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01/05/2010

A quelques mètres de moi, dans cette bibliothèque

 Si vous cherchez les communistes, soulevez les tapis, fouillez les poubelles, suivez les caniveaux, mais si vous pensez que je dis cela parce que je les méprise à cause du score lamentable qui est le leur lors des consultations électorales, vous faîtes fausse route. Qu'un parti politique ne soulève l'enthousiasme que de deux ou trois pour cent des français n'est pas une preuve d'erreur ni de faiblesse. Il faut examiner aussi qui sont les français, par respect pour eux -dont je suis- j'éviterai de rappeler ce qu'en disait De Gaulle. Et puis, et puis, on a vu dans le passé des partis frôlant et même dépassant les 99% du corps électoral sans être pour autant des exemples à suivre. On a même vu des partis tellement appréciés par les électeurs qu'on ne leur opposait pas d'adversaire.

 

 Non, je ne me moque pas des communistes. Je dis seulement qu'ils sont tombés bien bas. Je vois, à quelques mètres de moi dans cette bibliothèque les œuvres de Marx et d'Engels. Dans toutes les éditions, celles de Moscou en langues étrangères (les yeux fermés je les reconnais à cause de l'odeur du papier, inimitable, ceux qui connaissent comprendront), Pléiade en papier bible, Editions Sociales, celles que je préfère, parce que c'est ma jeunesse, elles ont été lues et relues, annotées, soulignées, elles abritent même encore des marque-pages, simple bouts de papier que je redécouvre quarante ans après, sur lesquels j'avais inscrit des remarques, même des choses à ne pas oublier, le pain, la cartouche de gauloises bleues, l'heure et la date d'une réunion, le nombre de journaux vendus, les noms des contacts. A l'étage en dessous, il y a Lénine... bon je m'arrête là, ce n'est pas par crainte qu'un lecteur malveillant débarque chez moi une de ces nuits et me débarrasse de ces trésors. Je partage l'avis du poète qui dans les stances à un cambrioleur note avec satisfaction que le monte-en-l'air a laissé sa guitare en place. Les cambrioleurs s'en prennent rarement aux œuvres des pionniers du socialisme, ils préfèrent emporter les produits manufacturés du méchant capitalisme de monopole : bijoux, cartes de crédit...et autres babioles ayant valeur d'échange et prometteuses de plus-value.

 

 Mon pauvre Marx ! Tu n'es plus que poussière heureusement. Car ce que j'ai entendu hier a fait bondir l'admirateur de tes œuvres que je suis. Elle s'appelle Madame Buffet. Elle parle en ton nom, puisqu'elle est communiste. Elle a souhaité que les musulmans puissent pratiquer, dans notre pays, leur religion en paix. J'ai alors rouvert tes livres pour m'assurer que je ne rêvais pas ou que, tel le prophète au mont Hira, l'archange Gabriel ne me bredouillait pas les Révélations. Nulle part je n'ai vu que tu conseillais au peuple de fumer l'opium. De deux choses l'une. Ou bien les religions ne sont plus aujourd'hui ce qu'elles étaient : un moyen de pérenniser l'exploitation de l'homme par l'homme en laissant espérer au peuple un monde meilleur plus tard dans l'au-delà. Ou alors, les religions restent ce qu'elles étaient, ce sont les communistes qui ont rangé définitivement tes œuvres au placard, et qui sont entrés dans les Ordres. Ayant entendu il y a peu les propos d'un certain Ahmedinejad, un maître en son pays comme en religion, propos qui n'expriment pas immédiatement l'espoir d'un monde meilleur fait de liberté et d'amour, je penche pour cette deuxième hypothèse : le communisme n'est plus ce qu'il était du temps de Babeuf, des soulèvements populaires de 1848, de la Commune de Paris, et même du temps de Jaurès. Après Madame Buffet, le sieur Ramadan, un copain de Ahmedinejad, mais égaré en cette terre de mécréance qu'est la France, a répété -en gros, mais en serrant les dents- les propos de la camarade. Les totalitaires s'entendent entre eux, ils parlent la même langue.

