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02/12/2011

Des soldats meurent, et des civils

 

 Les forces armées occidentales tuent des civils. Hier c’était en Irak. Aujourd’hui c’est en Afghanistan et au Pakistan. Les bombes n’épargnent personne. Les armes modernes, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ne font pas le détail. Les progrès technologiques ne permettent pas encore aux missiles téléguidés (guidés de loin) de se détourner quand dans leur ligne de tir se présente un enfant, une femme, ou un groupe de personnes qui n’ont rien à voir avec les terroristes. Des soldats meurent aussi. 

 Si tout cela était fini, un triste bilan serait déjà à déplorer.  

 Toutes les guerres engendrent la mort. Même celles qui sont menées pour de bonnes raisons. Je pense aux guerres de libération, celle d’Espagne par exemple qui mobilisa jusqu’aux plus fervents défenseurs des droits de l’homme. Cette guerre fut terrible car au-delà des atrocités, elle donna la victoire aux bandes armées d’un dictateur sanguinaire qui musela un peuple jusqu’à sa mort, et qui ne fut jamais traduit en justice pour les crimes commis. 

 La deuxième guerre mondiale fut déclenchée par le régime nazi qui s’était emparé du pouvoir en Allemagne. Fallait-il abandonner l’Europe, la France, les îles britanniques et peut-être plus encore aux forces de l’ « Axe »?  Le pacifisme est-il possible face aux velléités des fauteurs de guerre ? Ceux qui organisaient la résistance en France savent bien que non. Et les plus radicaux d’entre eux, communistes pour beaucoup, qui n’éprouvaient aucune sympathie pour les « capitalistes » anglo-saxons, attendaient pourtant le débarquement des troupes américaines et britanniques. Troupes à qui l’on doit en grande partie la libération de la France et de l’Europe tout entière. Mais à quel prix ? Les habitants de Caen et de Saint-Lô en savent quelque chose, ceux qui (comme dans ma famille) habitaient près d’un aéroport le savent aussi. Les bombes de 500kg tombaient dans un périmètre de plusieurs kilomètres autour de l’objectif, car pour éviter la DCA, les avions lâchaient leur cargaison de mort à haute altitude.

 Les bolcheviks ? Ils durent leur succès à la résistance acharnée de l’armée rouge face à la coalition rassemblant tout ce que l’Europe comptait de forces réactionnaires. Et quel que soit le jugement que l’on porte quant à la suite de l’histoire, il faut reconnaître que sans l’organisation militaire et la résistance armée du nouveau régime, ce dernier n’aurait pas survécu. En 1918 Lénine s’adresse au Comité exécutif du soviet de Penza:

« Camarades ! Le soulèvement koulak dans vos cinq districts doit être écrasé sans pitié. Les intérêts de la révolution tout entière l’exigent, car partout la « lutte finale » avec les koulaks est désormais engagée. Il faut faire un exemple.

1/ Pendre (je dis pendre de façon que les gens le voient) pas moins de cent koulaks, richards, buveurs de sang connus.

2/ Publier leurs noms.

3/ S’emparer de tout leur grain.

4/ Identifier les otages comme nous l’avons indiqué dans notre télégramme hier. Faites cela de façon qu’à des centaines de lieues à la ronde les gens voient, tremblent, sachent et se disent : ils tuent et continueront à tuer les koulaks assoiffés de sang. Télégraphiez que vous avez bien reçu et exécuté ces instructions. Vôtre, Lénine. » (1)

 Les algériens ? Les vietnamiens ? Les combattants de leurs fronts de libération n’étaient pas des petits anges non plus. Et l’armée de Moselle qui repoussa les contre-révolutionnaires autrichiens ? Ce bon vieux Hoche pacificateur de la Vendée ? Et la Terreur, son Comité de salut public, ses tribunaux révolutionnaires, ses condamnations à mort ? Atrocités qu’il est malvenu de rappeler, parfois…

 La liste est longue des conflits qui ont été menés contre les peuples par des fauteurs de guerre qu’ils soient marchands de canon ou à la recherche de pouvoir politique ou religieux. La liste est longue aussi des atrocités dont se sont rendus coupables les combattants d’une cause nationale, humanitaire ou révolutionnaire.  

