13/03/2011
L'antisémitisme aussi est multiculturel
Voilà bientôt deux ans que sans me lasser je tente –avec les faibles moyens du blogueur lambda- d’alerter qui je peux sur la renaissance de l’antisémitisme dans notre pays (et au-delà). Je dis renaissance, un terme inapproprié. Car d’une part, la haine du « juif » ne s’est jamais éteinte. En outre elle se réincarne. Rompant l’isolement de l’extrême droite traditionnelle, les islamistes et leurs alliés d’extrême gauche revendiquent presque cette horreur, usant de l’euphémisme « antisionisme », feignant de confondre juifs et Israéliens, selon la technique inventée par les nazis du « Turnspeech » : si holocauste il y a, il a lieu ici et maintenant en Palestine, où les victimes arabes tombent sous les bombes « juives ».
extrait d’un article de Jbara al-Barguti, « Shylock of New-York and the industry of death » (Al-Usbu al-Adabi, 27 novembre 1999) (1):
« Les enseignements du Talmud, imprégnés de haine et d’hostilité envers l’humanité, sont enracinés dans l’âme juive. A travers l’histoire, le monde a connu plus d’un Shylock (2), plus d’un père Thomas {les Juifs de Damas furent accusés de sa mort en 1840}victimes de ces instructions talmudiques et de cette haine {…} Maintenant le temps du Shylock de New York est venu {…} Le pain azyme d’Israël continuera à être imprégné du sang que le Talmud l’autorise à verser à la gloire de l’armée juive. »
A la Conférence de Durban en 2001 les ONG arabes, palestiniennes et musulmanes ont accusé Israël d’être un « Etat d’apartheid raciste » et de perpétrer un « holocauste » en Palestine. Une brochure présentée au Centre d’exposition de Durban montrait un portrait d’Hitler avec en légende :
« Si j’avais gagné la guerre, il n’y aurait plus de… sang palestinien . » (3)
Avez-vous vu l’extrême droite s’indigner du sort réservé à Salman Rushdie et Taslima Nasreen, l’un condamné par une fatwa, l’autre adversaire de l’obscurantisme religieux, tous deux condamnés ou menacés par le terrorisme islamique ? Ces alliances ne sont pas nouvelles. Hitler et le grand mufti de Jérusalem étaient de grands amis. « Les juifs, je vous les laisse. » lui confiait le guide. Combien de pays musulmans, bien avant les persécutions contre Rushdie et Nasreen, ont abrité des criminels de guerre nazis ?
L’extrême droite traditionnelle, les islamistes et …oui, je dis bien : leurs alliés d’extrême gauche. L’image de l’usurier juif symbole du monde de l’argent, emblème du capitalisme triomphant est trop belle, trop riche de sens pour être ignorée des porteurs de calicots aux slogans faciles et mobilisateurs. Quand je vois, j’entends, je lis ces slogans prônant la destruction de l’état d’Israël, invectives meurtrières hurlées ici, à Paris, par ces gens venus d’horizons si différents, depuis les encenseurs du Hamas jusqu’aux nostalgiques de cet immense zoo protégé par un rideau en fer, hurlements qui n’ont d’égal que le silence des médias et des milieux politiques dominants, je suis bien obligé de constater que l’antisémitisme a encore de beaux jours devant lui.
Radio J a annulé son projet d’émission politique avec la représentante de l’extrême droite. Je ne vois d’ailleurs pas au nom de quoi seraient invités à s’exprimer sur cette antenne des gens pour qui l’occupation nazie n’était pas si terrible que ça, pour qui le génocide nazi fut un détail de l’histoire, pour qui l’existence des chambres à gaz reste encore à vérifier. Dès l’annonce de cette nouvelle (l’annulation de l’invitation), déferlement d’invectives antisémites dans les courriers sur Internet. Un langage grossier, des termes humiliants qui rappellent ceux des feuilles fascistes du Pilori ou du Comité d’action Anti-Bolchévique, qui rappellent les propos des Costantini, Céline et Brasillach. A vomir. Jusqu’à accuser le CRIF et la LICRA de s’en prendre au peuple palestinien. Sur le ton de l’humour, quelqu’un s’étonne que ces deux associations fassent usage d’avions de guerre !