 

 Vois-tu, Karl, je suis profondément triste. Car non content de disparaître de la surface du globe, l'idéal communiste a emporté avec lui l'espoir que tu as fait naître en moi comme à des millions d'autres, d'un monde meilleur. Avant, nous vivions en préparant l'avenir, et même plus, si l'on était à l'Est, en le construisant. Maintenant, nous restons interdits, sur place, bras ballants, ne sachant que faire, où porter notre regard. Le seul horizon qui nous fait encore rêver est celui du passé. Je parle pour moi. L'inconscient, l'imbécile que je fus. Car pour des millions d'autres le passé ne fut pas un rêve, mais un cauchemar. Et j'ai dû, moi l'enfant gâté, me frotter longtemps les yeux en lisant Une journée d'Ivan Denissovitch.

 

  Ma jeunesse, te souviens-tu Jeannot, à Andrésy sur la pente de l'Hautil, sous la tente dans ton jardin, aux premières chaleurs, je revenais de Paris avec une pile de brochures des Œuvres et je mets une majuscule. L'idéologie allemande, Travail salarié et capital, Les luttes de classes en France, Le manifeste du parti communiste... Un jour, tu m'as vu débarquer avec un gros pavé (trois ans avant 68 !), en papier celui-là, on est resté à le regarder, à essayer de comprendre les premières lignes de la préface. C'était L'anti-Dühring, et le sous-titre, Monsieur Dühring bouleverse la science. Nous n'étions pas si bêtes, j'étais en terminale, tu étais en seconde mon lascar, et quand on a sérieusement mis le nez dans le texte, on a compris plein de choses, notre premier contact avec le Grand, l'Immense Matérialisme Historique. Et nous riions ! Les autres, les profanes, s'ils nous avaient vus, nous auraient pris pour des fous. Te rappelles-tu de quoi nous riions ? De la façon dont Engels tournait en ridicule le pauvre mécanisme scientiste d'un monsieur qui n'avait rien compris à la dialectique. Mais alors vraiment rien compris. Et l'époque était passionnante pour une autre raison. Tout était clair. Les choses étaient blanches ou noires. Pas de demi-mesure. Pas d'hésitation, pas de doute, pas de oui mais. La classe ouvrière internationale avait déjà libéré des millions de kilomètres carrés. Les soviétiques construisaient la société future et s'apprêtaient à dépasser les USA dans tous les domaines, agriculture, industrie, et s'envolaient dans l'espace avec Gagarine, Titov, Valentina Terechkova, ils entraînaient avec eux la moitié de l'Europe. La Chine en mettait un coup aussi et on soupçonnait un frémissement en Afrique, en Amérique latine et en France où les mineurs en 63 avaient montré la voie à suivre.

 

 Où es-tu Jeannot, disparue, envolée jeunesse, veau, vache, cochon, couvée. Tout est perdu. « A pu » comme dit mon petit fils en écartant les bras quand il a consommé le contenu de son bol. Le vide. Zéro. Là-bas, le communisme c'était l'enfer. Ici, une morale d'esclave a envahi les rues, les écrans et les ondes. L'angélisme chrétien le plus éculé a réduit les derniers bastions de résistance et infiltré la gauche dans ses moindres recoins. Les masses populaires des villes et des campagnes restent scotchées devant le téléton, et donnent aux pauvres le peu qui leur reste. Les riches, quand ce n'est pas sur l'or, roulent des mécaniques. Ils sont socialistes, mais contrairement à leurs prédécesseurs, au lieu de faire l'histoire, ils la caressent dans le sens du courant. Ils ne sont pas les seuls, le flot est trop fort, impétueux, impossible à remonter. Et puis les autres arrivent, hyènes en tenue de camouflage, les envoyés d'Allah, ceux d'avant, d'il y a longtemps, d'avant les Lumières, avec leurs esclaves, leurs imams, leurs cagoules, leur violence, leur bêtise. D'ici je les vois rire. A la république blessée ils montrent déjà les crocs. Elle, fière, le sein nu, brandissant l'étendard, appelle à son secours. Marianne, Marianne, ne vois-tu rien venir ?