 Religieux. Ce ne sont pas les Américains ni les Français, ni les occidentaux qui ont déclenché la guerre en Afghanistan. Vous savez qui. Tout le monde sait qui. Sauf à se voiler la face parce qu’on a peur. On a peur, ici sur notre sol. Mais cette guerre est mal engagée. Les forces en présence sont inégales. Les barbares en face démolissent le patrimoine mondial et tuent tout ce qui bouge. Ils n’ont rien à voir avec le peuple afghan, ni avec aucun peuple. Quelques dizaines de milliers seulement à l’échelle du monde, produits de l’ignorance greffée sur des pulsions primaires. Ceux qui ont peur les suivent. S’ils les suivent, c’est dans l’espoir que les choses changent, car ils sont oubliés par tous les autres. Ils sont des millions. Voilà les raisons de la force de l’adversaire. En outre, la barbarie n’a de comptes à rendre à personne. Elle tue. Silence dans les rangs. Mais qu’un hélicoptère de l’OTAN bombarde des civils, même si c’est par erreur, et c’est toujours par erreur, c’est en occident que les réactions sont les plus vives. Les médias occidentaux, rois du mea culpa. Tout est toujours de notre faute. D’ailleurs nous avons la même façon d’aborder le problème de la délinquance : les jeunes sont morts parce qu’ils étaient poursuivis par la police. Ce sont les délinquants qui sont innocents. Par définition : parce qu’ils sont pauvres. Ce qui est encore à vérifier. Par contre, qu’une policière meure, percutée par une voiture en fuite, on n’en fait ni la une des journaux ou alors pas longtemps, ni une marche silencieuse.  

 L’innocence attribuée par nous-mêmes à nos adversaires procède de notre morale chrétienne : nous attribuer à nous-mêmes l’origine de la faute. 3000 morts à New York : « ça devait arriver… » voilà ce que j’entendis au lendemain du 11 septembre. « …parce que les Etats-Unis l’ont bien cherché. » La tour Montparnasse aurait été visée, on aurait aussitôt fouillé dans notre passé pour y dénicher une éventuelle culpabilité…( le choix est immense entre les conquêtes du roi soleil, les guerres napoléoniennes, les « missions » coloniales, l’Indonésie, l’Algérie…)  

 En outre, cette vieille équation fonctionne encore : capitalisme = misère = terrorisme. Une formule qui déresponsabilise autant le criminel de guerre que le petit délinquant de banlieue. S’il s’en prend à votre portefeuille, ce n’est pas de son fait, la faute en revient à la société. C’est la misère qui s’en prend à vous. On ne va tout de même pas sanctionner la misère ! 

 Ce long détour pour dire quoi ? Pour expliquer quoi ? Qu’à l’annonce de la mort d’un soldat, de la mort d’innocents tués par des armes de pays qui pratiquent la démocratie je ressens de la honte. Oui, j’ai honte et je ne crois pas être le seul. Je suppose que beaucoup de citoyens américains ont dû éprouver ce sentiment en apprenant que les avions de leur pays avaient bombardé Dresde, tuant des dizaines de milliers de civils, en apprenant aussi les bombardements de Hiroshima et Nagasaki.  

 C’est parce que nous accordons une valeur universelle aux droits de l’homme définis par les philosophes, la révolution française, les Nations Unies, parce que nous avons une haute idée de ces droits que nous comprenions la décision d’envoyer des troupes dans un pays menacé par un retour à l’âge de pierre. Que les femmes puissent enfin se montrer, travailler, occuper des postes de responsabilité, que les petites filles puissent aller à l’école, que les libertés publiques soient rétablies, qu’une démocratie s’instaure… voilà ce que nous espérions. Et c’est parce que nous espérions cela qu’aujourd’hui nous sommes déshonorés.  

 

§ 

 

(1) Centre russe de conservation et d’étude de la documentation historique contemporaine 158/1/1/10, propos rapporté par Nicolas Werth dans « Le livre noir du communisme, crimes, terreur, répression » Robert Faffont, Paris 1997

Voir aussi l’article « Le livre noir » dans la catégorie « Totalitarisme »

 

 

 

10/11/2011

Non, ce blog n'est pas anti-religieux!

