain. D’ailleurs, si nous sommes à l’abri des rejets radioactifs, la promiscuité aidant, les effluves ici sont bien d’origine humaine…

 

 C’est cela le plus étonnant. Je n’ai jamais imaginé que des extraterrestres puissent être humains, constitués comme vous et moi. Concernant les problèmes de sécurité et surtout le pilotage du vaisseau, entre deux vocalises, un Rom m’a soulagé, par gestes et accolade.

 

« On contrôle tout, monsieur, ne vous inquiétez de rien. »

 

Voulait-il en dire autant, en tout cas le sourire était rassurant.

 

 

lundi :

 

 Les navettes continuent leur va-et-vient. Sesostris se remplit. Il y a encore de la place pour les pauvres Terriens que nous sommes. Nous allons quitter notre bonne vieille Terre à qui nous avons fait tant de mal.

 A trente miles d’altitude, Jenny et moi, collés contre le hublot, nous contemplons notre belle planète bleue. Havre de l’humanité depuis des millions d’années, la couleur est trompeuse, elle n’est plus belle que pour les yeux.

 Je relis ce que j’écrivais hier. J’imaginais des dieux guidant ce grand vaisseau. Une hypothèse absurde puisque nous savons maintenant qui l’a conduit jusqu’ici et qui l’emportera.  Mais ces Gens justement, pourquoi sont-ils venus ? Comment ont-ils appris la catastrophe, mesuré notre détresse ?

 L’hypothèse des dieux permettrait de répondre à ces questions. Les dieux voient tout, entendent tout, mais surtout les dieux prévoient tout. Et voilà le hic : pourquoi viendraient-ils seulement aujourd’hui à notre secours, maintenant que tout est perdu, rasé, condamné contaminé sur cette planète ? Pourquoi ne nous ont-ils pas alertés par un moyen ou un autre, -et les dieux ne manquent pas de moyens- quand nous projetions la construction de ces centrales, et même avant, quand nous décidâmes de plonger nos cerveaux et nos forces dans la production de la seule énergie nucléaire, quand nous regardions de haut les écologistes et ricanions quand ils exposaient leurs projets alternatifs… pourquoi alors les dieux qui sont doués de tous les dons, en premier celui de prévoir, pourquoi ne nous ont-ils pas alertés ? Je ne leur en veux pas. En vouloir à des êtres qui n’existent pas ? En dépit de tous mes efforts, je n’y crois plus. Les dieux n’existent pas. Ou alors très peu, ils sont vieux, fatigués, ou pire, retirés à l’autre bout du monde dans une maison médicalisée, atteints de cette terrible maladie qui vous fait tout oublier, jusqu’au visage et au nom de vos petits enfants. Ou alors, dans leur volonté de tout régler, de tout contrôler, ont-ils été appelés trop loin, l’Univers est tellement grand et ils ont tant à faire.

 

§

 

 

 

(1) Sesostris est une arche (un vaisseau géant) ;

VIII On s'attendait à voir débarquer des êtres verts et asexués

 

(agenda de Zhu, suite)

 

samedi

 

 Climat de guerre civile dans la maison d’arrêt. Pas entre les gardiens et les détenus. Non, entre les gardiens eux-mêmes. J’ose à peine l’écrire, finalement oui je l’écris. La postérité, si elle a encore un doute, saura quelle était la mentalité des hommes. Des collègues –puis-je les nommer encore ainsi ?- ont allégé le traitement préventif de certains prisonniers dont ils avaient la charge, afin de collecter pour eux-mêmes des cachets d’iode. Criminel. Ils mériteraient d’être enfermés dans les cellules des politiques vidées de leurs occupants. Pour la première fois de ma vie, je me suis battu. Minh et Boris étaient de mon côté, les malheureux. On a pris une bonne raclée. Dans cette société pour s’en sortir il faut être malin ou fort physiquement. Ces gens-là ont ces deux avantages. Eux s’en sortiront. Pouah !

 

après-midi

 

Je suis complètement démoralisé. Pas envie d’écrire.

 

dimanche

 

 Des camions étanches viennent charger les derniers détenus, tous des droit commun. Si ce n’était si tragique, on pourrait s’amuser de voir les agents de sécurité déguisés en cosmonautes escorter bras dessus bras dessous nos prisonniers. Direction : un centre de santé sécurisé. Mouais… Sur la destination, j’ai un doute. Je n’éprouve pas de compassion pour ces gens-là, mais quand même. Le serment d’Hippocrate s’applique à eux aussi. J’espère que les autorités savent ce qu’elles font. Et s’ils survivent ces délinquants, ces criminels, ces condamnés, auront-ils droit à une place dans les arches ? J’aimerais en être sûr.