Cela nous réjouirait d’apprendre que, dans les milieux d’extrême droite, le racisme anti-arabe trouvât ses limites. Ce serait une erreur d’y voir un sursaut de philanthropie émergeant comme par miracle d’un océan de haine. Suite à une longue rumination, croire à une mutation des instincts primaires annonçant l’amorce d’une réflexion ? Je n’y crois pas non plus. J’y vois plutôt un moyen de s’adjoindre des alliés dans la lutte séculaire contre « ces juifs qui sont partout ». Ainsi, certaines sectes d’obédience ultra-nationaliste n’appelleront pas à voter pour la représentante de l’extrême droite tant que celle-ci s’en prendra, avec une telle hargne, aux musulmans. Tiens donc !
§
(1) article repris dans la « Revue d’histoire de la Shoah » n°180, janvier-juin 2004
(2) Shylock, personnage central du Marchand de Venise de Shakespeare (1596), usurier juif impitoyable finalement berné, suivant les traditions élisabéthaines, mais auquel l’auteur a donné une grandeur pathétique insolite à cette époque (cf. son plaidoyer antiraciste de l’acte III). En 1814, Kean triompha dans ce rôle. © Hachette Multimédia / Hachette Livre, 2001
(3) in Response, Rapport du Centre Simon Wiesenthal, automne 2001, p.3-6:
09:27 Publié dans Antisémitisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : antisémitisme, racisme, proche-orient, israël, palestiniens, extrême droite, extrême gauche
15/10/2010
Relents de fascisme
Journal d’avant-hier. On en apprend un peu plus sur les violences ayant entraîné la suspension du match Serbie-Italie. Des « supporters » serbes qui s’apparentent plus à des groupes paramilitaires qu’à des amateurs de football s’en prennent d’abord à leur propre gardien de but (jugé par eux peu performant). Puis débordements, déprédations, nombreux blessés. Ce sont les mêmes qui pratiquent l’homophobie musclée dans leur pays. Une mouvance qui vient de plus loin, quand les chefs ultranationalistes serbes recrutaient des gros bras parmi les supporters de l’Etoile Rouge de Belgrade. Relents de fascisme.
Le même jour, au Blanc-Mesnil. Dans le vestiaire d’un collège, un élève de quinze ans est agressé par trois autres, qui lui masquent les yeux et le passent à tabac. Trente jours d’ITT, un pouce fracturé. Une source judiciaire confirme le caractère antisémite de l’agression. Quatre adolescents sont placés en garde à vue. Relents de fascisme.
Le même jour, Ahmedinejad visite le Liban sous les acclamations des partisans du Hezbollah. Face au public fanatisé, il appelle à la destruction d’Israël. Réactions dans le monde ? Ridicules.
Partout, l’obscurantisme marque des points. Jusque dans nos démocraties où à 8 heures le matin on entend (Europe1) une française bien de chez nous déclarer que le port du niqab l’a libérée, et qu’elle ressent « quelque chose de positif dans cette idée de vie commune et partagée entre un homme et plusieurs femmes », trouvant dans la polygamie « complicité » et « sécurité ».
Huit heures du matin. Deux mille dix. En France. Le pays de Montesquieu, de Louise Michel, de Jean Moulin. Le pays de 68, « Cours camarade, le vieux monde est derrière toi ». Mais ce n’est pas aux fascistes, aux racistes, aux islamistes qu’il faut s’en prendre. Ce ne sont que des brutes au crâne creux. Les responsables de cette situation, je les vois en haut, tout en haut des états, au sommet de ces belles démocraties qui jouent avec le feu. Exemple, à propos de l’agression antisémite rappelée plus haut. Le ministre de l'Education nationale condamne cette agression "avec la plus grande fermeté", annonçant qu'il présenterait "dans les prochains jours, une série de mesures destinées à ancrer la notion de vivre ensemble au coeur des écoles et des établissements scolaires". Il demande au recteur de l'académie de Créteil "de mener un travail spécifique de prévention du racisme et de l'antisémitisme au sein de cet établissement".