 De l’existence de Dieu ou de son inexistence, que savons-nous après tout ? Peut-être qu’une puissance surnaturelle existe, qu’elle fait le jour et la nuit, malheureusement surtout la nuit, ou peut-être qu’elle n’existe pas. Peut-être qu’il n’y a rien du tout, nulle part, et que nous sommes libres, libres surtout de continuer à faire des conneries, de nous entretuer, de menacer la planète et l’avenir de nos enfants. Si Dieu existe, tous les discours compliqués des églises ne nous ont encore pas convaincus sur la question de savoir d’où venait le mal. Ou alors, le Très-Haut est un pervers, qui aime voir souffrir ses créatures, ou qui tout simplement, depuis si longtemps qu’il les a créées, les a oubliées, l’univers étant trop grand pour lui, il a eu les yeux plus gros que le ventre comme disait ma grand-mère quand je ne finissais pas mon plat de pâtes. 

 Revenons à notre sujet. Anti-religieux ? un dogme aussi, envers de celui sur lequel sont fondées les religions. Pour reprendre la formule de Nietzsche, ici on ne vous demande pas de croire, et j’ajoute qu’on ne vous demande pas de ne pas croire. Ce qui ne m’empêche pas de penser que les religions prennent racine dans l’ignorance humaine. C’est à l’école que revient la tâche d’ouvrir les esprits. La misère intellectuelle est le socle commun à toutes les croyances. Entrer en religion, c’est cesser de s’interroger, de réfléchir, de se mettre en cause, d’écouter les autres, de les comprendre. Mais cela ne donne le droit à personne d’interdire la pratique religieuse, l’exercice d’un culte. D’ailleurs, les expériences vécues par les peuples dans les états totalitaires montrent que, après des années de persécutions, les fidèles reviennent toujours à leur credo.  

 Il ne faut pas toutefois que la religion impose à ceux qui ne croient pas au ciel un mode de vie, une façon de penser, d’aimer, d’élever ses enfants, de s’habiller, d’exister. Et les limites sont vite franchies. Même si l’église catholique depuis quelques décennies, sentant le vent tourner et les esprits s’éclairer, a mis un bémol à ses prétentions, la pression qu’elle exerce sur les gens, et pas seulement ses fidèles, est sensible sur les continents où l’éducation n’a pas encore rempli sa fonction. Même ici où parait-il l’école a longtemps été la meilleure du monde, allez dire que deux femmes peuvent aimer et élever des enfants, que deux hommes le peuvent aussi, qu’il est salutaire d’abréger les souffrances d’une personne victime d’un mal incurable, et que nul prêtre ne peut parler à la place de cette personne qui est toujours assez grande pour décider de son sort, allez dire ça, les catholiques ne seront pas les seuls à vous regarder en coin, car comme le lait non surveillé sur le feu, la bêtise religieuse déborde. Et c’est cela qui est insupportable. J’ai connu des gens croyants, pratiquants, qui n’imposaient rien aux autres. Ces gens je les respecte au moins autant que ceux qui ne croient en rien. Car pour les premiers, c’est un acte libre, fondé sur le respect, une assurance que quoi qu’il leur en coûte, ils acceptent la présence de l’autre, sa différence. J’ai déjà écrit quelque part sur ce blog toute l’admiration que j’éprouvais pour cette personne qui, chrétienne au fond de l’âme, et prenant en charge mes enfants, n’a jamais été tentée de les faire entrer dans une église. 

 Je croise aussi des femmes d’un certain âge portant le voile, manifestant ainsi leur appartenance à une religion, leur fidélité à un dieu. Cela ne m’est pas agréable, certes, car je devine ce que cela signifie pour l’existence quotidienne de ces personnes : soumission, obéissance. L’image est plus insupportable quand il s’agit de jeunes filles ou de jeunes femmes. Car c’est l’avenir qui est tracé, pas seulement celui de la gent féminine, peut-être aussi le nôtre, celui du monde. Ce n’est plus religieux, cela devient politique, au sens premier du mot, car c’est la vie dans la cité qui est menacée. Ce mal porte un nom : l’islam. C’est une idée conquérante, une idéologie puissante, dont les adeptes sont d’une grande adresse, savent cacher leurs objectifs, et aussi –quand la persuasion n’a pas l’effet escompté- sanctifier la guerre contre les mécréants. L’islam s’étend, rencontre peu d’obstacles dans sa progression.  

