27/04/2017
Iskra « Etincelle »
cliché M.Pourny
38722 exemplaires de ce folding 6x6 furent fabriqués entre 1960 et 1963 dans l’usine mécanique de Krasnogorsk (KMZ) près de Moscou (source : Jean Loup Princelle : The authentic guide to russian and soviet cameras).
Compact par définition puisque pliant, son épaisseur est de 97mm ouvert et 47mm fermé, pour 153mm en long et 108mm en hauteur. Le boîtier est entièrement métallique, recouvert de skaï noir sur les parties préhensibles. A l’avant du capot est gravée en rouge l’inscription « Iskra » en cyrillique, rappel du journal « L’étincelle » créé par Lénine en 1900.
cliché M.Pourny
En regardant l’appareil de face, 2 fenêtres carrées indiquent la présence d’un télémètre d’une base de 55mm garante d’une bonne précision lors de la mise au point. Le viseur par contre n’indique pas clairement le champ photographié, handicap certain lors de la prise de vue, surtout quand celle-ci doit être rapide. Les perfectionnistes pourront mettre à profit la griffe porte flash en y fixant un viseur amovible couvrant l’angle de champ de l’objectif de 75mm (viseur sportif ou optique à monter aussi sur les Fed ou Zorki).
A gauche de la griffe un petit bouton déverrouille la platine porte objectif. Plus à gauche sur la partie descendante du capot, le déclencheur sur lequel peut être vissé un déclencheur souple, la petite fenêtre du compteur de vues, enfin le gros bouton moleté pour l’entraînement du film surmonté d’une flèche indiquant le sens de rotation. L’avancement du film est automatique ce qui explique l’absence d’une fenêtre au milieu du dos, le compteur de vues suffit. A l’autre extrémité du capot un autre bouton moleté indique le type et la sensibilité du film engagé dans l’appareil. A l’arrière du capot sous la griffe porte flash est gravé le numéro de série de l’appareil surmonté du logo KMZ, figuré par un prisme optique.
cliché M.Pourny
Le dos est détachable. Les rails guide film sont de bonne dimension, la pellicule est parfaitement guidée entre quatre plots, le presse film à ressort solidaire du dos joue bien son rôle car de dimension confortable (65x67mm). La fenêtre de prise de vues produit 12 clichés de 56x56mm sur pellicule 120 (gros trou, énorme avantage: l’appareil est encore opérationnel aujourd’hui). Sous le boîtier, à chaque extrémité, les deux boutons servent à désengager ou à insérer les bobines, à gauche (en regardant vers l’avant) celle du film vierge, à droite celle du film exposé.
L’ouverture de la partie avant se fait sans difficulté, voir plus haut. Après plus d’un demi-siècle d’existence, le soufflet et les parties mécaniques sont en parfait état. Ouverture et fermeture se font en douceur. L’objectif est un Industar-58 de 75mm ouvert à 3,5. La mise au point est très douce, de l’infini à 1m. L’obturateur central synchronisé pour le flash permet toutes les vitesses de 1s au 1/500° plus la pose B. Les indices de lumination sont gravés en rouge sur la couronne commandant l’ouverture du diaphragme. En dégageant vers l’avant cette couronne, on la fait pivoter jusqu’à placer l’indice (déterminé par la sensibilité du film et l’éclairement du sujet) face à un minuscule point rouge visible sur la deuxième couronne (des vitesses). Une fois cette manœuvre terminée, les couples vitesse/diaphragme possibles sont fixés, pour une bonne exposition des clichés. Sur la monture où sont inscrites les distances en mètres figure une échelle de profondeur de champ.
Quand la photo est prise, on ferme l’abattant avant de glisser l’Etincelle dans un étui en cuir comme on savait encore les coudre à l’époque, un bel écrin pour une boîte à images qui m’a été offerte par mon neveu Bertrand et Laura. Encore merci !
§
18:16 Publié dans Photographie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : appareils soviétiques, iskra, folding 6x6
25/02/2017
Rêvons ensemble
Deux mille dix-sept. Rêvons un peu. On commence par donner du travail aux chômeurs longue durée, après tant d’années d’un travail souvent ingrat et peu récompensé, ils ont bien mérité de reprendre goût à la vie. Pour les jeunes ? Des études longues, enrichissantes, conclues par un diplôme un vrai, avec un emploi au bout, dans la recherche, allez, on va mettre la jeunesse du pays à la recherche, toutes les disciplines sont conviées, à commencer par la médecine, l’écologie, l’éducation des enfants, la conquête spatiale, la philosophie, la littérature et les mathématiques. J’oubliais l’essentiel : les beaux-arts. Voilà ce qui manque à nos jeunes : le sens du beau, de l’élégance, de la belle ouvrage. Qu’ils posent leur téléphone comme on pose une cigarette pour aller faire autre chose. Qu’ils aillent à l’essentiel, qu’ils creusent, qu’ils dressent, qu’ils sculptent, qu’ils peignent, qu’ils composent, qu’ils écrivent, qu’ils s’interrogent, qu’ils doutent, qu’ils pensent.
