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27/03/2010

Si je parle...

 Si je parle on brûle ma voiture. Voilà ce qu'on entend à sept heures du matin à la radio. Ensuite, calme plat. C'est à Sevran, Seine-st-Denis. Deux bandes s'affrontent, des blessés, l'un d'eux dans le coma. Trafic en tous genres, drogue. Une habitante parle (à sept heures, je le rappelle, après on ne l'entendra plus). Elle dit qu'ils s'installent dans le hall de l'immeuble, table et chaises, les clients arrivent, transactions, bref la routine. En termes clairs, la pègre a pris possession des lieux. A sept heures du matin, encore mal réveillé, on se demande si la république existe encore. Sur place, les gens normaux se taisent, l'omerta est la règle (1).

 

 Le maire parle : non, ce n'est pas un problème de noirs ou d'arabes (réponse au journaliste qui faisait la liaison avec les propos d'Eric Zemmour), c'est un problème social. A mi-mot, contre celui qui évacuerait le problème social, on sent poindre l'accusation de racisme. La suite vous la connaissez, on a droit au discours sur le chômage, le mal-être, la banlieue défavorisée, l'absence de police de proximité, la prévention, tout le monde est gentil, c'est la faute à la société... l'impérialisme américain a eu chaud, pour un peu il était responsable de l'altercation. Bref, le maire n'a rien dit, c'était la cassette enregistrée qu'on entend depuis que les représentants de la république ont décidé que la France devrait s'accommoder du mélange entre les gens honnêtes et les trafiquants de drogue. Ils ne le disent pas comme ça, mais le résultat est que la ménagère qui rentre chez elle doit dire trois fois pardon, baisser les yeux et s'excuser d'exister.

 

 Je parlais d'omerta dans le quartier, à l'évidence la politique du laisser faire menée par nos angelots suppose la loi du silence au niveau national. Une radio comme France-info si prompte à dénoncer les bavures policières -ce qui est tout à son honneur- reste muette comme une carpe dès qu'il s'agit d'évoquer la violence entre les bandes, sinon pour en rendre responsable le monde entier sauf les bandes en question. Les dégradations dans les transports, dans les établissements publics, les incivilités, l'absentéisme scolaire, le vol d'un portefeuille, le viol en réunion, l'agression d'un professeur, ne cherchez pas : c'est la Société qui est responsable de tous ces maux. Si le professeur se fait agresser, la faute en revient au nombre insuffisant de surveillants. Le trafic de la drogue et le règne des caïds dans les quartiers ? C'est à cause de l'absence de police de proximité... Je voudrais les y voir, nos diplômés de l'ENA, faire le pied de grue le soir à Sevran, quand les clients arrivent. L'absentéisme scolaire ? Parlez donc de porter atteinte aux saintes allocations familiales... non, vous faîtes fausse route, les parents n'y sont pour rien. Leurs enfants, ils ne les ont pas faits exprès.

 

« Rien ne ressemble plus à un innocent qu'un coupable qui ne risque rien. » disait Tristan Bernard.(2)

 

  Du secrétaire général au militant de base, on cultive le culte de l'irresponsabilité, dans presque tous les partis. Oui, presque. Le Front national peut se frotter les mains. Ses meilleurs alliés sont les délinquants, car les grands de ce monde, ceux qui ont voix au chapitre, aux télés et aux radios, ont décidé que les délinquants n'en étaient pas, mais qu'ils étaient des victimes d'un système social qui les a oubliés. Quand aux victimes, les vraies, surtout, chuuuut ! n'en parlons pas, ne troublons pas le sommeil de nos élus. Un sommeil troublé seulement par ceux qui n'ont toujours tenu de discours que celui de la haine, et qui, pour des raisons purement électorales sont montrés du doigt par ces diplômés de l'ENA dont l'angélisme politique est une machine à fabriquer du Front National.

 

                                                                §

  

(1) omerta n. f. Loi du silence, imposée par une mafia. © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001

(2) L'enfant prodige du Vésinet

 

08/03/2010

Supprimez-la donc cette fête !

 

 Une fête pour qui le 8 mars ? Supprimez-la donc cette fête, simplement par respect pour les femmes, toutes les femmes, en France, dans le monde, les femmes qui, tous les jours sont l'objet d'injures, les femmes qui sont victimes de viols et de crimes, les femmes qu'on enferme, qu'on cache, qu'on brutalise en secret, qu'on brutalise en public.

