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23/01/2014

La faute à qui ?

 

 Non, notre société n’est pas détestable. Elle n’y est pour rien. Ni pour la guerre, ni pour les crimes, ni pour les inégalités, ni pour le racisme et toutes les horreurs. La société n’est pour rien dans tout cela.  

 Ou alors, si la faute revient à la société, disons-le tout net : nous ne sommes responsables de rien. Cela rappelle d’autres antiennes, l’une qui depuis les siècles des siècles martèle que le péché est celui de la première femme, et que nous n’en sortirons jamais. Une autre selon laquelle nous agissons sous l’empire d’un autre, qui est en nous : sa majesté Inconscient, comme si nous étions possédés. Une autre encore, du fond des âges : tout est écrit par avance, c’est le destin, nous serions manipulés par les dieux. Cette belle phrase de Jésus, magnifique, que des générations de fidèles ont entendue et qu’ils ont érigée en vérité éternelle, cette sentence est pour moi une condamnation sans appel de la souveraineté humaine : Mon père pardonne-leur ils ne savent pas ce qu’ils font. Marx ne disait pas autre chose en jugeant que les hommes faisaient leur propre histoire, mais dans des conditions non déterminées par eux. En d’autres termes, à l’aveugle. Quand à la foi, si elle soulève des montagnes et fait les révolutions, elle aveugle, cultive l’esprit de vengeance, sème la terreur. La foi comme le déterminisme sont des recettes bien pratiques pour celui qui s’en remet à d’autres, mais aussi des chemins qu’il faut éviter de suivre si l’on veut une meilleure condition pour l’homme. 

 Une idée bien plus simple, autant qu’admirable, c’est que nous sommes libres. Libres de tout, de nos mouvements, de nos pensées, de faire du bien, de faire du mal, de risquer notre vie en allant chercher un enfant emporté par la crue, de piller la maison abandonnée d’une famille fuyant l’inondation. Une boutade me revient de Sartre, que nous n’avons jamais été aussi libres que sous l’Occupation, libres de résister, libres de dénoncer. Libres au point de respecter les idées et les croyances d’un autre, libres d’imposer notre propre vision du monde. Libres d’aimer, libres de haïr, libres de sauver, libres de tuer. C’est toute la difficulté de notre condition. Nous pouvons choisir, à tout moment, tout le temps, entre le bien et le mal. Une puissance démesurée, sans limite, effrayante, exaltante.  

 Cette liberté, il faut l’enseigner à nos enfants, leur dire et répéter combien les femmes et les hommes ont dû lutter pour la conquérir, et leur faire remarquer qu’ils ont bien de la chance de vivre dans un monde où la société n’est responsable de rien, où notre destin pèse sur nos propres épaules.  

 

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01/12/2013

Crèche Baby-Loup, suite à l'Appel...

 

...à toutes les consciences républicaines…

(courrier reçu)

 "Un nouveau jugement d'appel vient de donner raison à Baby Loup, ce qui est une excellente nouvelle. Mais la bataille juridique n'est pas terminée et se poursuivra probablement en cassation puis devant la Cour européenne des droits de l'homme. Baby Loup devra fermer à Chanteloup les Vignes à la fin de l’année, pour rouvrir, nous l’espérons à Conflans Ste Honorine en 2014.

EGALE continue de demander une loi qui permette d’éviter à l’avenir cette situation désolante. Si vous souhaitez nous rejoindre dans cette action, vous pouvez adhérer à EGALE en vous connectant sur notre site : www.egale.eu.

 

BABY LOUP 

POUR LA PETITE ENFANCE, CE SONT LES LOIS ACTUELLES QUI SONT TROP GENERALES ET IMPRECISES !

Quand l’observatoire de la laïcité recommande une circulaire interministérielle « qui rappelle ce que permet le droit et ce qu’il interdit », c’est d’autant plus dérisoire que le dernier arrêt de la Cour d’Appel contredit l’appréciation de la Cour de Cassation. L’exigence de neutralité inscrite dans le règlement de Baby Loup est qualifiée de « générale et imprécise » par la Cour de cassation et la Cour d’Appel de Paris dit exactement le contraire. Les mêmes écarts d’appréciation se retrouvent sur bien d’autres points. 

N’est-ce pas suffisant pour montrer que c’est la loi actuelle qui est trop générale et imprécise ? Le Défenseur des droits avait demandé une clarification de notre droit. N’est-ce pas le moment de le faire ou faudra-t-il rester dans cet imbroglio qui conduit une crèche à des années de procédure pour aboutir à sa fermeture ?

