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17/11/2018

Aujourd’hui tout est difficile

 

 

 

Difficile de mettre en place des barrages à cause des forces de l’ordre.

Difficile d’atteindre l’autoroute, mais que fait donc la police ?

Difficile de ne pas s’énerver.

Difficile de se faire entendre.

Difficile de prendre le volant.

Difficile de ne pas le prendre.

Difficile d’entendre des alertes sur des catastrophes qui n’auront lieu que dans longtemps.

Difficile d’entendre les plaintes de la province quand on a le métro, le bus, un lieu de travail à cent mètres ou pas de lieu de travail du tout.

Difficile de payer un euro soixante le litre de carburant.

Difficile de se passer d’un home cinéma, d’ipades, de tablettes, de jantes en alu, de véhicules 4x4 et d’autres objets de première nécessité.

Difficile de diminuer les taxes.

Difficile de diminuer les dépenses publiques.

Difficile d’éviter le blocage du pays si c’est pour provoquer des grèves contre la diminution du nombre de fonctionnaires.

Difficile de gouverner un pays où tout est difficile.


§

05/11/2018

Eve

 


 L’haleine divine planait sur les faces des eaux. L’Eternelle dit :

- Que la terre produise des êtres animés selon leurs espèces !

Et cela s’accomplit. L’Eternelle forma les bêtes sauvages selon leurs espèces, de même les animaux qui paissent, de même ceux qui rampent sur le sol selon leurs espèces. Et Elle considéra que c’était bien. L’Eternelle dit :

- Faisons la femme à notre image, à notre ressemblance, et qu’elle domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail; enfin sur toute la terre et sur tous les êtres qui s’y meuvent.

L’Eternelle créa la femme à son image ; c’est à l’image de l’Eternelle qu’elle la créa. Femelle et mâle furent créés à la fois. Elle les bénit en leur disant :

- Croissez et multipliez ! Remplissez la terre et soumettez-la ! 

L’Eternelle examina tout ce qu’Elle avait fait : c’était bien. Et Elle se reposa. Le soir se fit, puis le matin.

L’Eternelle façonna la femme –poussière détachée du sol- fit pénétrer dans ses narines un souffle de vie et la femme devint un être vivant. L’Eternelle planta un jardin en Eden, vers l’orient, et y plaça la femme qu’Elle avait façonnée. Elle fit surgir du sol toute espèce d’arbres, beaux à voir et propres à la nourriture ; et l’arbre de la science du bien et du mal au milieu du jardin. Un fleuve sortait d’Eden pour arroser le jardin. L’Eternelle prit donc la femme pour le cultiver et le soigner. L’Eternelle donna un ordre à la femme en disant :

- Tous les arbres du jardin, tu peux t’en nourrir ; mais l’arbre de la science du bien et du mal, tu n’en mangeras point : car du jour où tu en mangeras, tu dois mourir ! 

L’Eternelle dit :

- Il n’est pas bon que la femme soit seule ; Je lui ferai un aide digne d’elle. 

L’Eternelle fit peser une torpeur sur la femme, qui s’endormit ; Elle prit une de ses côtes, et forma un tissu de chair à la place. Elle organisa en un homme la côte qu’Elle avait prise à la femme, et Elle le présenta à la femme. Et la femme dit :

- Celui-ci, pour le coup, c’est l’os de mes os et la chair de ma chair : celui-ci sera nommé ich, parce qu’il a été pris de icha (1).

Or, ils étaient tous deux nus, la femme et son homme, et ils n’en éprouvaient point de honte.

Mais le serpent était rusé. Il dit à l’homme :

- Est-il vrai que l’Eternelle a dit : vous ne mangerez rien de tous les arbres du jardin ?

L’homme répondit au serpent :

- Les fruits des arbres du jardin nous pouvons en manger ; mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, l’Eternelle a dit : « Tu n’en mangeras point : car du jour où tu en mangeras, tu dois mourir ! »

Le serpent dit à l’homme :

- Non, vous ne mourrez point : mais l’Eternelle sait que, du jour où vous en mangerez, vos yeux seront dessillés, et vous serez comme l’Eternelle, connaissant le bien et le mal.

