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11/05/2017

Les anciens et les modernes


 Je suis toujours étonné de voir les brocantes et vide greniers attirer autant de monde. Les choses qui nous restent du passé s’arrachent parfois à prix d’or. Un téléphone à manivelle d’avant-guerre à l’aide duquel on ne pourra communiquer avec personne coûte aussi cher et même plus que le premier smart phone venu qui vous transmet à la vitesse de la lumière le résultat électoral dans un village perdu aux antipodes. Le dimanche dans ma rue c’est un défilé des plus belles limousines et de cabriolets de prestige des années cinquante et soixante ou même d’avant guerre. Oui vraiment, des sculptures d’automobiles comme on n’en fait plus, quand au son des moteurs, qui n’a pas été sensible au ronronnement du V8 d’une Mustang ou d’une Simca Versailles ? On collectionne tout, des timbres poste et des pièces de monnaie jusqu’aux capsules – french touch oblige- et étiquettes de bouteilles, jusqu’aux boîtes de Camembert.

 Pourquoi ? Parce que ces choses nous rappellent le temps d’avant, un temps que nous regrettons ? Certainement pas quand on sait ce qu’ont vécu les plus âgés d’entre nous, ce qu’ont souffert nos parents. Alors ? Mystère, un de plus. A moins que ces choses nous ramènent à un passé reconstruit, modelé, peaufiné, revisité, un passé heureux dans l’ensemble simplement parce que c’est celui de notre jeunesse. Et la jeunesse, même en guerre, c’est encore la jeunesse. Et si les choses d’avant sont celles qui furent manipulées, conduites, usées par nos parents et nos grands parents, c’est bien nos tendres années qu’elles nous rappellent sur cet étalage hétéroclite qui fait dire à ces personnes : « Dis, ça ne te dis rien...? Maman les rangeait dans le placard de cuisine, on en avait huit et on s’en servait tous les jours ! »

 Pour en finir avec l’idée que c’était mieux avant, reconnaissons que ces choses ne sont aujourd’hui d’aucune utilité. Les belles automobiles du siècle dernier polluent énormément, sont peu confortables et dangereuses, sans ceintures de sécurité, sans renforts latéraux ni airbags, quand aux freins à tambours… Les beaux porte-plume ou stylographes ne sont trempés dans l’encre que pour épater nos petits enfants qui bientôt ne s’adresseront plus à leurs grands parents que par sms ou webcam. Le moulin à café accroché au mur restera un nid à poussière avant son retour peu glorieux en brocante, détrôné par ces bons grains moulus au bout du monde, qui gardent leur arôme en sachet sous vide.

 Aujourd’hui tout n’est pas toujours très beau, mais c’est efficace. Regardez la virtuosité avec laquelle des terroristes préparent et organisent un attentat à cinq mille kilomètres de distance, à l’aide d’un instrument ridicule de huit centimètres sur dix, épais comme un jeu de trente deux cartes. Une bombe peut être télécommandée et dirigée avec précision sur un objectif sans sacrifier la vie d’un pilote. La vie d’un garçon ou d’une fille peut être ruinée ou détruite par des messages anonymes et incontrôlables répandus sur Internet. L’informatique permet aujourd’hui à des milliers de corbeaux de nuire en restant impunis.

