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28/12/2020

La montre connectée

 


  Elle réunit en trois centimètres cubes ce que la créativité humaine est capable de concevoir dans les domaines scientifique et technique après six à huit millions d’années d’évolution du cerveau humain. J’entends déjà les ricanements des vieux ringards adversaires de tout progrès technologique. N’est-ce pas pour ces gens une façon peu honorable de mépriser une technologie simplement parce qu’elle les dépasse ? 

 Ce que ces ignorants ne savent pas, c’est que la montre est connectée avec tout ce qui dans notre monde a de l’importance, certes pour son propriétaire, mais aussi et surtout pour l’humanité tout entière.

 A la première insulte antisémite lancée sur le Net, elle sonne. Ce qui permet d'alerter immédiatement les associations antiracistes. 

 Elle prévient les syndicats dès qu’elle apprend que de terribles plans sociaux sont ourdis par certains chefs d’entreprise peu soucieux de l’avenir de leurs employés.

 Elle vibre et allume toutes ses diodes dès qu’une femme est battue par son mari dans un rayon de vingt kilomètres (pour le modèle testé ici, mais dans les hauts de gamme, on couvre la France et une marque coréenne nous annonce qu’une simple gifle sera bientôt détectée à l’échelle transcontinentale!). 

 Elle renseigne à l’avance bien sûr sur les projets d’attentats terroristes, mais aussi sur des actualités aussi douloureuses que le harcèlement à l’école, dans les clubs sportifs et au bureau.

 Si elle apprend que dans le froid de l’hiver un être humain est abandonné, seulement protégé par des cartons, l’objet et son bracelet se couvrent de givre et glacent le bras de son propriétaire, aussi longtemps que celui-ci n’a pas alerté le SAMU social.

 Connectée à la tension artérielle, au rythme cardiaque et aux pacemakers des grands parents, la montre clignote chaleureusement à la plus insignifiante anomalie. Sur le modèle testé, la fonction « musique » a été supprimée car le choix de la chanson d’Aznavour « Elle va mourir laaaa Mammaaaaa » n’était pas judicieux.

 A la moindre bêtise proférée dans un rayon de quelques mètres, la diode orange s’éclaire, permettant de corriger un propos inexact. L’appareil est très sensible à la propagation des rumeurs, avec risque de surchauffe et d’annulation de garantie.

 Bien serrée autour du poignet elle impose certaines contraintes : le mensonge est interdit, la mauvaise foi aussi. La paresse bien sûr quand on néglige d’effectuer un travail ou d’accomplir une tâche. Les sonneries et vibrations d’alerte, bien que peu perceptibles pour les personnes éloignées, deviennent alors insupportables pour la personne connectée, qui se remet immédiatement à l’ouvrage.

 N’oublions pas toutefois qu’un fois la pile déchargée, la connectivité sera rompue. Nous reviendrons alors dans le monde d’avant où dangers, accidents et souffrances sont encore et toujours notre lot commun.

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13/10/2020

Mea culpa

 

 Moi qui voyais les religions comme autant de dangers pour la paix et la république, voilà qu’une dame, séquestrée pendant quatre ans par des adeptes de l’islam, voilà que cette dame enfin libérée – qui est en outre à l’âge de la sagesse- nous dit qu’elle a été bien traitée, qu’elle a été soignée, et même qu’elle a voyagé ! Il faudra donc qu’on revienne dardar sur nos préjugés, et sans aller jusqu’à nous convertir de suite en masse, avouer enfin pour en finir avec cette guéguerre absurde menée par des mécréants contre le très miséricordieux, et pour suivre l’exemple de cette dame, poser délicatement un voile sur la tête de nos femmes. 

 

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20:03 Publié dans étrange | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : otage

07/09/2019

Sans abri

 


  Je me promène dans le sixième arrondissement. C’est mon quartier. Le latin. Il fait un peu frais ce matin, j’ai mis l’écharpe rouge, du plus bel effet sur mon manteau noir, et mon chapeau, à la Louis Aragon. De la poulaille partout dans les rues. La droite a mobilisé sa police contre les sans abri. La situation de ces pauvres est insupportable. D’ici j’entends les premiers échos de la manif’.

Un-lo-ge-ment-pour-tous !

 Entièrement d’accord. Non mais de quel droit interdit-on à des êtres humains de se loger ? Moi j’ai le cœur à gauche. En 68, j’étais sur les barricades et chaque élection est l’occasion pour moi de faire barrage à la droite.

 Un beau rassemblement. Des gens de tous horizons et de toutes les couleurs, comme je les aime. La voilà la belle diversité à la française. Allez-y les gars, un logement pour tous ! Mais oui, il y en a de la place dans nos campagnes pour des milliers de logements sociaux. D’autant qu’avec les jachères, de grandes surfaces sont disponibles. Et cela donnera du travail aux sans emploi.

 Car le voilà le problème, la cause de tous les maux : le chômage. Inactivité, désespérance. Du grain à moudre pour l’extrême droite. J’ai une sainte horreur de ces gens-là. Ils sont la honte de la nation. Ils s’en prennent à ceux qui ne leur ressemblent pas : gens de couleur, gens d’ailleurs… Ils disent qu’on n’a plus l’impression d’être en France, qu’il y a des prières dans les rues, que des femmes sans visage font peur aux enfants, que des cantines ne servent plus de jambon, mais où vont-ils chercher tout ça ? Je regarde autour de moi, j’observe que la France est restée égale à elle-même, calme, sereine, tricolore. Ils disent que la proportion des gens issus de l’immigration est telle dans les écoles que le niveau scolaire baisse, que la délinquance et les trafics en tout genre se développent, que les enseignants sont dépassés, découragés.

 Propagande, je vous dis, propagande ! Mes enfants n’ont aucun problème à l’école, il y a bien un ou deux garnements pour irriter le professeur de grec ancien, le fils de l’ambassadeur des émirats n’a pas rendu sa punition dans les délais et la fille du sénateur n’a pas éteint son téléphone portable. Vais-je pour autant hurler à une menace contre les lois de la république ?

Un lo-ge-ment-pour-tous !

A-bas-les-dis-cri-mi-na-tions !

La-Franc’-c’est-black-blanc-beur !

 Oui, parfaitement d’accord, le voilà bien le pays des droits de l’homme, la France qui ouvre ses portes, lieu de tous les échanges, de tous les mélanges, de toutes les cultures !

 Tiens mais c’est Marie-Ange là-bas sous la banderole… Hello, ma fille !

 - Papa, je te présente Ali, il est sans papiers, il vient direct du Mali. Les fillettes qu’il tient par la main sont ses petites sœurs. Ses frères sont derrière en compagnie de la dame en noir qui porte un bébé sur son dos. Les cousins sont un peu éparpillés dans la manif’. Pourront-ils s’installer chez nous provisoirement, en attendant de régulariser ?

 Tapage, bousculade, slogans hurlés par hauts parleurs ne nous permettent pas de connaître la suite de l’histoire. Cet homme qui prêche accueil et tolérance n’a pas la chance de vivre dans le neuf trois. Ah ! Si toutes les personnes qui ont le cœur à gauche pouvaient partager l’art de vivre au pied des tours dans les cités !

 Ce que je viens d’écrire est absurde. Car si ces gens vivaient dans les tours des cités, ils n’auraient pas le recul nécessaire pour juger objectivement de la situation. C’est pourquoi il est logique que les militants du « Vivre ensemble » considèrent la vie réelle en l’observant de loin.


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