Rêvons un peu. Tout le monde mange à sa faim. Tous les petits enfants qui souffrent dans les hôpitaux sont entourés, choyés et guéris. Tous les enfants filles et garçons se rendent à l’école. Et puis…
…mais que se passe-t-il ? Toutes les télés du monde s’éteignent. Silence pesant dans les maisons. Mais une voix rassurante se fait entendre. Assis tranquillement dans tous les canapés du monde, un père et une mère appellent leurs petits enfants. Ceux-ci arrivent, mais pas tout de suite car ils sont désobéissants. Ils arrivent les petits, tout étonnés car c’est l’heure du match, et quand c’est le match, de papa dans la maison il ne reste que le corps. De maman, pendant le match, d’habitude on ne sait rien, en errance entre la cuisine, la lessive, les courses, le biberon du bébé, en tout cas une chose est certaine, elle n’est pas à la lecture, ni à l’écriture ni au piano. Donc on éteint les télés, on en finit avec ces nuisances qui nous séparent les uns les autres : écouteurs, téléphones, ordinateurs, moteurs, vaisselle, lessive et Pampers. Ils arrivent les petits, debout face aux parents assis tranquillement dans le canapé. On vous écoute les enfants. On vous écoute.
Des moments délicieux s’annoncent. Sur Internet, les sites antisémites, nazis et islamistes ont disparu. L’humanisme inexorablement tisse sa toile et se répand sur les ondes. On apprend que sur les sept continents (des approximations se glissent parfois dans les rêves) pas une seule personne, vous m’entendez, pas une seule personne n’est inquiétée pour ses idées politiques, philosophiques ou religieuses. Les chrétiens d’Orient se rendent à la messe en famille, saluant au passage les musulmans venus les acclamer. Sur les ondes courtes moyennes et longues les athées et libres penseurs s’expriment sans être censurés ni menacés par quiconque. Les personnes gays ou lesbiennes se promènent tranquillement dans les rues de La Havane et du Caire. En Perse un dictateur fou presse désespérément sur le bouton rouge qui doit déclencher l’offensive atomique, et rien ne se passe. L’annonce de son suicide est accueillie par un grand éclat de rire dans les rues, sur la place de la révolution, où sur un énorme bûcher constitué de cordes, de fouets, de matraques et de potences on brûle les livres sacrés et les journaux de la dictature. Des femmes s’amusent à se dévêtir et lancent leur tchador dans les flammes.
Les terroristes déposent les armes. Des partis hier encore ivres de conquête sur les terres et les âmes reconnaissent l’existence de l’état d’Israël. De l’autre côté la colonisation s’arrête. Un philosophe, là-haut dans les nuages –un philosophe, pas un dieu, car s’il y avait un dieu, il ne serait pas dans les nuages, et tous les problèmes seraient depuis longtemps résolus- un philosophe, là-haut dans les nuages se dit que la terre est à tout le monde, qu’il faut la partager. Dans les rêves il y a encore des philosophes.
Dans mon rêve tout ira bien pour les miens, mes petits enfants. Il y a vous aussi, à qui je souhaite que tout se passe comme dans un rêve, en famille, en santé, en joie de vivre, en bonheur.
§
13:46 Publié dans étrange | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : rêve, bonheur, 2017
20/02/2017
Nostalgie
Il m’arrive de ne pas savoir contenir ma colère. Est-ce l’âge ? Sont-ce les mœurs qui ont évolué, le comportement des gens que je ne supporte pas ? Il y a aussi la désillusion. Quand on a tant espéré, quand on a cru aux lendemains qui chantent, et qu’on voit ce qu’on voit, qu’on entend ce qu’on entend, il y a de quoi s’emparer de la bêche et aller cultiver son jardin. Le danger c’est la misanthropie. Ce n’est pas mon cas, il y a encore quelques personnes que j’aime, des gens qui n’ont pas changé, c’est bien de ne pas changer quand tout est perpétuellement en mouvement, provisoire, périssable, jetable, à l’exception des préjugés et des dogmes qui malheureusement ne sont ni en mouvement ni périssables.