  Là, il n’est plus question de religion, et ce serait bien inutile d’écrire des pamphlets anti-religieux dans un livre ou sur un blog. Regardant un siècle en arrière, si les églises chrétiennes n’ont pas à être fière du rôle qu’elles ont joué –ou qu’elles n’ont pas joué- quand les totalitarismes communiste et fasciste décidaient du sort de l’humanité, elles n’ont pas été dans la situation de dicter leur loi ni de faire la police au sein du peuple. L’islam a cette prétention. Et je ne sais pas si nos gouvernants ferment volontairement les yeux, mais je sais qu’ils les ferment. S’ils veulent vraiment préparer un avenir libre et démocratique pour le pays, le fait qu’on dépose une bombe dans le local d’un organe de presse devrait les alerter. Car la liberté d’expression est mise en cause. Si on nous enlève le droit de blasphème, c’est le début de la fin pour la démocratie.

§ 

10/10/2011

"N'essaie pas que ce qui arrive arrive comme tu veux...

 

 …mais veux ce qui arrive comme il arrive, et tu couleras des jours heureux. » Epictète 

 Une belle formule stoïque. J’ai essayé, je n’y arrive pas. Et pourtant j’ai fréquenté les meilleures écoles, le groupe scolaire communal d’Andrésy en Seine et Oise. J’en vois qui ricanent. Et bien sachez qu’il y avait là de bons instituteurs qui valaient bien en éducation et en morale ce que les « Grandes Ecoles » font de mieux aujourd’hui. Où en étais-je ?  

 Oui, une belle formule stoïque. Malheureusement hors de portée du commun des mortels. Bricoleur du dimanche, j’ai beau éloigner femmes et enfants, fermer les yeux et bloquer ma respiration, je n’arrive pas à sourire quand le marteau ratant le clou m’écrase le doigt. Ce qui devait arriver arriva. Je n’aurais jamais dû fermer les yeux. Heureusement aujourd’hui, plus que dans la philosophie d’Epictète, il y a de l’air dans Urgo.  

 Mais non, la sentence citée plus haut n’a rien à voir avec une quelconque résignation ou acceptation de l’ordre des choses, facultés partagées trop partagées par ceux qui nous gouvernent, et malheureusement aussi par ceux qui ne gouvernent pas. Le stoïcisme ne consiste pas à rester en place et ne rien faire. C’est une vision du monde qui va, selon la volonté de la nature, conformément à la Raison universelle, supérieure. Vouloir ce qui arrive, c’est mettre l’humanité sur les rails, l’accorder avec l’ordre supérieur, rationnel, bien au-delà des volontés particulières, des opinions ou des vœux des humains que nous sommes. Vouloir, aimer même ce qui arrive, c’est rechercher l’harmonie avec le cosmos, porte grande ouverte au bonheur. Seulement voilà, l’homme est capable de beaucoup de choses, y compris d’aller contre l’ordre voulu par la nature.  

 « Il y a ce qui dépend de nous, il y a ce qui ne dépend pas de nous. » (Epictète) 

Qu’un tremblement de terre dévaste une région entière, qu’y pouvons-nous ? Sinon venir au secours et sauver des vies humaines. Qu’une centrale nucléaire soit construite à proximité d’une zone sismique, nous aurions pu l’éviter. Que des maladies contagieuses menacent l’humanité, que les turpitudes du climat provoquent sécheresse et désertification, nous n’y pouvons rien, ou très peu. Mais cet Ordre supérieur, cette Raison universelle admise, voulue, aimée par le sage commande-t-elle d’accepter une démographie galopante, dix milliards d’êtres humains sur un espace qui ne pourra les nourrir ? Dans des régions vouées au désert ?  

 Nature, Ordre, Raison. Voilà bien la force de la pensée d’Epictète, son humanisme aussi. Car l’ordre de la nature a permis à l’humanité de vivre et de prospérer. Cet ordre-là, il faut le respecter, pour prendre un mot à la mode, le pérenniser.  

 On pourrait donc se passer de l’idée de Dieu ? Non, nous sommes trop petits, trop faibles, des poussières déposées sur une bille lancée dans le cosmos. Dès nos premiers pas il nous fallut un chef, un sorcier, un messager des forces supérieures, un protecteur. On sculpta des idoles gigantesques, on sacrifia des animaux et des êtres humains. On alla même jusqu’à jeter nos propres enfants dans son feu dévorant. Mais cela ne suffisait pas encore, car ces Etres qu’on adorait restaient de marbre, impuissants à assurer le bonheur des hommes. Chaque peuple ayant le sien, ils étaient fauteurs de guerres.  

