29/03/2014
De l'usage de l'extrême droite dans le jeu politique
De Hayange à Béziers et de Kiev à Paris, les pro-, les crypto-, les néo- ont fait du fascisme une idée douce amère compatible avec la démocratie, c’est ce qu’ils disent. Plus encore, et là est le nouveau, ils se rendent utiles. Pas aux chômeurs ni aux gens dans le besoin. Non, aux politiciens qui jour après jour n’en peuvent plus de ne pas résoudre la crise. A ce jeu-là, les gauches sont passées maîtresses en la matière. J’inclus le père des peuples en Russie dont les provocations ont réussi à faire manifester des milliers de gens autour de la statue de Lénine. Comment cela aurait-il été possible sans la présence ostensible de bandes néo-nazies parmi les millions de manifestants de Kiev ? Regardez ! Leur dit-il, les voilà les compagnons des nationalistes ukrainiens ! Un argument –mais ce n’en est pas un - qui convainc ici ceux chez qui la Russie fait encore couler des larmes, quand elle fronce les yeux du côté du méchant occident capitaliste… comme si l’empire ne l’était pas devenu, capitaliste !
Chez nous, le rôle joué par l’extrême droite dans la vie politique, et les progrès de sa popularité se font en plusieurs étapes :
1/ La gauche au pouvoir, coupée du peuple pour lequel elle cache à peine son mépris, fait étalage de son incompétence, piétine toutes les promesses tenues tout en continuant à en faire, s’efforce de diviser le pays, en expulsant des personnes sans défense, en favorisant d’autres, puissants qui mettent en cause les principes de la république, fait son possible pour maintenir haut le degré de délinquance, pour l’élever si possible, en expliquant celle-ci par des raisons essentiellement économiques, donc en excluant qu’un homme est responsable de ce qu’il fait, en banalisant l’impunité même en cas de récidive, en présentant la police et les victimes comme des personnes racistes qui ne supportent pas les jeunes.
2/ L’extrême droite déclame ses propositions –qui sont toutes irrationnelles et seraient catastrophiques en cas de prise du pouvoir- mais qui sonnent juste et répondent mot pour mot aux préoccupations des gens qui n’en peuvent plus du chômage, de l’assistance aux paresseux, des atteintes à la laïcité, de la délinquance impunie, de l’Europe qui –croient-ils- pompe les richesses du pays, des affaires qui impliquent les membres des partis de pouvoir.
3/ L’extrême droite gagne des points aux élections, menaçant même les partis en place et la démocratie.
4/ La gauche, qui ne s’en sort pas avec la crise, le chômage et la désillusion de ceux qui ont cru en elle, la gauche sans argument car elle les a déjà tous consommés, la gauche n’a plus qu’une ressource : appeler au loup. Pour cela elle joue la vierge effarouchée. Halte au fascisme ! Françaises français, citoyens, peuple de gauche, peuple tout entier, unissons-nous pour arrêter cette vague nauséabonde qui rappelle tant de mauvais souvenirs et les heures les plus sombres de notre histoire ! Oh qu’ils sont beaux nos orateurs quand il s’agit pour eux, non de lutter contre le fascisme, mais de sauver leurs sièges. Vous savez que ça rapporte un siège de député, un fauteuil de sénateur !
enfin 5/ Les égarés de la gauche en perdition rentrent dans les rangs, on oublie tout, les salaires qui stagnent, les pactes avec les patrons, les CD qui n’en finissent pas d’être déterminés, oh bien sûr, ne rêvons pas, rien n’est plus comme avant, Jaurès et Lénine sont morts et bien morts, les deux ou trois pékins qui, de là-haut nous parlent du socialisme, on ne les entend plus, mais ça vaut mieux toutefois que la racaille xénophobe. Et c’est comme cela mon oncle, que le monde va, clopin-clopant, avec nous, sans nous. Sans nous, car comment pourrions-nous choisir entre l’extrême droite et ceux qui l’entretiennent ?
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26/02/2014
Coup d'état ? Non Sire, révolution !