 Efficacité oui. Je vais prendre un exemple au hasard. Tenez : la photographie. Avant on pouvait mitrailler, mais Monsieur Kodak vendait le film très cher. Alors on s’appliquait, on se déplaçait, on composait, on cadrait, on mettait au point. Les plus perfectionnistes d’entre nous évaluaient la profondeur du champ de netteté, afin de mettre en valeur le sujet en rendant flou l’arrière plan, ou le contraire : en diminuant l’ouverture, paysage, groupe ou monument devenaient parfaitement nets de trois mètres à l’infini. Ensuite, il fallait travailler encore et encore, développer le film, tirer, agrandir sur papier enduit de bromure d’argent dans la semi obscurité. La feuille qui en sortait humide s’appelait une épreuve. Elle portait bien son nom. Le photographe fatigué et inquiet ouvrait le rideau. Inquiet comme on l’est quand on est responsable de tout. De n’avoir pas choisi le bon papier, la bonne gradation, d’avoir mal cadré sous l’agrandisseur, de n’avoir pas développé à fond. En examinant l’épreuve à la lumière du jour, l’observant sous tous les angles, à force on ne sait plus. La tenant par un coin, on la montrait à d’autres dont il fallait se méfier car pour les amis tout est toujours réussi. Comme la réussite vient rarement du premier coup, on se remettait à l’ouvrage, et un jour, satisfait, oubliant tout le reste, on montait l’épreuve, on l’encadrait. Comme il y a loin de la réussite au succès, on était blessé quand le monde passait à côté sans la regarder. Ou pire sans la voir. Que c’était dur ! Autant que jouer de la musique sans être écouté. Qu’écrire sans être lu. Que parler sans être entendu.

 Heureusement le progrès technologique a mis fin à ces turpitudes. Pour ne pas en louper une, on clique dix fois sur téléphone portable, et hop dans la poche. Le résultat on le montre aux amis entre fromage et dessert, en promenant un doigt bien gras sur un écran de cinq centimètres.

 C’est comme l’orthographe. Etymologiquement : écrire bien. Peu importe aujourd’hui les fautes, les adjectifs non accordés, les verbes mal conjugués, les mots atrophiés, Peu importe, du moment qu’on se comprend. A se demander d’ailleurs pourquoi on continue à écrire, pourquoi pas communiquer par signes et se dire qu’on s’aime par vidéo conférence ?

 Comme il est dur à supporter ce sourire sympathique qu’on vous adresse quand vous dîtes simplement que vous pratiquez encore la photo argentique, et qu’en grammaire il y a des règles à respecter. 

 Alors si c’est vrai que les brocantes attirent beaucoup de monde, on ne peut pas en dire autant des belles choses que nous ont léguées nos parents : la langue française, le goût de la belle ouvrage, le sens de l’effort, la signature apposée au bas de ce qu’on a dit ou de ce qu’on a fait.

 

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04/05/2017

Le Saliut-S

 


 Cet appareil 6x6 reflex mono objectif a été fabriqué en URSS dans les années 70. Il produit 12 clichés carrés de 55mm de côté sur une pellicule 120 (bobine à « gros trou »). 

saliut,appareils russes,kiev cliché M.Pourny

 Le Saliut est une copie de l’appareil suédois Hasselblad, autant par son aspect que par la technique employée : magasins interchangeables, viseur de poitrine, armement et entraînement du film par bouton latéral (manivelle sur l’Hasselblad). Une différence cependant, et de taille : l’obturateur est focal, à rideau métallique, alors que le modèle scandinave est équipé d’objectifs à obturateur central, solution qui présente l’avantage de la synchronisation au flash à toutes les vitesses, ainsi que la fiabilité et la précision dans les vitesses lentes. L’obturateur à rideau du Saliut a lui un avantage : ses objectifs sans obturateur sont plus abordables, le photographe pourra s’équiper, outre le standard de 90mm et sans dépenser des fortunes, d’un grand angle Mir de 65mm et d’un Jupiter de 250mm.

 Avec objectif de 90 et magasin, l’ensemble mesure 176mm de long, 105mm de haut et 110mm de large. Aussi lourd qu’un Pentacon six, il tient mieux en main si on utilise le viseur de poitrine, alors que le Pentacon, par sa forme de « grand » 24x36 est plus pratique en utilisant un viseur à prisme (à hauteur d’œil). L’image qui apparaît sur le dépoli –inversée gauche droite- agrandie en son centre (si nécessaire) par une loupe escamotable, est fine et lumineuse à pleine ouverture (f :2,8). Le miroir n’étant pas à retour instantané, la visée n’est possible qu’une fois l’appareil armé. En regardant le Saliut muni du dos magasin sur son flanc droit et en bas, deux minuscules fenêtres blanches indiquent que l’appareil est armé, rouges qu’il a été déclenché. Toujours veiller à ce que la couleur côté boîtier soit la même que celle côté magasin, en particulier quand celui-ci nouvellement chargé est associé au boîtier !