 

§

17/04/2010

Pourquoi taire les crimes du communisme (suite)

 Dans un article précédent nous en étions arrivé à 1922, fin de la période léninienne (Lénine est mort en 1924). Atteintes à la démocratie, à toutes les formes de liberté, dictature d'un parti sur un peuple, déportations et crimes : non seulement la mort de Lénine ne mit pas un terme à tous ces maux, mais depuis l'arrivée de Staline au pouvoir, entouré de ronds-de-cuir (1) à sa botte, les peuples qui composaient l'Union soviétique subirent pendant plus de soixante ans (les successeurs de Staline continuant son « œuvre ») un régime despotique (2). Dans le cas de la Russie soviétique, le despote ne fut pas un individu, mais plutôt une personne « morale » : le parti ; là réside l'aspect totalitaire du régime en même temps que sa force. Le parti agissant pour le bien de tous, chacun participe, brique scellée dans l'édifice de la dictature, jusqu'au dissident qui, convaincu de la nécessité et de l'inéluctabilité du but final, se résigne à considérer ceux qui le persécutent, non comme des gardiens du dogme, mais comme des révisionnistes, au pire des falsificateurs de la doctrine.

 

 Ce qui nous intéresse ici, ce n'est pas d'attirer l'attention sur une dictature qui par sa durée est loin d'être un cas unique dans l'histoire, car des dictatures et des tyrannies, au fil des siècles, les hommes en ont vu d'autres, mais plutôt de relever un fait étrange : il n'est pas interdit (il est même conseillé) dans notre société de clouer au pilori (3) toutes les formes de dictature à condition de ne pas toucher au communisme ! Je crois m'être expliqué là-dessus dans ce même article (4). J'ajouterais, mais ce n'est pas le sujet ici, qu'il faut s'interdire aujourd'hui de mettre en cause l'islamisme : on accepte bien des choses quand elles viennent du tiers-monde. Argument de l'extrême gauche : les régimes dictatoriaux des pays du tiers-monde seraient des produits de l'impérialisme occidental. Allons camarades, depuis des millénaires, en matière de dictature et d'injustice, les peuples de là-bas ont disposé du nécessaire sur place. A commencer par l'esclavage qui n'a pas été initié par la colonisation. Les autochtones avaient depuis longtemps fait preuve de leur savoir-faire en la matière. Mais revenons à nos moutons.

 

 La liste des agressions, pillages, entorses au droit international, crimes cités ci-dessous est dressée dans « Le livre noir du communisme » un ouvrage tant décrié, pour des raisons bien compréhensibles. On reproche à Stéphane Courtois « d'enlever son caractère historique au phénomène.» Ce qui revient à justifier la violence : face au monde impérialiste, les bolcheviks y auraient été contraints... A la boutade « on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs », Vladimir Boukovski répliquait qu'il avait vu les œufs cassés, mais n'avait jamais goûté l'omelette. (cité par Courtois)

 D'autres reprochent aux auteurs de ne pas faire la différence entre la théorie communiste et son application détournée en Russie, en Chine, au Cambodge... On pourrait leur rétorquer que des millions de Soviétiques, de Chinois, de Cambodgiens sont morts avant d'avoir eu le loisir de lire les textes fondateurs. Ils n'en ont connu que les implications.

 

 Mais attention : après avoir lu et relu les critiques, parfois très vives, adressées aux auteurs de ce livre, si les contradicteurs remettent en cause des chiffres, jamais, je dis bien jamais ils ne mettent en cause les faits rapportés :

 

 

  • - Assassinat de dizaines de milliers de personnes dans les camps de concentration entre 1918 et 1930;

 

  • - Déportation de deux millions de koulaks en 1930-32;

 

  • - La grande famine ukrainienne de 1932-33 liée à la résistance des populations rurales à la collectivisation forcée, provoqua la mort de 6 millions de personnes;

 

  • - Liquidation de près de 690.000 personnes lors de la Grande Purge de 1937-38;

