Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/08/2015

Fascisme rouge

 

 

J'ai d'abord été emporté par la colère. Puis j'ai eu honte. Honte d'être français. De partager mon pays avec ces gens qui hurlaient sur le pavé parisien. Rêvais-je? Non. Ils sont apparus comme cela sur l'écran des actualités. "A la poubelle Madame Merkel! " Et ils répétaient et ils riaient! Il y a en France aujourd'hui des hommes et des femmes politiques qui n'ont qu'une idée en tête, provoquer la haine, animer les sentiments primaires des individus, cultiver l'instinct xénophobe. On savait qu'Hitler avait fait des petits. Voilà qu'un autre triste patriarche se révèle au monde soixante deux ans après sa mort: Staline. Fascisme. On avait le brun, on avait le vert, on a le rouge. Mais dîtes-moi, un tel guide osera-t-il un jour présenter sa candidature à la présidence de la république?  

04/04/2015

L'islam, un espoir pour l'humanité ?

   

 L’islam peut-il permettre à l’humanité d’en finir avec l’individualisme et la concurrence sauvage liée à l’économie de marché ? C’est la question que posait –bien avant les porte-parole du multiculturalisme- Roger Garaudy (1). L'idée est simple: la société va mal parce que l'homme a perdu la foi, parce qu'en ne croyant plus en Dieu il ne croit plus en rien. Le lien avec le Ciel a été rompu, la religion a été renvoyée à ses autels, ceux qui président à la destinée du monde sont perdus, dés-orient-és. 

 Garaudy pense que le christianisme des débuts était porteur d’un immense espoir. L'était-il vraiment ? D’où vient alors la fin de l’espérance ? 

 Il faudrait la chercher dans le dualisme grec, cette séparation voulue par les philosophes entre le domaine de la foi et celui de la raison. Une fausse interprétation de la parole biblique selon laquelle il faut rendre à César ce qui lui appartient, à Dieu ce qui lui revient. Coupure entre le politique et le religieux. Garaudy a-t-il raison de dire qu’il n’y avait dans la parole de Jésus que la volonté de dénoncer les prétentions totalitaires de César ? Il reste que cette coupure, cette séparation des domaines terrestre et céleste est remarquable dans la philosophie d’un fondateur de la pensée occidentale, Aristote. L’allégorie platonicienne de la caverne soulignait la continuité du fil qui mène de l’ombre à la lumière, chemin difficile à suivre, démarche douloureuse qui ne mène nulle part ailleurs qu’à l’intérieur de soi (une quête peut-être inspirée de la pensée orientale). Pour Aristote la beauté du monde sensible dans lequel les hommes sont plongés leur donne la possibilité d'y discerner l'existence d'un ordre supérieur, intelligible. D’affirmer qu’il y a un « ailleurs », un autre monde, un au-delà. Qu'il y a une cause supérieure, une puissance créatrice, ordonnatrice. Mais qu’il y a ici-bas un monde et de quoi s’occuper. En laissant à César puis à Constantin plein pouvoir sur la vie politique et sociale, le dualisme « faisait de la foi une affaire privée, n’ayant plus prise sur l’organisation de la cité ». Devenue autonome, la politique portait « en soi ses propres fins, sans rapport avec l’homme ni avec le divin » (Garaudy). 

 Il faut être aveugle et imbibé de culture religieuse pour oublier que durant dix-huit siècles les royaumes occidentaux ont usé et abusé du droit divin, que durant dix-huit siècles les hommes, poètes, philosophes, mécréants, scientifiques, astronomes –sans oublier les femmes- durent vivre, penser et agir à l’heure religieuse, catholique en l’occurrence, un totalitarisme bien plus pervers qu’une dictature car les peuples maintenus dans l’ignorance participent eux-mêmes à leur propre servilité. Si les Lumières, les réformes et les révolutions ont ouvert une brèche dans la forteresse des dogmes et des croyances primitives, elles le firent contre le système religieux, et chaque fois qu’il fallut développer la pensée et le savoir, elles trouvèrent en face d’elles l’Eglise, les églises. 