La fonction première d’une crèche est d’accueillir des enfants en l’absence de leurs parents et de leur procurer un cadre apaisé et serein où leur éveil est assuré et guidé par un personnel bienveillant. Baby loup y a ajouté l’exigence d’assurer son service 24h sur 24 et 7 jours sur 7 et le désir d’aider des mères isolées à sortir de chez elles pour renouer avec la reconnaissance sociale au travers de leur activité professionnelle. La République doit à toutes ces structures d’assurer leur mission dans les meilleures conditions. Elle n’a pas à leur imposer des lois si compliquées que les plus éminents juristes les interprètent de façon diamétralement opposée. Seule une législation spécifique à la petite enfance permettra se sortir de la situation déplorable actuelle. Car seul le Parlement est souverain.

En cas de conflit entre liberté d’expression religieuse et droit des enfants, c’est ce dernier qui prime. La Convention européenne des droits de l’homme et la Convention des droits de l’enfant le rappellent précisément, la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’homme aussi.

Qu’attendons-nous pour mettre notre législation en conformité avec ces principes ? "

 

Gérard Delfau, Président, ancien sénateur de l’Hérault, auteur d’Eloge de la laïcité

Martine Cerf, Secrétaire générale, codirectrice du Dictionnaire de la laïcité (2011), co-auteur de Ma liberté, c’est la Laïcité (2013)

Contact courriel : contact@egale.eu

 

05/11/2013

Si l'on excepte quelques penseurs honnêtes

 

 

 Cité par Emmanuel Carrère dans « Limonov » : George Orwell parlait de common decency 

« …cette haute vertu qui est plus répandue dans le peuple que dans les classes supérieures, extrêmement rare chez les intellectuels, et qui est un composé d’honnêteté et de bon sens, de méfiance à l’égard des grands mots et de respect de la parole donnée, d’appréciation réaliste du réel et d’attention à autrui. ». 

 Ce livre d’Emmanuel Carrère est une source inépuisable pour celui qui veut comprendre notre temps. J’y reviendrai. Common decency : le dictionnaire traduit par décence, bienséance, convenance, respect humain, pudeur, honnêteté. Je retiens ces trois derniers, ce sont des piliers solides sur lesquels peut s’édifier une conduite humaine. Qualités essentielles mais rares. Qualités qui ont peu de rapport avec le niveau culturel des personnes.  

 Au commentaire de E.Carrère qui évoque les grands mots, sous-entendant par là qu’ils sont proférés par les intellectuels, j’applaudis. Bavards intarissables, ils parlent trop souvent pour ne rien dire. Je mettrai un bémol. Le vingtième siècle les a trop souvent vus parler alors qu’il aurait fallu qu’ils se taisent, mais n’oublions pas qu’ils se sont aussi tus quand il aurait fallu qu’ils parlent. Car si les longues études développent l’intelligence, elles donnent des responsabilités. Qu’un philosophe dispense ses cours à l’université sous un régime qui sème la terreur, qu’il approuve même ce régime, c’est incompréhensible, ce fut pourtant la réalité. Que des écrivains ou des artistes reviennent enthousiasmés et glorifient l'intolérable, c’est révoltant mais ce fut la réalité. Quand je dis que je mettrai un bémol sur le penchant des intellectuels pour le bavardage, c’est qu’il faut leur accorder aussi cette faculté qu’ils ont de se taire. Au besoin, ils sont les rois du silence.  

 Je n’ai jamais reproché à cet ami de ma grand-mère dont j’ai longuement parlé ici-même, il s’appelait Nicolas, je ne lui ai jamais reproché d’être communiste, c’est-à-dire stalinien tout simplement, même quand on savait que le « petit » père des peuples était champion du monde du crime –excepté Hitler, on ne va pas comparer le nombre de morts, les déportations, les souffrances. Je ne lui ai pas reproché pour deux raisons. D’abord, Staline déportait, tuait et torturait au nom du communisme, et le communisme c’est le plus bel objectif qui ait été à ce jour proposé à l’humanité. Pour Nicolas, comme pour des millions d’ouvriers français, l’Union soviétique c’était l’espoir, et pour les plus combatifs : l’avenir. Alors pour les crimes, mais de quels crimes parlez-vous donc quand c’est pour le bonheur des peuples ? Ensuite, Nicolas n’avait lu ni Hegel ni Feuerbach ni Marx ni Engels ni Lénine. Sa culture était celle de l’Humanité quotidienne et de Paris turf pour le tiercé du dimanche. Donc pour lui, à partir de 1941, l’horreur était nazie, terrible, insupportable, mais limitée à l’Allemagne, certes importée en France mais par des traîtres à la solde des « boches ». Par contre, nos poètes à la Aragon qui en appelaient au Guépéou, nos universitaires qui se taisaient en 56 lors des événements de Pologne et de Hongrie, et qui pour certains ne rompaient le silence que pour accuser les ouvriers hongrois d’être manipulés par l’ogre américain, justifiant ainsi l’écrasement de leur révolte par les chars du grand frère soviétique, ah oui à ceux-là il y aurait des reproches à faire mais c’est trop tard toujours trop tard. Combien de ces intellectuels ont bougé leur cul pour accueillir Leonid Plioutch à l’aéroport français, ce mathématicien chassé de son pays pour dissidence ? Quelques dizaines. Silence radio. Ces écrivains qui ne savent plus raconter des histoires, sauf quand on ne leur demande pas, qui n’ont jamais souffert, qui n’ont vécu aucune aventure, qui s’auto analysent sur du papier à grand tirage, ils se sont tus quand d’autres à l’est recopiaient sur du carbone des chefs d’œuvre interdits. Des courageux comme Pierre Daix, il y en a eu peu, trop peu pour parler, pour dire que l’Archipel du Goulag était plus qu’un beau morceau de littérature. 