Croire, espérer, c’était se battre, non pour détruire ni faire souffrir, mais pour construire un monde pour l’homme. Un monde pour la femme. C’était combattre l’inégalité, l’exploitation, la colonisation, la guerre. Y a-t-il eu un jour un plus beau combat ? On allait changer la vie, transformer le monde. On peut toujours nous reprocher d’avoir rêvé, pire : d’avoir trop lu, d’avoir trop cru, et surtout d’avoir encensé des modèles qui, avec recul, n’était pas si respectables. On peut reprocher beaucoup de choses aux personnes qui agissent, car souvent elles sont emportées et espèrent soulever des montagnes. J’en vois qui regardent les rêveurs en souriant, qui n’ont pas bougé, pas levé un doigt quand il fallait agir, au risque de se tromper. Quand l’esprit n’est mobilisé que pour faire carrière, pour préserver sa tranquillité et assurer ses arrières, il a peu de chance de se tromper. Les sages ne se trompent pas et regardent ceux qui s’indignent et se battent comme des Don Quichotte ridicules. Si dans l’histoire ces personnes très raisonnables avaient décidé du sort de l’humanité, aujourd’hui les enfants à quatre pattes dans les galeries de mines pourraient tout juste manger à leur faim, juste assez pour continuer d’engraisser des charbonniers raisonnables.
Je n’ai pas honte de dire que j’ai cru au socialisme. Le 12 avril 1961 je n’ai pas boudé mon plaisir quand j’ai appris que le premier homme propulsé dans l’espace était un soviétique. J’ai suivi le déroulement du XXII° congrès du PCUS en espérant que le stalinisme serait condamné. Il ne le fut pas. J’ai encore fermé les yeux quand dans la guerre sino-indienne, les soviétiques livrèrent des armes à l’Inde. Je me suis alors tourné vers le trotskisme, en occultant l’écrasement du soulèvement de Kronstadt, il fallait bien de temps à autre sacrifier quelques humains quand l’objectif était si haut, si extraordinaire. En août 68 les trotskistes étaient du bon côté quand ils soutinrent le printemps de Prague et condamnèrent l’intervention soviétique. Ensuite, j’ai vu comment fonctionnaient les organisations anti-staliniennes, et peu à peu elles m’apparurent peu différentes de celles qu’elles combattaient. Esprit de secte, d’appareil, de caste, intolérance. Condescendance aussi du marxiste qui sait tout, qui voit et comprend tout vis-à-vis du peuple aliéné, ignorant. Si vous n’êtes pas marxiste, c’est que vous ne l’êtes pas encore… ou alors, c’est l’option de tous les dangers, c’est que vous êtes passé du côté de l’ordre bourgeois. Moi, cela fait longtemps que je suis passé de ce côté-là. L’ordre bourgeois est ce qu’il est, mais qu’on me montre où et quand dans le monde une alternative plus heureuse s’est présentée.
Je ne renie pas mon passé, mais je ne regrette pas d’avoir ouvert mon bec quand se taire aurait été indigne d’un étudiant ayant appris tant de choses. Le siècle dernier fut terrible. Il aurait pu être différent, si l’attentat de Sarajevo n’avait pas eu lieu, si les pacifistes allemands et français avaient pris le dessus sur les va t’en guerre, si la chute du tsar avait laissé place à une démocratie en Russie, si si si … J’entends nos gens raisonnables me dire qu’on ne refait pas… blablabla. C’est peut-être aussi qu’il y eut dans ce passé trop de gens raisonnables.
Quand je vois à la porte des usines tant de savoir faire perdu, tant de drames, d’injustice, quand j’entends des âneries du genre il faut produire français, que c’est la faute des étrangers, quand je vois des femmes qui se cachent par respect pour un dieu qui n’est jamais là quand on a besoin de lui, comme vous certainement, je serre les poings. Je ne cours plus camarade, le vieux monde est toujours là, et bien là.
On s’occupe un peu de soi, c’est le temps de la retraite, place aux jeunes. Mon plaisir c’est la photographie. Je suis amoureux des belles mécaniques, du film et du papier argentique. J’avais réservé un blog –celui-ci- à des billets d’humeur, et un autre pour la présentation de ma collection d’appareils photographiques. Comme si les deux domaines étaient séparés. Erreur. Quand on en a assez de désespérer de tout, il reste ces belles choses, merveilles de la technique qui sont passées dans les mains des plus grands artistes, pour la beauté d’un paysage d’Ansel Adams, le modelé d’une nature morte de Weston, merveilles sans lesquelles on ne pourrait montrer à nos petits enfants le visage d’Anne Frank.
§
09:41 Publié dans libre pensée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : engagement, injustice, retrait