« Ancrer la notion de vivre ensemble » ! Moulin à paroles.
Paris, de nos jours. Julia Jarmond, journaliste américaine installée en France depuis 20 ans, enquête sur l'épisode douloureux du Vél d'Hiv. En remontant les faits, son chemin croise celui de Sarah, une petite fille qui avait 10 ans en juillet 1942. (Orange actualités)
C’est sans aucun doute un très beau film. J’irai le voir et j’espère que les professeurs de troisième et de terminale y emmèneront leurs élèves. Car c’est bien de regarder le passé, de le rappeler à notre jeunesse, car les pires crimes commis par les hommes peuvent, si l’on en cherche les causes, nous permettre d’éviter qu’ils se reproduisent. La responsabilité des adultes d’aujourd’hui est grande, car les témoins des années noires, survivants des camps ou membres des familles des victimes sont maintenant très âgés. Les conférences qu’ils ont encore aujourd’hui les forces et le courage de tenir dans les écoles, dans peu de temps ils ne les tiendront plus. Il faudra pourtant maintenir vivante la mémoire, clouer le bec à ceux qui lèvent les bras au ciel l’air de dire « C’est vieux tout ça ! ». Non, vivre ensemble n’est pas une notion, c’est un combat. Combat contre l’indifférence, l’insouciance, l’ignorance.
18:18 Publié dans Colère | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : fascisme, racisme, antisémitisme, ignorance, laisser-faire
01/09/2010
Juger les gens pour ce qu'ils font, non pour ce qu'ils sont
D’abord l’indignation, puis la révolte, voilà comment un être humain peut réagir face à l’acte odieux commis par le pouvoir qui consiste à chasser des personnes dans le seul but de ramener à lui des milliers d’électeurs qui ne supportent pas la présence des gens du voyage sur leur territoire.
Quelle lâcheté aussi ! Car il est facile de s’en prendre aux Roms qui n’ont pas d’attache, ne viennent de nulle part, provoquant depuis toujours la méfiance « des gens du terroir, des gens du cru », comme disait le poète. Facile pour un pouvoir de flatter le bon peuple « de souche » en lui chantant, mais sans l’humour de Brassens, la ballade des gens qui sont nés quelque part. Et ne parlez pas de la Roumanie qui n’est pas pour eux, loin s’en faut, une terre d’accueil. Il y a soixante-dix ans, les gens « du cru » ont su quoi faire de ces êtres vite catalogués comme asociaux. Errants, venant de partout et de nulle part, ils ressemblaient à s’y méprendre aux juifs, considérés aussi par les brutes nazies et la milice comme des parasites, des ennemis de l’intérieur.
Doit-on pour autant approuver les propos tenus entre autres par des prélats, qui comparent le sort réservé aujourd’hui aux gens du voyage avec celui des tziganes et des juifs il y a soixante-dix ans. Halte là Messeigneurs ! Comparaison n’est pas raison. Surtout venant de l’église catholique, quand on sait le silence coupable qui a été le sien avant, pendant et après le génocide nazi. Le populisme du pouvoir actuel est encore compatible –malheureusement certes- avec les institutions et ne peut être comparé avec le national-socialisme qui programma, planifia et organisa l’extermination des peuples juif et tzigane. (Pas plus que je ne m’associe à ces prétendus défenseurs de la cause palestinienne qui parlent de génocide en Palestine, faisant des victimes d’hier les bourreaux d’aujourd’hui. Force est de constater ici des relents d’antisémitisme, qui n’ont rien à voir avec la critique de la politique des autorités israéliennes.)
