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12/09/2018

Anonymat

 


 Un président est gravement mis en cause par une personne qui ne dit pas son nom. Un minimum de jugement aurait permis à l’élu attaqué de déclarer devant toute la presse qu’il ne s’était rien passé puisque de l’inexistence de quelqu’un on ne peut tirer quelque discours que ce soit.

 L’événement serait insignifiant si la société dans laquelle nous vivons n’était pas peuplée de personnes qui n’ont ni nom ni adresse et qui pourtant laissent des traces partout où elles passent, en particulier sur les réseaux appelés complaisamment « sociaux ». Du point de vue pratique, cette manière d’inexistence offre des avantages. On peut dire tout et son contraire, alimenter des rumeurs, harceler les gens sans défense, et même appeler au crime sans être inquiété ni même contredit. On peut déverser des flots de haine et dormir sur ses deux oreilles : le cauchemar est réservé aux victimes. Car la pire des offenses est celle diffusée dans le noir total, tellement invisible qu’on a l’impression qu’elle vient de partout.

 Puissance de l’invisible ! Voilà trois millénaires des hommes s’inclinèrent devant quelque chose qui échappait totalement à la connaissance sensible : inaudible, impalpable, inodore et invisible. Quelque chose qui était au-delà de tout : invariable et permanent alors que la lune et le soleil passaient et disparaissaient, invulnérable car intouchable contrairement aux idoles, statues qui n’avaient de consistance que celle de la terre ou du marbre. C’est son invisibilité qui fit de Dieu un être unique, universel. Et si la terre ou le marbre ont pu le représenter urbi et orbi, jusque dans les contrées les plus reculées de la planète, cela n’est dû qu’à la faiblesse humaine qui ne peut s’empêcher d’affubler d’une silhouette, d’un sexe et pourquoi pas d’une barbe l’Inconnaissable.

 Mais l’invisible accusateur du président ne sera jamais sculpté dans le marbre, on peut l’espérer.

 L’événement montre à quel point nos sociétés sont en proie à cette maladie : l’irresponsabilité. Un comportement qui contamine la classe politique jusqu’au plus haut sommet de la démocratie la plus puissante du monde. J’insiste sur « démocratie ». Car il y a des situations qui obligent des personnes courageuses à publier sous le manteau. Rappelez-vous le samizdat en Russie soviétique. Il en fallait du courage pour exprimer une opinion, même en cachette, en sachant qu’au bout il y avait le risque de la déportation ou d’une mort plus expéditive. C’est loin d’être le cas en Amérique.

 Mais voilà que nos journalistes relèvent d’abord ce qu’affirme l’accusation. Ils commentent à longueur de temps des propos qui n’ont aucune espèce d’importance puisqu’ils ne sont pas signés. Que vienne le temps où une femme ou un homme, devant les caméras ou par écrit à la une d’un grand quotidien, dira au président des Etats-Unis que le premier irresponsable du pays, c’est lui !

 Personne ne demande aux commentateurs de condamner l’anonymat, mais seulement de remettre une déclaration sans queue ni tête à sa place : aux annonces gratuites.


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27/04/2018

La sélection

 


 Du latin "legere" à l’origine: assembler des lettres, des syllabes et des mots par les yeux, puis assembler tout court, choisir. Exemple : les légumes sont des plantes cueillies (choisies). Du composé avec le préfixe sé- on accentue l’idée de choisir en séparant, d’où la sélection.

 Le mot convenait parfaitement à la théorie de Darwin car elle permettait d’expliquer qu’un choix s’opérait dans la nature et que parmi toutes les espèces subsistaient celles qui étaient les mieux adaptées aux changements des conditions d’existence.

 Il n’y a dans la théorie de l’évolution des espèces aucune idée qui en elle-même pourrait justifier racisme ou eugénisme. Il a fallu les théories racistes et le nazisme pour que le terme sélection prenne un sens absolument étranger aux sciences humaines. La sélection selon des critères idéologiques comme l’idée selon laquelle une race serait supérieure aux autres n’a rien à voir avec la sélection opérée par la nature, le climat, la chute des météorites, le volcanisme ou les tremblements de terre. S’il n’est pas détourné, le mot sélection n’a rien de condamnable ni de réactionnaire.

 Dans tous les domaines et à toutes les étapes de la vie une sélection s’opère entre les êtres humains que nous sommes. Une sélection naturelle dès la naissance pour cause de malformation ou de maladie, mortalité infantile qui va en diminuant grâce aux progrès de la médecine, mais très inégalement dans le monde. Quand vient le temps de l’apprentissage, les examens et concours se chargent d’établir un classement en fonction des compétences et des aptitudes de chacun. Sélectionner des élèves et des étudiants en fonction de leurs résultats scolaires revient à les classer selon les aptitudes et le travail fourni. Il n’y a ici rien d’injuste, rien d’inégalitaire.