saliut,appareils russes,kievcliché M.Pourny

 L’armement et l’avancement du film sont couplés quand le magasin (chargé) est en place et que le volet protecteur du film est ôté. Il faut un tour complet du gros bouton moleté à droite du boîtier pour cette opération qui est moins facile qu’à l’aide d’une manivelle. En tirant ce bouton latéral vers l’extérieur (2mm) on peut régler les vitesses d’obturation de la pose B jusqu’au 1/1000° de seconde. Mais ce réglage ne doit et ne peut d’ailleurs être fait qu’après avoir armé l’obturateur ! Le bruit au déclenchement est plus sec que celui du Pentacon six, mais beaucoup plus discret que celui d’un appareil à retour instantané du miroir (type Pentax 6x7).

 La bague des diaphragmes du Vega-12B de 2,8 :90mm est crantée à chaque division de 2,8 à 22. Celle de mise au point est très douce et sans aucun jeu. La prise de vue est possible jusqu’à une distance de 60cm pour un champ photographié de 20cm de côté, à la limite de la macrophotographie sans bague ni soufflet ni optique spéciale ! L’appareil est dépourvu de testeur de profondeur de champ, mais une échelle est gravée sur l’objectif. Le diaphragme se règle automatiquement à l’ouverture sélectionnée au moment du déclenchement.

saliut,appareils russes,kievcliché M.Pourny

 Pour retirer ou changer le magasin un bouton poussoir situé sur celui-ci permet de le désengager par le haut avant de le séparer de deux crochets qui le retiennent à la base. Penser à insérer le volet avant cette manipulation, au risque de voiler le film. Ce volet doit être mis en place en prenant garde que le repli de tôle qui maintient la poignée soit présenté vers l’avant (au risque de ne pouvoir séparer le porte bobine du magasin. On peut voir à l’arrière du boîtier en haut à droite la roue dentée qui, au moment de l’armement, commande une autre roue solidaire du dos pour l’avancement simultané du film. Pour ôter le porte bobine du magasin, une clé placée sur le côté gauche -en regardant vers l’avant- doit être tournée d’un quart de tour. De l’autre côté du dos une clé « papillon » gravée de deux flèches indiquant le bon sens de rotation sert à avancer le film pendant le chargement et à positionner le compteur de vue sur « 1 » avant le premier cliché.

 A l’arrière du magasin un disque mémorise la sensibilité du film de 8 à 650 iso. On peut ouvrir cette fenêtre pour amener la pellicule sur le chiffre « 1 », et seulement pour cela car le film ensuite est avancé automatiquement d’une vue à chaque armement, le contrôle du défilement pouvant être fait dans la petite fenêtre du compteur située à l’arrière droit du dos.

 Le viseur est interchangeable, mais il ne peut être remplacé qu’une fois le dos magasin ôté ! Le changement d’objectif se fait en actionnant un bouton poussoir sur la face de l’appareil du côté opposé au déclencheur. On peut alors ôter l’objectif par une rotation inverse à celle des aiguilles d’une montre. Eviter de dévisser partiellement l’objectif : il faut le séparer complètement du boîtier avant de le remettre en place, sinon la commande de fermeture du diaphragme ne serait pas réinitialisée, et le mécanisme de l’obturateur ne fonctionnerait pas.

saliut,appareils russes,kievcliché M.Pourny

 Pour ce qui est du chargement et du déchargement du film, une procédure qu’il faut envisager avec mille précautions, je vous renvoie à "www.thydelor.eu" Le site des Amoureux de la Photographie et des Appareils photographiques.

 Le Saliut se range dans une mallette en cuir rigide qui le protège, muni de l’objectif et du dos magasin, d’un magasin supplémentaire et de quelques pellicules. Un petit coucou à... voilà que j'ai rangé la mallette sans avoir mis le capuchon sur l'objectif, voilà! Oui je disais... un petit coucou à Patricia et Jean-Luc pour qui la recherche de ce joyau n'a pas été facile et encore merci!

