Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/06/2015

Invasion

 

Violant les frontières qui protégeaient ce que le monde terrestre comptait encore de bonheur, d’art de vivre, de bon vin et bonne chère, d’intelligence, d’exquis parfums, de jolies femmes, de héros de la Résistance, de vaches qui paissent dans de beaux paysages, de sportifs et d’intellectuels sains de corps, 

Profanant ce verger d’Eden où le Créateur, dans un souffle, avait dit : « C’est la France. Et pour ne pas qu’elle s’ennuie, je ferai naître sur son sol les plus grands génies », Il pensait aux créatures de sexe masculin principalement, car à l’époque la femme n’existait pas vraiment tout à fait, disons qu’elle était encore dans les cartons, les premiers essais sur le terrain (en Afrique pour ne pas effrayer nos compatriotes) n’ayant pas été vraiment concluants : petite taille, prognathisme prononcé, tendance à grimper aux arbres…. on savait le Très-Haut parfait en plus il est perfectionniste, il ne faut donc pas s’étonner si Marie Curie n’arrive qu’au vingtième siècle, trois millions d’années après Lucy, deux millénaires et des poussières après Archimède, qui reste au stade actuel des recherches généalogiques le premier chercheur de haut niveau de souche française, 

Franchissant des frontières qui avaient su arrêter tous les nuages, 

Piétinant, rasant, saccageant le sol du pays des droits de l’homme, un état dont les Grecs Anciens nous envient encore la démocratie, République la plus républicaine du monde, petit Paradis au climat ni trop chaud ni trop froid irrigué de rus, torrents, rivières ou fleuves gigantesques qui courent, tout fous au pied des coteaux où le pampre chauffé par l’astre de feu délivre, goutte à goutte le Breuvage des dieux, 

Souillant un espace parcouru en quelques minutes par une Merveille technologique aussi rapide que jalousée par le monde entier, un territoire chèrement conquis, aujourd’hui sillonné de Voies qui, des Champs Sacrés Elyséens, plus belle Avenue du monde, par les surprenants et magnifiques Ponts jetés sur le vide par les plus grands artistes, défis à la pesanteur et aux vents, vous déposent aux Portes de la mer, au Pied des montagnes, vous perdent sur les Landes étranges, vous rassurent au Cœur des terroirs,

 Outrageant un peuple, une communauté, association de tous les possibles, conjonction de la civilité et du bien-vivre, un peuple dont la modestie légendaire, entravant une fierté légitime, ferme la porte à l’arrogance,

 Humiliant un peuple jusqu’alors admiré, aimé, chéri de tous, dont le rationalisme le dispute à l’intelligence, un peuple dont le premier venu esquisse un sourire quand on lui annonce qu’il n’y aura bientôt plus de pétrole, car il sait assuré autant que radieux son avenir énergétique par la grâce hyper-sophistiquée des centrales nucléaires les plus sûres de toutes, quand les grosses brutes étrangères en sont encore à la tour à hélice, 

Affligeant une nation où la diffusion par radio des conseils de ralentissement pour éviter les pics de pollution sont complètement inutiles puisque les automobilistes les anticipent et roulent au pas ou marchent à pied dès qu’ils détectent un micro milligramme d’oxyde de carbone dans l’atmosphère, un pays où l’expression « respirer l’oxygène à pleins poumons à Paris, Lyon ou Marseille aux heures de grand trafic » a encore un sens, et pourquoi cette expression a-t-elle encore un sens ? Par un tout bête esprit de discipline qui consisterait à se soumettre aux ordres et aux lois ? Allons allons, laissons l’obéissance aux peuplades qui sollicitent l’entrée en civilisation. Ici il nous faut évoquer la belle idée de Responsabilité,

 Bravant toutes les règles internationales, 

Défiant le Droit du Peuple à disposer de lui-même, 

Bafouant la Déclaration Universelle des Droits de l’homme, 

Feignant d’ignorer l’œuvre du Chef Franc Clovis vainqueur des Romains, des Alamans, des Burgondes et des Wisigoths, ainsi que la Victoire de Charles Martel sur les Arabes à Poitiers, l’Annexion de la Normandie, de l’Amiénois, de l’Auvergne et de la Champagne par Philippe II Auguste, 

Pilonnant une Nation édifiée en mille ans, pierre par pierre, dans la souffrance, 

Reniant les acquis de la Grande, la très Grande Révolution Française, et ses Héros Jean-Baptiste Kléber vainqueur des Vendéens et Lazare Hoche qui sauva Dunkerque et repoussa Autrichiens et Prussiens, 

Feignant d’oublier les exploits de la Grande, la Très Grande Armée quand 

 

Leur bouche, d’un seul cri, dit : vive l’empereur !

Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur,

Tranquille, souriant à la mitraille anglaise,

La garde impériale entra dans la fournaise. (2)

 

Chassant de la Mémoire l’héroïsme des Soldats de la Reconquête (1) 

Maculant un Peuple, morcelant une Nation, altérant l’Histoire,   

Figeant un Destin,

 

Hélées en tapinois par le chafouin parti

De l’étranger, infâme ligue de félons,

Apostats de Sainte et Souverain’ Patrie,

Après moult conciliabules, conversations

 

Les Forces Armées d’Européenne Commission

Depuis Bruxelles, avec chars, canons et blindés

Dans Paris, en fanfare et au pas, sont entrées. 

 

§ 

 

(1) allusion probable à la restitution de l’Alsace-Lorraine à la France en 1919 ;

(2) selon Victor Hugo ;

 

 

08:40 Publié dans étrange | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europe, france

01/11/2014

Enfin une mesure sociale !

 

 

 On sait l'attachement des familles ouvrières, des pêcheurs, des petits agriculteurs et malheureusement -parce qu'elles existent aussi- des familles sans ressources pour la collection des oeuvres d'art. Quand on n'a pas le sou, n'est-ce pas une consolation de pouvoir contempler, accrochés dans son chez soi, quelques nymphéas de Monet, deux ou trois tournesols de Van Gogh, ici un croquis de Picasso, là un bronze de Giacometti ? Et bien les pauvres de chez nous pourront garder ces oeuvres chèrement acquises, car le gouvernement socialiste considère que ce ne sont pas là des richesses imposables. L'argumentation est simple: outre le souci des représentants du peuple de protéger les biens des déshérités, on craint en haut lieu une baisse d'activité des galeries d'art ainsi qu'une sortie du territoire des oeuvres faisant partie du patrimoine national. Pensez donc, ces salauds de pauvres seraient bien capables d'aller fourguer à l'étranger nos richesses culturelles pour échapper à l'ISF !

 

11:47 Publié dans étrange | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : oeuvres d'art, isf, impôt

29/04/2014

Mais enfin que voulez-vous ?

 

 

Le président s’était adressé à la personne assise au pied du mur. Pour comprendre comment on en était arrivé là, il faut reprendre au tout début par un discours qui ressemble à tous les autres. Que l’importance de la crise avait été sous-estimée, qu’il fallait réduire la dette sans diminuer l’efficacité déjà critique des services publics, que le chômage grâce à nos efforts constants était sur la voie de la stabilisation et plein d’autres choses encore que les français devaient connaître pour être rassurés et redonner à leur pays son lustre d’antan car ce n’est pas chez nous que les idées manquent encore moins les génies. Il fut question aussi de commémorations, de la condamnation des crimes et des guerres commis sur d’autres continents, de grands mots furent prononcés avec toute la gravité nécessaire. S’ensuivit un silence marqué de longues secondes. Le président évoqua le sort de ces gens qui dans la France du vingt-et-unième siècle, dans la France de la fusée Ariane, du TGV et de l’implantation d’un cœur artificiel, dans la France des droits de l’homme, de ces gens ici à quelques pas de vos caméras messieurs les journalistes, de ces gens qui en cet hiver de pluie et de grêle dorment dans la rue et quand je dis dorment, je ne le crois pas, je ne crois pas qu’ils dorment et vous le croyez vous ?