 

Les autres gardiens ont quitté les lieux avec leur butin, impunis. Et nous n’avons rien dit à personne. Jusqu’où peut conduire la solidarité corporatiste…

 

lundi

 

 La prison est déserte. Même Boris est parti. Avec son nom à consonance douteuse, il craint pour sa famille. J’ai contacté Weimar où Jennifer et les enfants sont en sécurité. Elle va faire son possible pour obtenir des lits. Difficile car le centre est surpeuplé, et Boris a beaucoup d’enfants.

 

 Un premier vaisseau est en vol stationnaire, trente miles à l’aplomb du delta du Danube. Aménophis. Ces grands navires de l’espace portent tous des noms égyptiens. Enorme, il est visible à l’œil nu. C’est une soucoupe d’un diamètre de cinq miles, capacité un million de personnes. Autonomie : douze ans de vol interstellaire. De quoi atteindre Proxima. D’ailleurs, ils viennent de là, à ce qu’on dit. Les navettes l’atteignent en moins d’une heure. Chargées au maximum d’un petit millier de personnes avec bagages, il en faudra des voyages ! Les autorités me semblent bien optimistes quand elle prévoient un délai d’un mois pour le départ.

 

 D’autres vaisseaux (il faut dire les « arches » paraît-il, allez savoir pourquoi) sont déjà en approche. On en annonce sur l’archipel japonais, l’Afrique et les Amériques. Un point à mettre à l’honneur de Pékin : notre Chef suprême n’a rien demandé. Confusément, je crois savoir pourquoi. Nous nous sentons un peu responsables de ce qui est arrivé. Le séisme s’est développé depuis le Japon jusqu’à nos centrales qui sont –faut-il le rappeler messieurs des médias- parmi les plus puissantes du monde. D’où les rejets, puissants eux aussi. Alors demander à nos sauveurs de penser d’abord à la Chine… d’où ce silence très diplomatique. Bref, en métropole, ils attendent leur tour.

 

après-midi

 

 Deux humains occupent encore les lieux. Minh et moi. Nous sommes de bons fonctionnaires. Personne ne nous a rien dit, alors nous ne quittons pas notre poste. Ce n’est pas de l’héroïsme. Si nos familles avaient été en difficulté, il y a longtemps qu’on aurait décampé. Le plus drôle, mais je ne trouve pas ça drôle du tout, c’est le directeur qui nous contacte tout à l’heure, s’étonnant qu’on soit encore là !

 

-         Mais mon cher nous attendions vos ordres !

-         Voyons Zhu, vous n’ignorez rien de la situation, sauvez-vous, pensez à vos enfants !

 

 J’en avais assez entendu, j’ai coupé. Cet individu qui me refusait un congé d’un jour pour problèmes familiaux, et qui le cul au chaud dans son bureau, loin des hurlements, des crachats, de la violence qui était notre lot quotidien, percevait un salaire plusieurs fois égal au nôtre, voilà qu’il se souciait de mes enfants…

 

 Ce qui m’étonne, c’est le silence des grands de ce monde. Il y a eu nécessairement des rencontres, des pourparlers avec ces gens venus d’ailleurs. Et moins on en sait, plus on en raconte, plus on imagine. Certes on a eu droit à quelques images. On s’attendait à voir débarquer des êtres surnaturels tout verts et asexués, enveloppés de combinaisons aux reflets métalliques. Grave erreur : ils sont comme nous. Que dis-je ? Plus beaux que nous. La même image repasse en boucle : une navette immobile en suspension à un mètre du sol, une plaque coulisse, une femme apparaît, puis d’autres, silhouettes élancées, hommes et femmes vêtus d’habits colorés, bariolés. Entre eux, des petits enfants se faufilent et apparaissent. On dirait des Roms (1). Ils n’ont rien dans les mains, ils parlent entre eux, une femme rit, des enfants ont réussi à sauter sur la terre, d’autres plus petits en auraient bien envie. Un jeune homme se laisse glisser, leur tend les bras, et les dépose un par un sur notre sol. Fin du reportage.

 

 Qui sont-ils ces êtres célestes, pourquoi sont-ils venus ? Comment ont-ils appris la catastrophe, mesuré notre détresse ?