 En faisant l’impasse sur la nuit qui s’abattit si longtemps sur les peuples, Roger Garaudy veut retrouver la pureté originelle qui fut celle des premiers chrétiens, la vraie foi. Pour lui, si le christianisme a encore une chance de sauver l’homme, « l’homme de nos sociétés occidentales…voué à la solitude, à l’isolement à l’égard des autres hommes…par l’écrasement des plus démunis, …par la convoitise…la publicité et le marketing… », cette chance il peut la trouver dans l’islam. L’islam qui, « en refusant les faux dualismes de la politique et de la foi…en liant indissolublement transcendance et communauté, peut nous aider à revivifier le christianisme lui-même et à surmonter la crise de désintégration du tissu social. » 

 Fichtre ! Moi qui croyais dans les années soixante qu’on allait en finir avec l’obscurantisme religieux, que l’imagination allait s’emparer du pouvoir, accompagnée de ses anges gardiens, la liberté de penser d’un côté et l’avenir de l’homme, poitrine nue de l’autre, me voilà aujourd’hui bien embarrassé ! Tout ça pour rien !? Nous avons cru en un monde inaccessible, nous avons cru en un monde, nous avons cru. Et c’était là l’erreur. Il ne faut pas croire. Un demi-siècle après avoir partagé avec des millions que les religions sont un opium pour les peuples, près de moi passent des femmes dont on ne voit que le bout du nez, des hommes qui n’ont plus d’humain que le système pileux, un philosophe qui me dit que l’avenir d’une religion qui a fait tant de mal si longtemps ici, qui a obligé tant d’hommes et de femmes et d’enfants à croire à des sornettes, tout cela pour préserver des privilèges de caste ou de classe, un philosophe qui émet l’hypothèse que le christianisme pourrait être sauvé par une idéologie qui nous ramène encore plus loin dans le passé et les ténèbres : l’islam ! 

 Il écrivait cela en 1981. Aujourd’hui l’islam est devenu une affaire qui marche. Les catholiques qui, après avoir rongé leur frein dans les années soixante ont compris que l’avenir du culte n’était pas auprès du bénitier, mais à gauche, dans les associations charitables, chrétiens de gauche apôtres du « vivre ensemble » qui sont devenus à ce point des thuriféraires (de turifer: qui porte l'encens) de l’islam qu’ils ne sont plus à même de défendre leurs coreligionnaires empêchés de pratiquer leur culte, et persécutés en Orient. Il ne serait pas étonnant d'assister bientôt à des conversions. Je pense d'abord à ceux pour qui la propagation de l'islam s'explique par le développement du chômage et de la misère. Ils n'ont pas à tergiverser longtemps pour désigner un ennemi commun : le capitalisme sans foi ni loi. A quoi bon condamner les petits trafics quand plus haut on pioche des millions dans les caisses de l'état ? Inquiétant de voir des sentiments aussi humains que l'esprit de solidarité, de justice ou de charité trouver en une idéologie aussi impérialiste et dévastatrice que l'islam un allié de circonstance ! Des milliers de nos compatriotes qui par noblesse de cœur tentent de donner aux jeunes une raison d'espérer, parce que cette belle entreprise se heurte à une situation sociale irrémédiable, risquent de sombrer avec eux dans un islamisme tout politique, frère de ce que nous avons connu dans les années soixante sous le nom de théories de la libération. Ce qu'il y avait dans ces « théories » de volonté d'en finir avec la colonisation et l'exploitation du tiers monde hante les nouveaux libérateurs de nos quartiers : non seulement dans la haine de cette cible clairement identifiée, l'état d'Israël qui colonise à tout va, aussi parce que la situation des jeunes dans les quartiers est celle d'enfants d'enfants d'enfants de colonisés. L'islam qui est devenu dans nombre de pays du proche et du moyen orient l'étendard de la révolution pourrait en occident cimenter les exigences des enfants de l'immigration que la société n'a pas su accueillir, ou qui n'ont pas voulu s'y intégrer, mais aussi inspirer une certaine gauche un peu perdue depuis la disparition corps et âme de ses maîtres à penser et de leurs tristes expérimentations sur des millions d'êtres humains. Certains signes ne trompent pas, une candidate d'extrême gauche voilée, la participation de militants gauchistes à des manifestations islamistes aux slogans antisémites, à des colloques en présence de salafistes, le silence réservé aux attentats et l'insistance à en rendre coupables des gens qui n'ont rien à voir avec l'islam... 