 Ils sont les rois du silence quand le réel ne coïncide pas avec l’idée qu’ils se font du monde. Dans les moments cruciaux de l’histoire des hommes, quand les dogmes menacent de s’effondrer, le silence des maîtres à penser les maintient encore debout. Pour quelques temps seulement, mais c’est déjà trop.  

 Posons d’emblée cet axiome : les intellectuels sont très majoritairement de gauche. Pourquoi ? Défendre ou même promouvoir le capitalisme, l’idée du profit, le système bancaire, l’exploitation de l’homme par l’homme, bref se faire l’avocat du diable est une tâche pratiquement insurmontable pour quiconque a fait de longues études, et souhaite en tirer quelque chose en général pour faire carrière, mais pas toujours, quelquefois aussi pour améliorer le sort de ses contemporains même si c’est contre le gré de ces derniers, au péril de leur vie. L’intellectuel penche donc à gauche et rêve de faire le bonheur des peuples. Je reviens au livre de Carrère pour une longue citation qui en vaut la peine (il reprend lui-même des propos d’un certain Martin Maria) : 

« Le socialisme intégral n’est pas une attaque contre des abus spécifiques du capitalisme mais contre la réalité. C’est une tentative pour abroger le monde réel, tentative condamnée à long terme mais qui sur une certaine période réussit à créer un monde surréel défini par ce paradoxe : l’inefficacité, la pénurie et la violence y sont présentées comme le souverain bien. »  

 Pour expliquer le silence de nos intellectuels pendant les riches heures du totalitarisme soviétique, il faut noter que ce dernier ne s’en est jamais pris au peuple, ni à l’honnête citoyen, mais aux « ennemis du peuple ». Là réside toute la force du système : on met tout en œuvre pour faire le bien, et quelques énergumènes (en réalité entre 10 et 15 millions) pour la plupart agents de puissances étrangères ourdissent des plans contre-révolutionnaires. Ajoutez à cela l’aura dont jouit le père des peuples et sa clique après la victoire sur l’Allemagne nazie, et on comprend mieux pourquoi ici à l’ouest la gauche s’est tue, et même parfois a complaisamment entendu la propagande communiste.  

 On va me dire : mais enfin pourquoi revenir sans cesse sur ce passé ? C’en est fini du communisme, tirons un trait.  

 Non. Le parti est mourant, mais les idées qui furent les siennes sont encore vivantes. A l’extrême gauche c’est certain, mais aussi colportées par la majorité des médias : américanophobie, critique du capitalisme sous toutes ses formes, silence ou bavardage complaisant sur les crimes de guerre quand ils ne sont pas le fait des puissances occidentales, culture de l’irresponsabilité, justification de la délinquance par le chômage des jeunes, du terrorisme par l’extension de la misère dans le monde, explication des guerres et génocides en Afrique par la richesse du sous-sol convoitée par les puissances occidentales…on se croirait revenu dans les années cinquante quand les unes de l’Humanité imputaient les malheurs du monde à l’impérialisme américain, US go home. 

 Nos intellectuels aujourd’hui, si l’on excepte quelques penseurs honnêtes qui ne craignent pas d’appeler un chat un chat, d’aller contre l’opinion au risque de passer pour des complices de ce que la gauche a estampillé comme étant la « réaction », nos intellectuels donc, c’est le prix à payer pour se faire un nom, caressent le pouvoir, tous les pouvoirs, politique, religieux, médiatique, dans le sens du poil. Pour les aider, les gentils journalistes qualifient leur discours de « décalé ». On ne m’empêchera pas de penser que l’humanisme haut de gamme qu’ils manifestent partout et sur les ondes est une couche de vernis étalée sur de la mauvaise conscience. A l’image des bourgeois bohèmes qui les admirent : à des kilomètres du monde réel et des cités dangereuses, tout ce qu’ils risquent, c’est une rayure sur leur puissant 4x4 hybride. Si si, ça existe, dans les beaux quartiers l’avenir de la planète est préoccupant. 

 

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