 

 Assez d'hypocrisie, demain matin le 8 mars sera passé, et rien ne se sera passé.

 

 Si.  Il s'est passé quelque chose.

 

 Il y a quelques jours, un gouvernement a renvoyé dans son pays une femme sans papiers. Elle avait eu la mauvaise idée de porter plainte contre son frère qui l'avait battue.

 

 Peut-être un jour supprimera-t-on aussi le 14 juillet, parce que la république semble avoir sombré dans un profond sommeil.

28/02/2010

A Cuba, on emprisonne et on tue.

 

Ce qui est effrayant dans cette histoire

N'est pas que j'aie voulu

Jadis donner ma vie

Mais bien qu'aujourd'hui

Ils veuillent me l'ôter.

 

 

 

Sous le titre « Socialisme réel » ces lignes ont été écrites par Raul Rivero poète et journaliste. En 1995 il avait fondé l'agence Cuba Press qui ne comptait dans ses rangs que des professionnels qui exerçaient leur métier en dehors du contrôle de l'état. En 1997 il reçut le Prix international de Reporters sans Frontières pour son combat en faveur de la liberté de la presse. Il est l'auteur de nombreuses œuvres poétiques.

 

 Aujourd'hui, il est en prison. Il a été jugé le 04 avril 2009 avec son ami Ricardo Gonzalez Alfonso. Ce dernier, accusé d'être un « agent à la solde des Etats-Unis » fête cette année son 60° anniversaire en captivité. D'après RSF, vingt cinq journalistes sont actuellement détenus à Cuba. Dix neuf d'entre eux ont été arrêtés lors du « Printemps noir » (1) et condamnés à des peines allant de 14 à 27 ans de prison.

 

 Il y a quelques jours, le prisonnier politique Orlando Zapata, plombier-maçon, noir de peau, âgé de 42 ans, est mort. D'après le Nuevo Herald,  cet opposant à la dictature était « condamné au total, à 36 années de prison pour désordre public, il avait refusé de s'alimenter le 3 décembre dernier pour protester contre ses conditions de détention ». D'après sa mère, il ne restait plus sur son cadavre « que la peau sur les os ». « C'est un assassinat prémédité -dit-elle- , le pouvoir voulait en finir avec lui. »

 

 

 

Puisqu'on nous dit qu'il est impossible qu'un état socialiste prive de leur liberté des citoyens innocents,

 

Puisqu'on nous dit que les dissidents ne sont pas des citoyens comme les autres, qu'ils sont des agents l'ennemi impérialiste,

 

Puisqu'en Occident, les agences nous invitent encore et toujours à découvrir leurs formules de voyage vers La Havane destination de rêve, (2)

 

Puisqu'en Occident, les responsables politiques ont l'ouïe défaillante et n'entendent pas les mots, les cris des personnes emprisonnées,

 

Puisque enfin les appels, les déclarations, les communiqués ne suffisent pas,

 

il nous reste les mots du poète :

 

 

 

« Un spécialiste des interstices est venu

un critique littéraire ayant provisoirement grade de caporal

qui a ausculté de la pointe de son pistolet

le dos des livres de poésie.

 

Huit policiers

dans la maison

avec un mandat de perquisition

une opération propre

une victoire complète

de l'avant-garde du prolétariat

qui a confisqué ma machine à écrire Consul

cent quarante-deux pages blanches

et un tas de paperasses tristes et personnelles

qui était ce que j'avais de plus périssable

cet été. »

 

 

§

 

 

Ces quelques vers ainsi que ceux reproduits en haut de page ont pour auteur Raul Rivero aujourd'hui emprisonné, et sont extraits de l'anthologie des poètes censurés à Cuba sous le titre :

 

Anthologie de la poésie cubaine censurée,

 

proposée par Zoé Valdés, éditée par Gallimard avec la collaboration de Reporters sans frontières et de la FNAC en 2002.

 

 

 

(1) à ne pas confondre avec le Printemps de Prague !

(2) cela peut rappeler quelques souvenirs aux plus âgés d'entre nous, quand des intellectuels français dans les années quarante et cinquante revenaient enchantés de leurs voyages en URSS et dans les démocraties populaires...