 Injustifiable par contre serait de classer les étudiants en fonction de leur origine géographique ou sociale, pire selon leur origine ethnique. Procédés incompatibles avec les principes de la république. On a proposé aussi le tirage au sort, une idée tout à fait incongrue et peut-être la plus injuste de toutes, qui revient à donner une chance à quelqu’un qui ne le mérite pas et à fermer la porte à un autre qui s’est montré studieux et apte à poursuivre plus longtemps ses études. J’ai entendu aussi qu’on pourrait attribuer la moyenne à tout le monde, autrement dit supprimer bel et bien tout examen !

 Les personnes qui ont effectué de longs apprentissages, préparé des concours, subi des entretiens d’embauche et qui travaillent dans tous les secteurs public, privé, en entreprise ou en indépendant doivent se demander dans quel monde vivent les hurluberlus qui ont de telles idées en tête.

 

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post scriptum : proposer aux supporters de l’équipe de France de football que les 11 bleus qui participeront à la Coupe du monde cette année soient tirés au sort ! Je suis bien certain que dans mon quartier il y aurait deux ou trois candidats. Achat d’un ballon, un peu de jogging, quelques passes le soir en rentrant du boulot, et hop, direction le stade de France !

14/04/2018

Savoir

 

 

 Cinquante ans ont passé. Tout ce qui en deux mois avait été bousculé s’est remis en place : un ordre pépère ouvert à tous les égarements où se complaît l’esprit humain quand il dort.

 Mais tout le monde ne dort pas, malheureusement. Les événements du siècle passé nous ont appris que la liberté et la démocratie ne sont pas des acquis définitifs. Il faut le dire et le répéter dans les écoles et les familles. Car une arme nouvelle est à la disposition des forces obscures : les mal nommés « réseaux sociaux ». Ils n’ont rien de social et peuvent véhiculer les idées les plus dangereuses. Un piège tendu à une jeunesse perpétuellement distraite car scotchée sur trente millions d’écrans de toutes dimensions qui diffusent à tout moment tout et n’importe quoi.

 Il y a cinquante ans, tous les soirs à 20 heures la télévision publique nous bourrait le crâne. Aujourd’hui grâce au progrès technique, 24 heures sur 24 on nous apprend que la période des soldes commence demain à 9 heures, que la camarade de classe a un copain ou pire une copine, que la prof n’en a pas, que l’orthographe et la syntaxe n’ont aucune importance, que la terre est plate, que l’humanité est née il y a cinq mille ans, et tout cela en temps réel ce qui est fantastique.

 Ajoutez à cela l’anonymat qui permet la propagation des rumeurs. Impunément. Le pseudonyme est déjà un mensonge en lui-même, par omission. Qu’attendent les autorités pour l’interdire ?

 Elle est sans fondement cette idée que les nouveaux systèmes de communication parce qu’ils sont pratiques et rapides sont des moyens infaillibles de s’informer, d’apprendre, de se cultiver tout en rapprochant les individus. Comme si les connaissances pouvaient être livrées sur un plateau ! Si cela était vrai, l’école, le lycée et l’université n’auraient pas de raison d’être. L’acquisition de connaissances exige un effort, au minimum une participation. En appuyant sur un bouton on n’apprend rien. Apprendre, c’est donner de soi-même, chercher, poser des questions, mettre en doute, critiquer, refuser, nier. Prendre ses distances. Réfléchir.

 A l’inverse, on peut « avoir le réseau », la « 4G », un écran plus grand, être informé de partout, recevoir en direct des images des cosmonautes en suspension dans le vide intersidéral …et ne pas savoir qu’ici, dans cette maison, une enfant souffre en silence parce que des voyous font circuler sur Internet une image d’elle en tenue dépouillée, photo prise en cachette dans une cabine de douche lors d’une sortie en classe verte. On ne peut s’empêcher d’imaginer ce que feraient aujourd’hui un Hitler ou un Staline avec la fibre et les satellites.

 Outre le risque d’offrir une large audience à l’expression des plus bas instincts des individus, il y a l’illusion qu’on peut, en tapant un mot, tout savoir sur tout. Derrière une communication de façade, des sollicitations continuelles et des informations éparpillées, il faut craindre le pire : l’effacement d’une pensée intérieure, personnelle, originale.

 

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