 

 

§

 

 

 

 

(1) Rom signifie « homme » dans une ancienne langue de l’Inde ;

 

 

VII- Chronologie des Eres terrienne et interstellaire...

                                                                  ...établie par Tchang après les révélations d’Iris,

précisée après lecture du journal de Zhu et

l’exégèse de la documentation de Phan

 

 

I. Chronologie de l’Ere Terrienne

 

(les dates sont en années avant et après Confucius)

 

 

 

-500.000         Des hominidés allument un feu ;

.

-100.000         Naissance supposée d’Homo Sapiens ; Progrès accélérés dans les capacités d’adaptation aux changements climatiques, dans les techniques d’outillage, l’habitat, la socialisation et le langage ;

 

-50.000           Naissance de l’agriculture et de l’élevage, sédentarisation, apparition des premiers villages dans l’est asiatique ; Invention de la roue, débuts de la navigation (cabotage) ; développement du commerce, de l’écriture; intérêt pour les sciences, l’astronomie et les mathématiques ;

 

-47.500           Tous les continents sont habités ; période d’échanges, de communication ; progrès rapides dans les techniques ;

 

-40.000           Après s’être rendu maître de la nature, l’humanité développe des techniques dans les domaines clés : électricité, aérodynamique, aviation, électronique, énergie nucléaire, astronautique. Les humains explorent d’abord la banlieue proche de Terre. Ils réussissent ensuite à développer de nouveaux modes de propulsion rendant possibles les voyages hors du système solaire à bord de grands vaisseaux.

 

-38.000           Grande Catastrophe : cataclysme ou explosion ?

 

Compétition entre les continents, conflits armés planétaires;

 

«…poussière et fumée masquaient le soleil… des gaz nocifs polluaient l’atmosphère… »

 

Quelques Terriens ont pu échapper à la catastrophe :

-         ceux qui étaient en voyage spatial et qui, informés par radio, trouvèrent asile ailleurs dans la galaxie;

-         d’autres, quelques centaines, qui eurent le temps d’embarquer dans les vaisseaux avant la propagation des radiations ;

Ces gens qui « étaient en voyage spatial » étaient pour la plupart des membres de la communauté Rom qui sont –depuis les origines- d’éternels voyageurs.

 

Malgré le déluge et la formation d’un nuage persistant de poussières et de gaz, certaines espèces animales et végétales ont survécu et se sont adaptées ;

 

?………..        Une période de 30.000 ans désignée par les archéologues « ère blanche » : les seules découvertes témoignant d’une survie humaine ont été faîtes dans des abris souterrains ou sous le sable des déserts ; admirables peintures rupestres représentant des animaux mutants (rhinocéros et éléphants à longs poils, petits équidés, ruminants massifs à longues cornes, lions géants…)

 

-7500              Renaissance de l’agriculture et de l’élevage, sédentarisation, apparition de villages dans le Croissant fertile ;

 

-2500              L’Histoire reprend, premières écritures en Mésopotamie, puis en Egypte ;

 

Des descendants des Roms qui avaient survécu à la Catastrophe 30 000 ans auparavant et qui bourlinguaient dans la galaxie, supposant dissipés les effluves dangereux, font des incursions sur Terre, surpris de découvrir non seulement des survivants, mais une nouvelle génération d’humains évolués. Après un détour par la Chine et la vallée de l’Indus, les « Célestes » rendent visite à Gilgamesh et rencontrent Pharaon. Ils apparaîtront plus tard à Ezéchiel.

 

Nouvelles civilisations, législations ; les mythologies, les religions, le polythéisme se fondent sur les expériences vécues par les ancêtres, s’inspirent de leurs rencontres avec les « Célestes » ;

 

-1400              Chargé d’une mission divine, de Chaldée Abraham se rend en Palestine ; Naissance du monothéisme ; Le prophète Ezéchiel assiste à l’atterrissage de quelque chose, d’où sortent quatre créatures ayant forme humaine ;

 

-200                Fondation de Rome ; âge d’or de la mythologie ;

 

0                      Naissance du Grand Confucius  (An Zéro de la nouvelle chronologie) ; Premier enseignement de la Sagesse recueilli en Quatre livres : Grande Etude, Milieu Invariable, Entretiens, Livre de Meng-Tseu ;

 

 

 

550                  Naissance de Jésus-Christ ; (An Zéro de l’ancienne chronologie) ; Républicaine puis impériale, Rome domine le monde occidental ;

 

950                  Chute de l’Empire Romain d’Occident

 