 N'est-elle pas paradoxale cette fusion entre une partie du monde progressiste, intellectuels, militants de partis ou d'associations et l'idéologie totalitaire ? Elle ne devrait pas nous étonner. On a connu fusion semblable dans le passé quand on dénommait certaines parties du territoire les banlieues rouges. Elles étaient peuplées de familles ouvrières qui voyaient dans le communisme en construction à l'est une raison d'espérer. Etaient-ils blâmables ces militants qui restaient sourds aux appels pressants des « dissidents » qui alertaient l'occident sur les effets terribles de la dictature communiste ? Certainement pas. D'autres oui, beaucoup plus haut sur l'échelle militante, qui savaient. 

 La trajectoire de Garaudy est intéressante car elle montre comment on peut passer d'une idée à une autre. D'un totalitarisme qui a fait son temps à un autre, "prometteur". Elle montre aussi que le capitalisme sauvage mondialisé peut fabriquer des monstres. Combien nos sociétés derrière une façade aux couleurs de la modernité n'ont pas progressé dans le domaine de l'esprit. Combien il est difficile d'être un simple militant de la liberté, sans se référer à un système ni à un livre aussi sacré soit-il. C'est pourtant ce qu'il faut être.

 

§

 

 

        (1) Garaudy, Promesses de l’islam, éditions du Seuil, 1981, p.57 ;

21/12/2014

Comment pourrait-on oublier?

 

 

Oublier un demi siècle de persécutions, d'emprisonnements, de procès truqués ?

Oublier la paupérisation d'un peuple et l'enrichissement honteux des séides d'un régime qui promettait la justice sociale ?

Oublier les mensonges, la désinformation, les vérités imposées ?

Oublier les discours d'idéologues qui prétendaient établir l'économie socialiste et qui ont fait de la misère une institution et de la débrouille une manière de survivre ? 

 Non, Cuba n'est pas seulement l'île des fusées de Khrouchtchev, de l'industrie sucrière, des gros cigares, de la rumba et des voyages à thème pour touristes communistes qui ont perdu l'URSS, c'est aussi un pays où le bonheur a été rangé dans un tiroir sous des tonnes de paperasses, un pays où personne n'a rien à faire ici. 

 Si l'Amérique redonne à ces gens de l'espoir, tant mieux. Mais il faudra qu'un jour les dictateurs soient renvoyés à leurs dossiers, si possible devant un tribunal. Il y en a un à La Haye, apparemment efficace. 

Heberto Padilla remporta le prix de poésie Julian del Casal qui lui valu ainsi qu’à son épouse la poétesse Belkis Cuza Malé d’être emprisonné. A l’issue d’un procès de type stalinien, quelques intellectuels français cessèrent de soutenir Fidel Castro. 

 

Le poète, renvoyez-le !

Il n’a rien à faire ici.

Il n’entre pas dans le jeu.

Il ne s’enthousiasme pas.

Il ne met pas au clair son message.

Il ne remarque même pas les miracles.

Il passe toute la sainte journée à se creuser la tête.

Il trouve toujours quelque chose à objecter.

 

Ce type-là renvoyez-le !

Mettez de côté ce trouble-fête,

ce rabat-joie

de l’été,

aux lunettes noires

sous le soleil qui naît… 

 

§ 

 

Recueil de textes de poètes interdit à Cuba intitulé « Anthologie de la poésie cubaine censurée » publié par Reporters sans frontières et les éditions Gallimard, 2002.