L’homme jugea que l’arbre était bon comme nourriture, qu’il était attrayant à la vue et précieux pour l’intelligence ; il cueillit de son fruit et en mangea, puis en donna à sa femme, et elle en mangea. Leurs yeux à tous deux se dessillèrent, et ils connurent qu’ils étaient nus. Ils cousirent des feuilles de figuier et s’en firent des ceintures. Alors ils entendirent la voix de l’Eternelle, parcourant le jardin du côté d’où vient le jour. La femme et son compagnon se cachèrent de la face de l’Eternelle, parmi les arbres du jardin. L’Eternelle appela la femme et lui dit :

- Où es-tu ?

Elle répondit :

- J’ai entendu ta voix dans le jardin ; j’ai eu peur, parce que je suis nue, et je me suis cachée.

Alors Elle dit :

- Qui t’a appris que tu étais nue ? Cet arbre dont je t’avais défendu de manger, tu en as donc mangé ?

La femme répondit :

- L’homme -que tu m’as associé- c’est lui qui m’a donné du fruit de l’arbre, et j’ai mangé.

L’Eternelle dit à l’homme :

- Pourquoi as-tu fait cela ?

L’homme répondit :

- Le serpent m’a entraîné et j’ai mangé.

L’Eternelle dit au serpent :

- Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux et entre toutes les créatures terrestres : tu te traîneras sur le ventre, et tu te nourriras de poussière tous les jours de ta vie. Je ferai régner la haine entre toi et l’homme, entre ta postérité et la sienne : celui-ci te visera à la tête, et toi, tu l’attaqueras au talon.

A la femme Elle dit :

- Puisque tu as cédé à la voix de ton époux, et que tu as mangé du fruit de l’arbre dont je t’avais enjoint de ne pas manger, j’aggraverai tes labeurs et ta grossesse ; tu enfanteras avec douleur.

A l’homme Elle dit :

- Maudite est la terre à cause de toi, c’est avec effort que tu en tireras ta nourriture, tant que tu vivras. C’est à la sueur de ton front que tu mangeras du pain. La passion t’attirera vers ton épouse, et elle te dominera.


(1) icha : hommesse, d’où ich : homme

15/10/2018

Y’a pas d’souci

 


 Un philosophe nous dit que l’homme vit dans le projet. Il n’y a rien de plus vrai. Et ce n’est pas toujours pour notre bonheur. Certes il nous arrive dix fois, cent fois dans une vie d’attendre un heureux événement, de croire en la réussite de ceux qu’on aime, de voir les hommes faire la paix, bref d’envisager l’avenir avec enthousiasme. Mais ce qui nous mine, ce sont mille soucis qui nous accablent et troublent notre sommeil. Il y en a de terribles et je n’ai pas aujourd’hui le cœur d’en parler. Et tous les autres. Minuscules, insignifiants. Me rendre avant mercredi au laboratoire d’analyses car le médecin attend les résultats pour vendredi, mais la voiture est au garage car la pièce commandée n’est toujours pas disponible et aller en ville en vélo je ne pourrais le faire qu’en danseuse à cause de cette fracture du coccyx qui ne se remet pas, quand à demander l’aide du voisin, je l’ai déjà trop fait, il a lui-même ses petits soucis, je ne veux pas lui en ajouter. Une nuit blanche entière à me demander comment je vais m’en sortir. Pauvre de moi ! Si je prenais seulement conscience que tout cela n’est rien !

 Il faudra qu’un jour une personne qui m’est chère m’apprenne qu’elle n’a plus que quelques mois à vivre pour que mon laboratoire, mes analyses, ma voiture en panne, mon coccyx et la gêne que j’éprouve à déranger mon voisin, toutes ces choses s’évanouissent pour réaliser enfin que les moments que je vis sont ceux d’un homme heureux. Faut-il ainsi connaître le malheur des autres pour que j’oublie le mien ?

 Ou vivre comme un animal. Manger, dormir, procréer, mourir sans le savoir. Impossible bien sûr dans la société humaine qui m’attend au tournant, travail, sécu, impôts, obligations, réglementations, « vivre ensemble », éducation des enfants, éloignement du laboratoire d’analyses, pharmacopée pour calmer la douleur au coccyx et j’en passe. Il y a peut-être une solution. Si la recette du bonheur consiste à faire le vide dans sa tête, plutôt que de garnir le compte en banque des marchands de techniques et de produits relaxants, à partir de maintenant je note toutes les obligations et ennuis à venir sur un agenda. Pour libérer mon esprit et faire tourner en moi tous les moulins de l’espoir (1).

 

§


(1) en remerciement au compositeur Michel Legrand dont la passion amoureuse fait tourner « tous les moulins de son cœur ».