 

  • - Négociations secrètes de Staline avec Hitler aboutissant à deux traités du 23 août et du 28 septembre 1939, partage de la Pologne, annexion à l'URSS des états baltes, de la Bucovine du nord et de la Bessarabie;

 

  • - Agression de la Finlande le 30 novembre 1939;

 

  • - Exécution de 4500 officiers polonais à Katyn en 1939; un massacre qui, pour Vidal-Naquet aurait pu entrer dans le cadre du procès de Nuremberg(5);

 

  • - Plusieurs centaines de milliers de militaires allemands sont morts après avoir été déportés au goulag entre 1943 et 1945;

 

-   Le mutisme imposé par le parti concernant les exactions commises par les soldats de l'armée rouge, en particulier les viols de femmes allemandes dans l'Allemagne occupée. Voir à ce sujet le reportage « Les Russes à Berlin » Scherz Verlag München-Bern-Wien, 1965 Robert Laffont, 1967 dans lequel Erich Kuby, citant Horst Schützler relève :

 

« Le spectacle de milliers de kilomètres de sol national dévasté, de villes et villages rasés, de potences et fosses communes où avaient fini tant de citoyens soviétiques allumait, dans le cœur des soldats russes, une haine démesurée contre les agresseurs allemands et effaçait parfois la distinction établie par leurs chefs militaires et politiques entre les fascistes hitlériens et les populations allemandes égarées, et leur inspirait des sentiments de vengeance (souligné par moi) (...) Tous les citoyens soviétiques n'avaient pas encore assimilé l'idéologie socialiste au point d'être préparés à cette terrible épreuve ! »

 

Certes. Mais les massacres commis par les SS en Union Soviétique justifient-ils les exactions commises par les soldats soviétiques sur des femmes allemandes ? Non. Pas plus que les massacres de civils français par la Gestapo et l'armée d'occupation ne justifiaient le mot d'ordre de résistants, probablement de la dernière heure : « A chacun son boche ! »

 

-   Pillage systématique de tout l'appareil industriel des pays occupés par l'Armée rouge. Plus que l'appareil industriel, des produits finis (en Allemagne avant-guerre) furent revendus sous un autre nom (russe) après avoir subi quelques menues modifications. C'est le cas en photographie et en optique, la plupart des usines de fabrication étaient en Allemagne orientale (Iéna, Dresde...). Je possède un appareil 6x9 pliant à soufflet de marque Mockba qui est la copie exacte du Zeiss Ikon Ikonta 6x9 d'avant-guerre. Pire qu'une contrefaçon : un livre de référence (6) indique qu'il est possible que certains composants de cet appareil aient été fabriqués en Allemagne avant la guerre ! (voir aussi la copie soviétique du Leica page suivante)

 

  • - Déportation de centaines de milliers de Polonais, d'Ukrainiens, de Baltes, de Moldaves et de Bessarabiens (7) en 1939-41, puis en 1944-45;

 

  • - Déportation des Allemands de la Volga en 1940-41;

 

  • - Déportation-abandon des Tatars (8) de Crimée en 1943;

 

  • - Déportation-abandon des Tchétchènes (9) en 1944;

 

  • - Déportation-abandon des Ingouches (10) en 1944;

 

  • - En 1943-44 Staline a fait retirer du front des milliers de wagons et des centaines de milliers d'hommes des troupes spéciales du NKVD pour assurer dans le délai très bref de quelques jours la déportation des peuples du Caucase. 

                                                           §

 

 

 Dans un troisième temps, on procédera à un double examen :

 

1/ les crimes de l'après-guerre avant et après la mort de Staline en URSS et dans les pays occupés dénommés « démocraties populaires » ;

 

2/ pourquoi les intellectuels et les dirigeants politiques occidentaux ont respecté la loi du silence sur ces crimes. Pourquoi les dirigeants staliniens et leurs complices n'ont-ils pas été jugés devant un Tribunal international ?