950 à 3000      Période dite d’ « Entre deux Empires » troublée par de nombreux conflits sociaux, politiques, religieux, ethniques, mondiaux;

 

 La Chine subit invasions, tyrannies, colonisations, révolutions avant de prendre définitivement son destin en main ; débuts timides de la conquête spatiale ;

 Nombreuses apparitions d’objets volants non identifiés dont les évolutions dans le ciel supposent une technologie inconnue du monde terrestre ; les autorités politiques, militaires et religieuses gardent et imposent le silence ;

 

 Une soucoupe est pulvérisée près d’une base militaire terrienne à Roswell ; trois corps auraient été retrouvés selon des riverains ;

 

3000                Naissance de l’Empire de la Grande Asie ; Installation de bases sur Mars ; Première exploration hors du système solaire ;

 

 

§

 

II. Chronologie de l’ère interstellaire

 

Les dates sont en années après Confucius

        Les temps de parcours des vaisseaux sont donnés en jours, mois et années astréens

 

 

3200-3300 ?   Séisme violent dû à un choc des plaques américaine et asiatique provoquant un accident nucléaire majeur touchant simultanément plusieurs centrales au Japon, en Chine et au nord-ouest de l’Amérique (IV: Nos ancêtres ont pu commettre des erreurs)

 

 L’accident provoque la mort de populations entières, puis, par la dissémination dans l’atmosphère des gaz et produits radioactifs, les habitants de la planète étant menacés, il ne leur reste d’autre alternative que la fuite.

 

 Des écrits de prisonniers ont été préservés car insérés par leurs auteurs dans des bocaux hermétiques et enfouis sous le sol de leur cellule. Aucune datation précise. La prison est localisée dans une ville du Grand Ouest. Le gardien s’appelle Zhu. Son agenda est précieux, car il est témoin de la Catastrophe et embarque dans Sesostris, une arche géante.(II et  suiv.: Je crois qu’ils veulent en finir avec nous)

  

 Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, les Terriens abandonnent leur planète. Ils n’ont pu le faire qu’à bord de grands vaisseaux intersidéraux, ce qui suppose une technologie très avancée, inconnue sur Terre à cette époque. Nous savons maintenant que ces sauveurs de l’Humanité sont des descendants des Terriens, des Gens du Voyage, ayant fui la Première Catastrophe 38 000 ans avant Confucius. .

 

3200-3300 ?   Certains états affrètent des vaisseaux pour sauver des savants et des documents précieux. Ils sont dirigés vers Mars et Titan.

 

 La première étape de l’exode s’avère catastrophique : les Terriens qui avaient fui vers Mars et Titan par des moyens classiques (vaisseaux à carburant) n’ont jamais été retrouvés.

 

3200-3300 ?    Les Terriens se dispersent dans la galaxie et fondent des colonies autour de Proxima du Centaure, et probablement aussi Alpha et Bêta. On ne sait rien de ceux qui s’étaient dirigés vers Tien-Kou (Sirius) et Véga.

 La colonisation s’établit dans Proxima sur Ch’u-t’an-Hsi-Tu, Anyang et Astrée. Faute de véhicules spatiaux rapides (1) les pionniers ne peuvent se rendre d’une planète à une autre, mais communiquent par ondes radio.

 

Date ?  Des physiciens astréens ayant conçu un accélérateur de particules géant, réussissent à produire et surtout à stocker des antiparticules à l’aide de pièges magnétiques.

 Des recherches intenses sont menées afin de propulser les vaisseaux spatiaux à des vitesses permettant à des équipages d’effectuer des allers-retours entre les trois planètes en un temps inférieur à une année (2).

 

40000-45000 ?           Les recherches sur l’antimatière aboutissent ; un vaisseau propulsé par des photons gamma prend son envol et couvre la distance entre Astrée et Ch’u-t’an-Hsi-Tu à une vitesse proche de la lumière, en 134 jours (3) .

 Les progrès technologiques conjugués des Astréens et de leurs frères Terriens installés sur Ch’u-t’an-Hsi-Tu et Anyang leur permettent pour la première fois de se rencontrer. Ce premier contact les amènent à s’interroger sur le pourquoi et surtout le comment de la migration de leurs lointains ancêtres.

 

119000-119500          De nouveaux progrès dans la propulsion associés à la découverte des « trous de ver » rendent possible le passage d’un point de l’espace-temps à un autre par des « raccourcis ». Il devient possible de quitter Proxima et d’aller à la découverte de nouveaux territoires dans la galaxie.