Ukraine. Il y a des mots à souvenirs. Des mots qui sonnent, qui alertent. Mon père me disait que les Ukrainiens avaient accueilli l’armée allemande à bras ouverts. Qu’ils pratiquaient un antisémitisme actif. Il est vrai qu’à l’occasion d’une guerre on raconte beaucoup de choses. Après j’ai lu les récits des survivants des camps qui rappelaient la cruauté des kapos souvent ukrainiens. Bref, voilà matière à bien des préjugés, alimentés par le penchant qui est le nôtre et je ne suis pas le dernier à toujours faire des généralisations risquées.
La sortie du XX° siècle est difficile. Les idéologies totalitaires ont tendance à survivre aux régimes qu’elles ont façonnés, au moins dans l’esprit. Combien de fois n’entendons-nous pas : les allemands ceci, les italiens cela, les français aussi sont pris comme s’il n’y en avait qu’un multiplié par des millions. Il faut rompre avec cette idée dangereuse qu’un peuple est un être responsable, un corps unique capable de tout, du meilleur comme du pire. J’ai entendu qu’il n’est pas étonnant que les allemands aient suivi Hitler comme un seul homme. Quelle absurdité ! Parler ainsi, c’est ignorer ce que des millions de personnes ont enduré sous un régime qu’elles avaient, pour nombre d’entre elles, combattu avec courage. Pourrait-on aussi accuser les Russes d’avoir instaurer le système concentrationnaire en Sibérie, alors que nombre d’entre eux y sont morts ? Accuser les Français de collaborationnisme, alors qu’il y eut la résistance, les fusillés et les justes ?
L’Ukraine mot à souvenirs certes, mais la joie de ces gens qui chassent le chef d’un régime corrompu n’appelle aucune réserve sur la sincérité de leur combat. C’est une révolution. Son issue est incertaine. Mais quel bonheur de voir des gens jusque là méprisés prendre possession de leur pays. Avec dignité ils visitent la résidence du président déchu, en faisant attention, touchant avec les yeux comme disait ma grand-mère. Derniers vestiges du communisme, ces richesses qui reviendront au domaine public, sont celles qu’une caste ou quelques familles se sont attribuées, les prélevant sur les autres, c’est-à-dire sur quarante millions d’habitants. On avait vu la même chose en Roumanie et en Russie bien sûr. Mais aussi et j’en suis témoin dans l’ancienne Yougoslavie, dont on disait beaucoup de bien dans les milieux éclairés, que le communisme y était sympathique, à visage humain. Des amis m’avaient conduit aux abords de la résidence de Tito que je n’avais pas pu admirer tellement elle était loin de l’entrée du domaine, mais ce que j’avais remarqué c’était la qualité de la route, un macadam impeccable, alors qu’ailleurs, là où circulaient les gens… Lénine avait prédit l’instauration du communisme quand une cuisinière dirigerait le pays, c’était bien sûr une image. Ce sont les peuples qui ont été cuisinés.
Une chose m’étonne, pourquoi ce silence de cette partie de l’échiquier politique pourtant toujours à l’affût de tout ce qui de près ou de loin ressemble à une révolution ? Cela aussi rappelle des événements terribles, et des silences qui le furent encore plus, quand les troupes du pacte de Varsovie écrasèrent les révolutions dans les pays d’Europe de l’est, Allemagne orientale (1953) et Hongrie (1956). On nous disait, et pas seulement les communistes, que ce n’étaient que soulèvements contre-révolutionnaires fomentés par les ennemis du peuple. Le revoilà le « peuple », entité absolue œuvrant comme un seul homme à l’édification de la société future avec l’aide des chars des peuples frères. Et les honnêtes gens d’ici, pas forcément d’ailleurs dans les milieux intellectuels devaient se taire pour éviter d’être considérés comme des complices du diable américain. Si l’Ukraine s’extirpe difficilement du carcan communiste, ce pays ne l’est plus, communiste, et le sera moins encore si cette révolution réussit. Mais ce qui gêne nos révolutionnaires de salon, c’est que cette révolution là n’appelle pas mais alors pas du tout un régime des soviets. Les gens qui ont chassé le régime corrompu demandent peu de chose, et c’est déjà beaucoup : la démocratie. Et mieux encore : se rapprocher de l’Europe. HORREUR ! Oh les vilains, c’est aussi monstrueux que s’ils avaient proclamé leur envie d’Amérique. A l’extrême gauche qui eut autrefois ses heures de gloire, c’est aujourd’hui la traversée du désert, elle connaît une grave crise de recrutement, il lui faut chercher des boucs émissaires, montrer du doigt l’ennemi afin de séduire les victimes de la crise. Et voilà un ennemi désigné : l’Europe. Alors imaginez leur désarroi de voir les insurgés ukrainiens tourner leurs regards vers Satan ! Nos extrêmes politiciens auront toutefois du grain à moudre, l’Ukraine révolutionnaire aura un réveil difficile, le pays est surendetté et économiquement tributaire de la Russie.