 Alors se produisit un événement, un fait unique de notre histoire. Dieu disparut. Tout au moins son corps. Certes, il se manifestait encore, mais sans apparaître sous la forme qu’on aurait pu attendre de lui : un buisson s’enflammait, une femme âgée et stérile enfantait, des cataclysmes dévastaient un pays entier, un paralytique se levait et marchait, une femme que n’avait connu aucun homme attendait un enfant, un homme ressuscitait. Mais Lui, le Très-haut restait invisible, se manifestant par des miracles, mais aussi par le Verbe, s’annonçant par l’intermédiaire de messagers, anges ou messies, inspirés, illuminés. 

« Tu ne pourras voir ma Face : l’homme ne pourrait me voir sans cesser de vivre. » (Exode 33,20) 

 Et peu à peu, par la magie de son invisibilité, comme il était partout et nulle part, la foi aidant, l’idée fit son chemin qu’Il était en nous. Il nous donna la force et le courage. Il n’y a qu’à voir les actes de bravoure des Croisés, les victoires remportées sur les mécréants, les conquêtes et l’éducation des sauvages au-delà des océans. Le respect qu’il inspire est tel que certains d’entre nous vont jusqu’à le prier cinq fois par jour. Certes il est invisible, mais on connaît au moins une chose de lui: son sexe. Masculin. Les femmes se couvrent devant lui. Elles se cachent dans leur chez-elles et sont de bonnes épouses pour leurs maris.  

 Oui, les hommes ont bien compris qu’il leur fallait un père. Un Père et un seul. Regardez avec quel mépris dans le vocabulaire même nous parlons des familles « recomposées », sous-entendu dénaturées, ayant rompu l’équilibre sacré voulu par la nature. Sans parler des familles monoparentales, ni de ces pauvres enfants élevés par deux femmes, horreur ! Oui, un Père et un seul. Toujours là, au moment où il le faut. Un tremblement de terre provoque une coulée de boue qui tue cinq mille personnes, une petite fille est sauvée par les pompiers, en réalité nous savons tous que c’est par la main de Dieu. Alors la vie reprend, dans le recueillement, puis après quelques larmes, dans la joie.  

« N’essaie pas que ce qui arrive arrive comme tu veux, mais veux ce qui arrive comme il arrive, et tu couleras des jours heureux. » 

 A la nature, à l’ordre et à la raison, dont parlait Epictète, les hommes ont vite fait de donner un corps et un nom. Si cet ordre est voulu par Dieu, il est d’autant plus respectable. Gare à celle ou à celui qui le met en cause, car c’est aller à l’encontre de la volonté divine. Mais le besoin de justice et de changement est là, c’est humain. Difficile de ne pas agir. Pour y faire face sans offenser le Tout-puissant, les religions ont inventé la charité. A une époque où les malheurs des hommes sont exposés à la seconde près devant les yeux du monde entier, les associations caritatives fleurissent et vont, par tous les continents, adoucir nos souffrances. Elles distribuent des vivres aux femmes et aux enfants qui souffrent de malnutrition, dans ces pays où l’Eglise fait les gros yeux quand il s’agit de contraception. Ce paradoxe offre des avantages : les donateurs des pays riches soulagent leur conscience, chrétiens et musulmans qui patronnent la majorité des ONG sont présentés à longueur de reportages médiatiques comme les acteurs de la croisade contre la misère du monde. 

 Ce que j’en pense ? Il y a quelque chose de profond dans la pensée d’Epictète. Nous pourrions en tirer des leçons. Nous attachons trop d’importance à des petits maux, des ennuis sans gravité. L’adulte qui console le petit ayant cassé son jouet, qui lui dit « C’est mon petit chéri qui avait un gros malheur ! » et qui fait une crise en découvrant une rayure sur la carrosserie ou le rétroviseur cassé. Le jour où tombe le sombre diagnostic du médecin, on réalise que la rayure et l’accessoire cassé, c’était de la broutille. Et qu’il vaut mieux vivre heureux avec ce que l’on a. Pour le reste, certes, c’est révoltant d’entendre qu’il faut accepter ce qui arrive, bien que souvent il faille le faire, les gens qui sont aux commandes des états le savent, ils emploient tous les euphémismes possibles pour éviter de le dire, et leurs opposants en profitent pour les accuser d’être des incapables. Mais une idée me traverse l’esprit, ces derniers souhaitent-ils vraiment venir un jour aux commandes, sachant que ce qui arrive, à moins de faire preuve de génie politique associé à un courage extraordinaire, est inéluctable ? 

§