 

Personne ne répondait bien sûr car on n’était pas en conférence de presse, mais dans le palais et c’était seulement le discours du président, il y en a deux ou trois fois l’an à l’occasion d’un événement extraordinaire. Cette fois, d’extraordinaire, il y en avait un, c’était le même que l’année d’avant, et des années encore avant, le plus extraordinaire de tous car méchant et ravageur autant que permanent et rédhibitoire : la fuite des jeunes, des cerveaux, des capitaux et des usines. Habituellement, les présidents impuissants à juguler le désastre feignaient d’y apporter des solutions par quelques demi-mesures distillées ici ou là. Le nouveau pouvoir agissait de même, en y ajoutant toutefois ce petit plus, cette qualité essentielle mais trop souvent négligée par les hommes politiques: savoir parler d’autre chose, soulever des problèmes où il n’y en a pas. Mais comme la patience des peuples a des limites, et qu’ils aiment avant tout qu’on traite leurs problèmes, ce jour-là, l’homme de l’Elysée était bien ennuyé.

 

Et même coincé. Le piège.

 

Il aurait pu se désunir, comme ces patineuses qui ont chuté et qui doivent poursuivre leur programme en sachant que tout est foutu. Faisant preuve d’une grande maîtrise, il marqua un nouveau silence, et les français d’un bout à l’autre du pays jusqu’aux contrées les plus reculées furent comme pétrifiés. Les usines, celles qui avaient résisté à l’exil s’arrêtèrent, la fusée Ariane resta plantée sur son pas de tir, le TGV sans s’arrêter parce que c’est dangereux vu l’importance du trafic ralentit sensiblement. On dit, mais c’est une rumeur, que la queue d’une comète frôla le monde provoquant un doux frémissement de l’écorce terrestre, je n’en crois pas un mot, les observateurs du ciel nous auraient prévenus, et un vent de panique aurait parcouru tout ce que la terre compte d’humains. N’empêche, le président savait se taire quand il le fallait, ça lui donnait la stature d’un sage. Néanmoins il ne faut pas se taire trop longtemps car les gens se lassent. Ce qu’on leur pardonnera facilement car ils vivent à cent à l’heure dans une société où tout est mouvement, précipitation, bruit et fureur.

 

Et l’homme rompit le silence. Mesdames et messieurs, je vous le demande : Vous, le croyez-vous ? Et bien moi je ne le crois pas. Je ne crois pas qu’on dort sous la pluie et les grêlons, appuyé sur une descente de gouttière et mal protégé par des cartons. Non je ne le crois pas. Puis il remercia les personnes présentes et les millions de téléspectateurs pour leur attention et souhaita un long avenir au pays. Il regagna ses appartements. Quand les français furent endormis, une bonne partie d’entre eux pour le moins, l’homme quitta son palais et se dirigea en toute discrétion vers des quartiers où abondent les cinémas et les bars de nuit dont les trottoirs font le lit de ceux qui n’espèrent plus rien.

 

L’homme allait et venait. Quand la rue fut débarrassée des fêtards, il avisa une femme ma foi encore jeune affalée contre le mur d’un bar dont la lumière venait de s’éteindre. Des cartons épars l’entouraient, sa tête appuyée sur un linge pour la protéger de la froideur de la pierre, elle somnolait. Le président triturait un billet dans sa poche et dans l’autre des petites choses enveloppés de cellophane, certainement succulentes. Il hésitait. Respectueux d’une longue tradition qui veut que socialisme et charité ne font pas bon ménage, que la misère ne se règle pas à coups de billets de dix ou même de cent euros, même s’ils sont accompagnés de friandises, l’homme sortit vides les mains de ses poches. Il s’accroupit pour s’adresser à la personne qui n’avait pas bougé. Madame, désirez-vous quelque chose ? Elle ne répondait pas. Vous savez qu’il y a des foyers d’accueil, ce n’est pas bon pour vous de rester dehors, même s’il ne gèle pas, vous pourriez attraper quelque chose… Elle ne bougeait pas et ne levait pas le regard vers lui. Mais enfin madame, que voulez-vous ? Elle se redressa, le fixa du regard : La paix !

 

Au milieu du flot de paroles qui nous égarent un peu plus chaque jour, Diogène nous manque. Vous me direz, il y en a dans les rues. Peut-être, mais ils n’ont pas l’occasion de faire entendre leur vérité, la vérité. Ôte-toi de mon soleil disait-il au roi de Macédoine, c’est vrai, il l’a vraiment dit, c’est trop fort pour n'être qu'une légende.

Ces gens qui sont dans la lumière ne voient rien venir, en plus ils font de l’ombre et nous plongent dans l’obscurité.

 

 

§