Maintenant parlons franc. Comme je le disais au début, je comprends l’indignation et la révolte de ceux qui voient dans l’expulsion des Roms un racisme à peine déguisé, compatible avec le sentiment d’une grande partie de la population qui en est encore à considérer les Roms comme des voleurs de poules. Sans parler de l’hygiène, de la saleté, des ordures, ma pauvre dame, et puis de quoi vivent-ils ? Bonne question ! Et ces voitures, ces caravanes de luxe, avec quel argent les ont-ils gagnées ? Alors que nous, bons français, gagnons difficilement notre pain, sans parler du chômage, des délocalisations, de la mobilité forcée, ne sommes-nous pas nous-mêmes devenus malgré nous des gens du voyage ?
Bons français ! Parlons-en de l’hygiène, du tri des déchets, de la pollution automobile… Que celui qui n’a jamais jeté une machine à laver en forêt, un paquet de cigarette par la portière, que celui qui ne douche pas son enfant une fois par jour, qui ne se lave pas les mains en sortant des toilettes, que celui qui ne contribue pas au recyclage de ses déchets, qui jettent ses piles à la poubelle, que l’estivant qui laisse des emballages plastique sur la plage et autres seringues et détritus à risque, que les parents qui n’apprennent pas à leurs enfants le respect des lieux publics, à commencer par les toilettes des écoles, que tous ceux-là, français du haut du crâne jusqu’à la pointe des pieds, jettent la première pierre à ces gens qui déversent leurs ordures sur les talus d’autoroutes.
Et puis ces bons bourgeois de gauche et de droite qui hurlent aujourd’hui leur indignation, où vivent-ils ? Bien au chaud au centre des villes, à l’abri des rixes de banlieue et des camps de Roms. Sont-elles prêtes ces bonnes âmes à accepter près de chez elles l’installation de gens du voyage ? Quand elles mettront leurs actes en accord avec leurs paroles, peut-être le peuple pourra-t-il les entendre. Et puis et puis cette critique du populisme d’un gouvernement en recherche de suffrages venant de démocrates d’occasion n’ayant pour objectif que leur retour au pouvoir ferait sourire si le problème n’était aussi grave. Quand on sait que pendant des années les mêmes ont laissé pourrir une situation qui fait de l’insécurité un problème majeur dans le pays.
Je sais l’effort que font certaines municipalités pour accueillir les gens du voyage. L’effort des écoles aussi, des enseignants. Ce qu’il faut ? De l’eau, des raccordements, des ramassages, sur des terrains où je ne craindrais pas de planter ma tente, et puis la scolarisation des enfants, et puis du travail… mais ça, rien n’est facile ! A moins de considérer ces personnes malfaisantes par nature, vous voyez, vous, d’autre solution que de garder sur notre sol ceux qui y sont, et de les aider à vivre parmi nous ?
Qu’on condamne ceux qui brûlent le drapeau d’un pays qui les héberge, ceux qui sifflent l’hymne national, ceux qui pratiquent la polygamie, ceux qui battent leur femme, ceux qui tiennent publiquement des discours contre les libertés et la démocratie, ceux qui appellent en chanson au meurtre des policiers, ceux qui profitent du travail des autres et des dizaines d’années de cotisations de travailleurs à la sécurité sociale, ceux qui profanent les cimetières et les lieux de culte, ceux qui s’en prennent violemment aux enseignants, aux pompiers, aux policiers, ceux qui inscrivent des insanités sur les tombes des soldats étrangers morts pour la France, ceux qui jettent des parpaings sur la cabine des TGV, ceux qui profitent grassement du trafic des armes et de la drogue dans les cités, que ces gens soient jugés et condamnés, d’accord. Qu’enfin la république se donne les moyens de faire régner la paix et la justice, d’accord. Mais cela n’autorise personne à désigner et expulser des femmes, des hommes et des enfants pour la seule raison qu’ils sont nés.
13:38 Publié dans Colère | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : racisme, populisme, indignation, roms