Il faut ajouter, ce n’est réjouissant pour personne, la présence de l’extrême droite parmi les acteurs du soulèvement. Croix gammées, ambiance nazie, un air connu et pas seulement en Ukraine suivez mon regard. Mais à qui fera-t-on croire que les millions d’ukrainiens qui ont participé ou soutenu ce mouvement de fond sont manipulés par des fascistes ? Les analystes professionnels qui insistent sur la présence des croix gammées n’ont rien compris –ou feignent d’ignorer- ce qui se passe en Ukraine.
Et comme ceux qui prédisent le pire ont raison un jour ou l’autre, ils pourront toujours dire qu’ils avaient raison de ne pas s’émerveiller et se donneront des airs de gens raisonnables. On aura du mal à les croire, car nous avons changé de siècle et nous écoutons plus distraitement les sirènes qui nous promettent le bonheur en échange d’une adhésion.
En attendant, le soleil s’est relevé à l’est, et ça fait du bien.
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13:18 Publié dans libre pensée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ukraine, révolution, démocratie, europe
23/01/2014
La faute à qui ?
Non, notre société n’est pas détestable. Elle n’y est pour rien. Ni pour la guerre, ni pour les crimes, ni pour les inégalités, ni pour le racisme et toutes les horreurs. La société n’est pour rien dans tout cela.
Ou alors, si la faute revient à la société, disons-le tout net : nous ne sommes responsables de rien. Cela rappelle d’autres antiennes, l’une qui depuis les siècles des siècles martèle que le péché est celui de la première femme, et que nous n’en sortirons jamais. Une autre selon laquelle nous agissons sous l’empire d’un autre, qui est en nous : sa majesté Inconscient, comme si nous étions possédés. Une autre encore, du fond des âges : tout est écrit par avance, c’est le destin, nous serions manipulés par les dieux. Cette belle phrase de Jésus, magnifique, que des générations de fidèles ont entendue et qu’ils ont érigée en vérité éternelle, cette sentence est pour moi une condamnation sans appel de la souveraineté humaine : Mon père pardonne-leur ils ne savent pas ce qu’ils font. Marx ne disait pas autre chose en jugeant que les hommes faisaient leur propre histoire, mais dans des conditions non déterminées par eux. En d’autres termes, à l’aveugle. Quand à la foi, si elle soulève des montagnes et fait les révolutions, elle aveugle, cultive l’esprit de vengeance, sème la terreur. La foi comme le déterminisme sont des recettes bien pratiques pour celui qui s’en remet à d’autres, mais aussi des chemins qu’il faut éviter de suivre si l’on veut une meilleure condition pour l’homme.
Une idée bien plus simple, autant qu’admirable, c’est que nous sommes libres. Libres de tout, de nos mouvements, de nos pensées, de faire du bien, de faire du mal, de risquer notre vie en allant chercher un enfant emporté par la crue, de piller la maison abandonnée d’une famille fuyant l’inondation. Une boutade me revient de Sartre, que nous n’avons jamais été aussi libres que sous l’Occupation, libres de résister, libres de dénoncer. Libres au point de respecter les idées et les croyances d’un autre, libres d’imposer notre propre vision du monde. Libres d’aimer, libres de haïr, libres de sauver, libres de tuer. C’est toute la difficulté de notre condition. Nous pouvons choisir, à tout moment, tout le temps, entre le bien et le mal. Une puissance démesurée, sans limite, effrayante, exaltante.
Cette liberté, il faut l’enseigner à nos enfants, leur dire et répéter combien les femmes et les hommes ont dû lutter pour la conquérir, et leur faire remarquer qu’ils ont bien de la chance de vivre dans un monde où la société n’est responsable de rien, où notre destin pèse sur nos propres épaules.
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09:38 Publié dans libre pensée | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : société, faute, responsable, liberté