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31/10/2019

Des « sorties » ?

 

 

 Ce qu’on appelle généralement des sorties scolaires ne sont pas des moments de détente pour les enfants. D’ailleurs il ne s’agit alors pas d’enfants, mais d’élèves. Des professeurs souhaitent dans le cours de l’année sortir ces derniers de la salle de classe, pour les confronter à une réalité, un événement, une exposition, une représentation à même de compléter ou d’illustrer leur enseignement. Ces « sorties » sont donc pédagogiques.

 Un élève de sixième qui se rend au Louvre avec sa classe et son professeur d’arts plastiques reste absolument dans le cadre scolaire, car la présentation des œuvres commentées par une conférencière en présence de son professeur est une façon de l’initier aux beaux arts.

 Un élève de troisième qui se rend à Drancy avec sa classe et son professeur d’histoire est confronté à une réalité dont les meilleurs manuels scolaires ne peuvent rendre compte, il visitera le wagon musée et comprendra mieux ce que le professeur disait en parlant du nazisme, de l’antisémitisme et de la déportation de milliers d’innocents.

 La représentation d’une pièce de théâtre par des acteurs professionnels, qu’on a étudiée et parfois même jouée en partie dans la classe est aussi une belle initiation à la littérature et à l’art oratoire.

 N’est-ce pas aussi une activité pédagogique cette visite d’une fabrique, d’une usine ou de l’atelier d’un artisan, organisée par l’établissement, en troisième ou au lycée ? Car le but ultime de l’éducation nationale est de préparer la jeunesse à quitter un jour l’école dans les meilleures conditions, en les aidant au plus tôt à penser leur avenir.

 Il y a aussi les voyages à l’étranger, la confrontation avec d’autres cultures en rapport avec les langues étudiées, voyages interdits à beaucoup pour des raisons financières, que sans l’école beaucoup d’enfants ne feraient jamais.

 La détente, le loisir ne sont certes pas à exclure. Pour cela il y a les pauses, la « récréation », éventuellement une sortie en fin d’année ou à Noël, simplement pour marquer le coup, mais il faut abandonner l’idée que l’école s’arrête au portail du lycée ou du collège. Le théâtre, le musée, une exposition artistique ou scientifique, assister au travail d’un ouvrier ou d’un artisan sont des activités bien scolaires, pédagogiques.

 On peut être à mille kilomètres de son collège ou de son lycée…et être encore à l’école.

 Au Louvre, à Drancy, à l’usine, au théâtre, au Royaume uni ou en Allemagne, les enfants que nous accompagnons sont encore des élèves, sous l’autorité de pédagogues.

 En réalité, ces activités ne sont pas définies avec précision par le terme de « sorties » trop ambigu. Même si on les qualifie ainsi, les signes religieux n’y ont pas leur place, qu’ils soient portés par une enseignante, un enseignant ou par un accompagnateur, une accompagnatrice. C’est interdit par la loi.


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18/10/2019

Sur deux mots à la mode: crispation et stigmatisation

 

 

 Selon le Petit Robert, la crispation est « un mouvement d’agacement, d’impatience, d’irritation ». Tel qu’il est employé, « senti » par nos commentateurs radiophoniques, le mot a un sens différent et mérite qu’on s’y arrête. Crispé, crispation. J’écoutais un reportage sur les conditions de travail dans les entreprises, et plus précisément, comme rien n’est plus important aujourd’hui que le problème (il faut dire problématique...) religieux, celui des prières sur le lieu de travail. Bref, on prend son tapis, on s’installe quelque part en évitant un couloir pour ne gêner personne, on s’oriente vers La Mecque, et le tour est joué ? Oh que non ! Il y a des patrons pour qui religion et boulot sont incompatibles. La prière vous la faîtes chez vous, religion affaire privée et tout et tout. La commentatrice s’indigne, avec le sourire car nous sommes en radio publique où les pires méchancetés se disent la bouche en cul de poule : Oui, chers auditeurs, il y a encore des patrons qui restent crispés sur la vieille idée qu’ils se font de la laïcité.

 On voit que la crispation n’est pas réductible ici à un mouvement d’agacement, d’impatience, d’irritation. La journaliste ne s’adresse pas exclusivement aux patrons désignés. Elle vise plus loin, ceux pour qui la pratique de la religion est un droit inaliénable, à la condition qu’il n’empiète pas sur la vie des autres. En gros, les défenseurs ratatinés, recroquevillés, rabougris, racornis de la laïcité sont, comme des huîtres collées au rocher, accrochés, rivés, menottés, scotchés, attachés à des idées qui ont fait leur temps. Allez, vieux grognards de la république, circulez ! La modernité aujourd’hui, c’est d’accepter le fait religieux même si parfois quelques abus très minoritaires… Et voyez un peu la richesse que ces croyants venus d’ailleurs nous apportent, détendez-vous, pliez les genoux, faîtes semblant de croire comme disait George, et bientôt vous croirez.