 

 

§

 

 (1) rond-de-cuir n. m. Fam., péjor. Employé de bureau. (Par allus. au coussin de cuir qui garnissait les sièges de bureau.) Des ronds-de-cuir.  © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(2) despote n. et adj.  1. n. m. Souverain qui exerce un pouvoir arbitraire et absolu.  

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(3) Clouer qqn au pilori, le désigner à l'indignation publique. © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(4) Pourquoi taire les crimes du communisme ?

 

(5) Katyn, village de Russie, à l'O. de Smolensk. Dans la forêt de Katyn les Allemands découvrirent en avril 1943 les cadavres de quelque 4500 officiers polonais et attribuèrent ce massacre à l'Union soviétique, laquelle se défendit en accusant l'Allemagne. Les enquêtes menées après la guerre établirent la responsabilité de la police politique soviétique (reconnue par l'U.R.S.S. en 1990).

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(6) Princelle Jean Loup.- The authentic guide to Russian and Soviet cameras, deuxième édition, Août 2004 ;

(7) Bessarabie, rég. de Moldavie et d'Ukraine, au N.-O. de la mer Noire, entre le Prout et le Dniestr. ­ Russe en 1878, roumaine de 1920 à 1940 et de 1941 à 1944, la Bessarabie a été  reconnue partie intégrante de l'U.R.S.S. au traité de Paris de 1947. Ce traité a été dénoncé par la Roumanie en 1991. 

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(8) Tatars, peuple de nomades turco-mongols dont la présence est attestée au VIIIe s. dans l'O. de l'actuelle Mongolie. Ils furent écrasés par Gengis khan en 1202, mais les Européens nommèrent longtemps «Tartares» tous les envahisseurs mongols, puis diverses populations turques de Russie. De nos jours, les Tatars, musulmans, sont évalués à env. 7  millions de personnes; on distingue essentiellement les Tatars de la Volga et les Tatars de Crimée. Ces derniers, déportés par Staline à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ne furent réhabilités qu'en 1987 et luttent toujours pour regagner leur territoire national.

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(9) Tchétchènes, peuple caucasien islamisé, les Tchétchènes (environ 650000 personnes en 1995) ont valeureusement résisté à l'expansionnisme russe des XVIIIe et XIXe siècles, jusqu'à la chute de leur chef Chamil (1859): Grozny («la Terrible» en russe) devint alors ville de garnison russe. Après la prise de pouvoir bolchevique, leur territoire est successivement partie de la «République autonome des montagnes», «Région autonome», puis portion de la Fédération de Russie, à nouveau «République autonome» mais en association avec les Ingouches (1936). En 1944, Tchétchènes et Ingouches sont déclarés «peuples punis» et déportés en Sibérie. Leur république disparaît et est colonisée par des Russes et des Géorgiens jusqu'en 1957, date à laquelle la déportation est suspendue et la république recréée. Ce long passé d'adversités est évidemment une source de ressentiments très vifs des populations locales envers les Russes, et il n'est pas surprenant que cette hostilité se soit transformée en conflit ouvert après la chute du système soviétique (1991).

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

(10) Ingouches, peuple musulman du Nord du Caucase. Déportés massivement en 1943-1944 par Staline, ils purent s'établir dans la République de Tchetchénie-Ingouchie en 1957.

 © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001 ;

 

 

 

 

31/03/2010

Sur l'art de se taire

 

 Dans cette promenade que je fais parmi mes livres, il m'arrive d'ouvrir un Jean-François Revel, qui pour moi est un auteur de génie, et visionnaire. La nouvelle censure, sous titré : Un exemple de mise en place de la mentalité totalitaire (1), page 11 :

 

« ...Ce qui a toujours caractérisé la défense de la Foi, dans toutes les Eglises, est de ne pas répondre aux arguments périlleux pour cette Foi, et, au lieu de cela d'empêcher qu'ils ne parviennent à la conscience des Fidèles. En effet, discuter un argument, c'est en prendre connaissance, y réfléchir, et éventuellement, y succomber (...) 