 

119492                        Un vaisseau habité affrété par le Centre Astréen d’Etudes Spatiales et propulsé à une vitesse proche de celle de la lumière quitte la Constellation du Centaure et, empruntant un trou de ver, atteint l’Epée d’Orion, une région riche en systèmes planétaires. L’engin se pose sur un petit satellite d’Alpha que ces premiers explorateurs nomment: Guanahani (4). L’absence d’atmosphère leur permet d’observer une multitude de planètes alentour. Ils reviennent à Astrée convaincus d’avoir découvert un Nouveau Monde.

 

119500-119600          Grâce à la construction de grands vaisseaux confortables et rapides,    des gens d’ici partent à l’aventure et s’installent sur Huang Di, un satellite de Bételgeuse (étoile Alpha d’Orion)

Phan et moi sommes des descendants de ces pionniers. Mais étaient-ils vraiment des pionniers ?

 

Des vestiges d’habitations, certaines suggérant la pratique de cultes absolument inconnus des nouveaux arrivants, sont datés sur une large échelle de temps (quelques centaines  à plusieurs milliers d’années). Autre curiosité, certaines personnes d’ici, près de chez Phan (5), n’ont pas la même apparence physique que les descendants des « pionniers ». Plus grands, élancés, blonds, leurs yeux ne sont pas bridés. Bien qu’il soit difficile de définir un type d’homme parmi les pionniers d’origine terrienne, quelquefois très différents, il faut se rendre à l’évidence : Huang Di était habitée avant, bien avant la Conquête. D’ailleurs, les animaux, les plantes étaient là pour confirmer qu’élevage et agriculture y avaient été pratiqués depuis des millénaires.

 

122008              Découverte sur Mars (système solaire) d’un vaisseau terrien accidenté à moitié enfoui dans le sable. Les ossements humains analysés ont 116000 ans (3000 à 4000  après Confucius).

 Fait remarquable : un appel au secours adressé par l’équipage de ce vaisseau à des « hommes de Proxima » ;

 Mais il faut relever le silence troublant de nos autorités sur cet événement qui devrait pourtant nous intéresser au plus haut point, puisqu’il s’agit de nos ancêtres !

 

122008            Nous sommes dans la région de l’Epée, sur Huang Di.  Phan et Tholan Sinkan (6) sont tranquillement installés en ma compagnie, un verre à la main. Une jeune fille chante (7).

 

« Toi qui tressais l’osier en sifflant près du feu
ami Gitan mon frère toi qui connus jadis
la mer, la route libre, les oiseaux du soleil,
 je n’entends plus ici le chant de ta guitare
 et ton feu qui s’éteint n’est plus un feu de joie»

 

122 908           Phan, Sinkan Tholan et Iris nous ont quittés. Quant à moi, Tchang, je n’ai plus qu’une idée en tête : informer les hommes de ce qui les attend (I- Il n’est pas bon de connaître l’avenir, NDLR) Je me fais vieux, je suis fatigué, mais encore suffisamment lucide et actif pour compulser les documents de mon père, et éclaircir les zones sombres de l’histoire du genre humain.

 

 

§

 

 

(1) Comment expliquer cela ? Il avait bien fallu des vaisseaux performants pour quitter le système solaire…

(2)  soient environ trois années terrestres ;

(3) soient 167 jours terrestres. Les journées sont longues sur Astrée : il faut trente heures à cette planète pour se présenter globalement à son soleil.

(4) en souvenir de la première île américaine découverte par Christophe Colomb.

(5) Phan est mon père. Il est philologue et ses connaissances des langues anciennes lui permit de traduire les documents retrouvés dans un bocal enfoui sous le sol d’une prison, dans le Grand Ouest asiatique (l’ancienne Europe). Une bonne partie de la chronologie établie ci-dessus lui est due. Il n’a toutefois pas révélé à ses contemporains l’intégralité du contenu de ces documents. Pourquoi ?

(6) Tholan Sinkan : vieil ami de mon père. Il est le descendant de ces Gens qui ont organisé la fuite des Terriens après la Grande Catastrophe. Phan, Iris et moi étions les seuls à connaître ses origines. Il nous a révélé bien des choses sur son peuple et notre propre histoire.

(7) Iris… j’ai la gorge serrée. Sinkan la protégeait comme si elle avait été sa petite fille. C’est elle qui réussit à convaincre le vieil homme qu’il devait parler. Mon père l’appelait la Messagère des dieux. Elle se déplaçait dans un fauteuil, atteinte d’une maladie incurable.