 Mais surtout, il ne faut stigmatiser personne et surtout pas les religieux. C’est correct politiquement de condamner les sectes, sauf quand elles regroupent plusieurs millions de personnes sur le sol national. Elles deviennent alors tout à fait respectables. Et gare à celui qui leur refuserait le droit d’exister, de se manifester, de pavoiser, de recruter. De celui-ci, on dit qu’il stigmatise. En voilà un mot à la mode. De la stigmatisation, on ferait presque un délit, une attitude proche du racisme, consistant à désigner à la vindicte publique une catégorie d’individus. On a vu de tels monstres au siècle passé, qui étaient fort navrés que l’apparence de ceux qu’ils voulaient anéantir ne se distingue pas de celle du commun des mortels. Ils leur faisaient alors porter un signe distinctif afin que chacun puisse les reconnaître, le signe devenant à son tour celui d’une culpabilité. Honteuse stigmatisation qui eut comme conséquence le pire des crimes contre l’humanité.

 J’ai l’impression que ceux qu’on stigmatise aujourd’hui ne sont pas ceux qu’on croit. Il est de plus en plus correct politiquement d’assimiler les libres penseurs aux identitaires racistes de l’extrême droite. Qui veut noyer son chien…

 Pour les démocrates que nous sommes, l’amalgame est insupportable. Et puis les islamistes dans leur accoutrement n’ont pas besoin qu’on les stigmatise, ils le font tout seuls.


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05/10/2019

Regrets

 

 

 On nous dit, sondage à l’appui que 80% des français sont profondément touchés par la disparition de Jacques Chirac.

 Tant de gens seraient donc profondément attachés à la personne de l’ancien président ? A la façon dont il dirigeait la France ? N'y aurait-il pas dans cette sympathie affichée pour l’ancien premier magistrat la volonté de montrer une aversion pour le nouveau ? Une béance comparable à celle qui séparait l’Empereur, le Grand, le Conquérant…de Napoléon le petit. Mais d’autres nous disent que celui que l’on pleure n’avait rien fait d’exceptionnel, alors que l’autre, réformateur et apôtre du renouveau est montré par les rues sur des portraits qu’on tient à l’envers, vilipendé par des foules grimées en jaune et accusé de s’en prendre à tout ce que l’histoire passée avait fait de bien.

 J’en tire un premier enseignement : même si cela ne sert pas l’avenir de la nation, ne rien tenter en se contentant de maintenir les choses en l’état peut conduire au prix de quelques poignées de mains et de verres de bon vin, à la popularité. Faut-il qu’ils ne soient plus au pouvoir pour qu’enfin les présidents soient aimés ? Condition nécessaire mais non suffisante, d’autres que Jacques Chirac ne figureront pas dans les manuels d’histoire. Mais aujourd’hui que des décisions –lourdes car trop tardives- soulèvent la désapprobation de millions de gens, l’exercice du pouvoir n’est pas le meilleur moyen de séduire le peuple.

 Mais si la disparition d’un homme qui a présidé à la destinée du pays il y a douze ans –douze ans aujourd’hui c’est une éternité- si son absence nous fait tant de peine, au-delà de la personne n’est-ce pas une époque que l’on regrette, quand on était plus jeune et que ce sont surtout les bons souvenirs qui nous reviennent ?

 On nous avait dit et répété : ce n’était pas mieux avant ! Les philosophes s’y étaient mis aussi, nous énumérant toutes les catastrophes qui s’abattirent sur nos parents et grands parents, les guerres et les fascismes toutes catégories confondues, et puis tout d’un coup voilà qu’un homme qui a présidé à la destinée du pays pendant douze ans disparaît. Et les médias, confortés par le sondage, nous disent qu’en réalité, au-delà de l’homme, c’est une époque que 80% des français regrettent. L’idée selon laquelle c’est mieux aujourd’hui en prend un coup.

 Que cela ne nous empêche pas de rendre un hommage particulier aux hommes qui le méritent, et d’abord à Jacques Chirac pour son courage quand pour la première fois depuis la guerre et l’occupation on entendit ces mots :

 "Transmettre la mémoire du peuple juif, des souffrances et des camps. Témoigner encore et encore. Reconnaître les fautes du passé, et les fautes commises par l’État. Ne rien occulter des heures sombres de notre Histoire, c’est tout simplement défendre une idée de l’Homme, de sa liberté et de sa dignité. C’est lutter contre les forces obscures, sans cesse à l’œuvre. Cet incessant combat est le mien autant qu’il est le vôtre."

 Discours prononcé lors des commémorations de la Rafle du Vel’d’Hiv’ — 16 juillet 1995


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