« La technique de la « censure indirecte », que tout croyant commence par exercer pour et en lui-même, consiste d'abord à ignorer délibérément les arguments et les faits présentés par ceux dont les vues sont contraires à la Foi, ensuite à jeter la suspicion sur leurs mobiles, enfin, en dernier recours, à les accuser d'être stériles, destructifs... »

 

 Revel n'a pas été témoin de l'implantation de l'islam en Occident, mais il a vécu les périodes stalinienne et post-stalinienne en France. Ce qu'il nomme « la nouvelle censure », c'est le silence imposé par la nomenclature politique française, à gauche mais pas seulement, sur l'oppression des peuples de l'est de l'Europe sous la botte communiste. Le but, ici, n'est pas d'expliquer les raisons de ce silence, j'ai déjà abordé le sujet dans un précédent article (2). Mais les quelques phrases recopiées plus haut éclairent ce que les libres penseurs vivent aujourd'hui en France. La politique des pouvoirs, gouvernement, partis, medias peut se résumer ainsi :

 

1/ Ne pas répondre aux arguments périlleux pour la pensée officielle. Si cela est impossible, on étouffe les réactions des gens témoins des atteintes à la démocratie et à la laïcité : pas d'images sur les prières dans l'espace public, on évite les mots « islam » ou « islamisme » dans les reportages sur les attentats ou les guerres interethniques, motus et bouche cousue concernant les femmes battues, les actes antisémites dans les banlieues... la liste est longue ;

 

2/  Jeter la suspicion sur ceux qui dénoncent, à travers l'islamisation, les atteintes à la laïcité, aux droits et à la dignité de la femme, en les accusant de racisme en usant et abusant de l'amalgame bien connu entre « islam » et « race » ;

 

3/  Accuser ceux qui dénoncent, de complicité avec l'extrême droite ;

 

 Je vois dans cette démarche -mélange de lâcheté et de perversité- une ressemblance étonnante avec le silence respectueux des intellectuels béats devant les réussites du paradis socialiste, quand les chars écrasaient les révoltes populaires en Allemagne de l'est, en Pologne, en Hongrie, en Tchécoslovaquie, quand les communistes sincères là-bas étaient contraints aux aveux, que les dissidents étaient internés en psychiatrie, que les écrivains fuyaient ou étaient expulsés, que les artistes travaillaient en cachette, qu'un scientifique de renommée mondiale était en résidence surveillée... Et encore, si la politique de l'autruche n'avait été adoptée que par les tenants du communisme en France, mais non : la gauche plongeait sa tête dans le sable, programme commun oblige.

 

 Et gare à ceux qui mettaient en cause la légitimité du socialisme à l'est ! Ils étaient au mieux suspects de quelque chose, d'être de droite ou réactionnaires, au pire fascistes,  agents de l'impérialisme ou de la CIA...

 

 Si un jour, les peuples se sont libérés de l'étau totalitaire, ils ne le doivent qu'à eux-mêmes. La gauche française et européenne n'y est pour rien, j'oserais dire : bien au contraire.

 

 Les leçons du passé servent-elles à quelque chose ? Apparemment non, quand on voit avec quelle mollesse nos représentants politiques n'en finissent pas de ne pas en finir avec une loi interdisant la burqa. Les islamistes doivent rire en douce. Qu'elle est c... la démocratie occidentale !  Profitons-en, puisqu'elle nous laisse la parole, et même qu'elle nous la propose ! L'ami Ramadan est sur les plateaux de télé. Des artistes, des intellectuels, des philosophes ou qui se prétendent tels, bref des gens très bien n'ont de cesse de faire l'éloge de la diversité culturelle : pour reprendre le mot de Jean-François Revel, « Censure indirecte », car ces bonnes gens savent bien qu'au nom de cette diversité, un retour en arrière de plusieurs siècles attend l'occident, par la mise en cause de tout ce que les Lumières, les révolutions, les peuples ont réussi à nous transmettre : la démocratie, la liberté, la laïcité. 

 

§

  

  • (1) Robert Laffont, 1977
  • (2) Pourquoi taire les crimes du communisme?