 

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27/04/2017

Iskra « Etincelle »

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cliché M.Pourny


 38722 exemplaires de ce folding 6x6 furent fabriqués entre 1960 et 1963 dans l’usine mécanique de Krasnogorsk (KMZ) près de Moscou (source : Jean Loup Princelle : The authentic guide to russian and soviet cameras).

 Compact par définition puisque pliant, son épaisseur est de 97mm ouvert et 47mm fermé, pour 153mm en long et 108mm en hauteur. Le boîtier est entièrement métallique, recouvert de skaï noir sur les parties préhensibles. A l’avant du capot est gravée en rouge l’inscription « Iskra » en cyrillique, rappel du journal « L’étincelle » créé par Lénine en 1900.

 

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cliché M.Pourny

 En regardant l’appareil de face, 2 fenêtres carrées indiquent la présence d’un télémètre d’une base de 55mm garante d’une bonne précision lors de la mise au point. Le viseur par contre n’indique pas clairement le champ photographié, handicap certain lors de la prise de vue, surtout quand celle-ci doit être rapide. Les perfectionnistes pourront mettre à profit la griffe porte flash en y fixant un viseur amovible couvrant l’angle de champ de l’objectif de 75mm (viseur sportif ou optique à monter aussi sur les Fed ou Zorki).

 A gauche de la griffe un petit bouton déverrouille la platine porte objectif. Plus à gauche sur la partie descendante du capot, le déclencheur sur lequel peut être vissé un déclencheur souple, la petite fenêtre du compteur de vues, enfin le gros bouton moleté pour l’entraînement du film surmonté d’une flèche indiquant le sens de rotation. L’avancement du film est automatique ce qui explique l’absence d’une fenêtre au milieu du dos, le compteur de vues suffit. A l’autre extrémité du capot un autre bouton moleté indique le type et la sensibilité du film engagé dans l’appareil. A l’arrière du capot sous la griffe porte flash est gravé le numéro de série de l’appareil surmonté du logo KMZ, figuré par un prisme optique.

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cliché M.Pourny

 Le dos est détachable. Les rails guide film sont de bonne dimension, la pellicule est parfaitement guidée entre quatre plots, le presse film à ressort solidaire du dos joue bien son rôle car de dimension confortable (65x67mm). La fenêtre de prise de vues produit 12 clichés de 56x56mm sur pellicule 120 (gros trou, énorme avantage: l’appareil est encore opérationnel aujourd’hui). Sous le boîtier, à chaque extrémité, les deux boutons servent à désengager ou à insérer les bobines, à gauche (en regardant vers l’avant) celle du film vierge, à droite celle du film exposé.

 L’ouverture de la partie avant se fait sans difficulté, voir plus haut. Après plus d’un demi-siècle d’existence, le soufflet et les parties mécaniques sont en parfait état. Ouverture et fermeture se font en douceur. L’objectif est un Industar-58 de 75mm ouvert à 3,5. La mise au point est très douce, de l’infini à 1m. L’obturateur central synchronisé pour le flash permet toutes les vitesses de 1s au 1/500° plus la pose B. Les indices de lumination sont gravés en rouge sur la couronne commandant l’ouverture du diaphragme. En dégageant vers l’avant cette couronne, on la fait pivoter jusqu’à placer l’indice (déterminé par la sensibilité du film et l’éclairement du sujet) face à un minuscule point rouge visible sur la deuxième couronne (des vitesses). Une fois cette manœuvre terminée, les couples vitesse/diaphragme possibles sont fixés, pour une bonne exposition des clichés. Sur la monture où sont inscrites les distances en mètres figure une échelle de profondeur de champ.

 Quand la photo est prise, on ferme l’abattant avant de glisser l’Etincelle dans un étui en cuir comme on savait encore les coudre à l’époque, un bel écrin pour une boîte à images qui m’a été offerte par mon neveu Bertrand et Laura. Encore merci !

 

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