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04/11/2024

Courage est une femme

 

 

Elle se promène, nue

Ou presque. C’est sur la place, les gens tournent,

Nonchalants

Ou pas. Ils passent et repassent,

Femmes vêtues de noir,

Hommes bigarrés, interloqués, fascinés

Ou presque, confondus oui confondus.

Sur place hormis les femmes, pas d’uniforme.

Elle se promène, virevolte, revient sur ses pas :

Démarche lente et mesurée.

 

Que deviendra-t-elle, qui sait ? Peut-être

Une bonne étoile,

Un sauveur inattendu,

Voleront à son secours ?

 

Mais de nous ici

 Elle ne peut rien attendre,

Car même pour les plus ardentes féministes,

Après une semaine de courageux combats,

Aujourd’hui

 C’est dimanche.

19/10/2024

Tergiversations

 

 

 Dans ses Essais (livre II, 12) Michel de Montaigne évoque l’instabilité de nos jugements. Ceux-ci varient selon nos affections, nos plaisirs et nos souffrances. Avec courage, il avoue :

« En mes écrits mêmes, je ne retrouve pas toujours le sens de ma première pensée ; je ne sais ce que j’ai voulu dire et m’échaude souvent à corriger et y mettre un nouveau sens, pour avoir perdu le premier, qui valait mieux. Je ne fais qu’aller et venir : mon jugement ne va pas toujours en avant ; il flotte, il vague,

…comme une frêle barque surprise sur la vaste mer par un vent furieux. (Catulle, XXV, 12) »

L’instabilité des jugements est un mal qui touche malheureusement un homme que vous connaissez bien. Capable d’affirmer un jour le contraire de ce qu’il avait dit la veille, c’est bien ce que relevait Montaigne pour lui-même. Le philosophe en avait conscience. Mais l’homme dont je parle a une particularité : il est homme d’état, en charge du pays. Si ses jugements varient selon ses affections, ses plaisirs et ses souffrances, qu’il prenne sa liberté, qu’il peigne, qu’il sculpte, qu’il chante ou anime des spectacles, pour un succès assuré et surtout sans promesses à tenir à des millions de français qui ne sont pas assez intelligents pour comprendre ses tergiversations.

17/07/2024

Naufrage

 

 

 Je vais sans doute choquer certains de mes lecteurs, mais on ne peut s’empêcher parfois de dire ce qu’on a sur le cœur. Voilà. Depuis quelques années, l’extrême gauche montre un visage qui n’a rien, absolument rien à voir avec ses origines, plus précisément avec les idées révolutionnaires. Qu’elle ait rompu avec les principes énoncés par ses maîtres à penser, ce n’est pas le plus grave. Penser et préparer la révolution suppose d’ailleurs qu’on refuse toute obéissance aux dogmes. Le problème est ailleurs et bien plus profond.

 L’extrême gauche a rompu ses liens avec la classe ouvrière. Depuis plus d’un siècle et demi, cette dernière était la base, le pilier, la raison d’être de la pensée révolutionnaire. On ne pouvait concevoir le socialisme comme un sujet de conversation dans des salons où l’on cause, ni comme une opinion parmi d’autres : car il en allait du sort de l’humanité. De l’émancipation de la classe ouvrière, de son appropriation des moyens de production dépendaient l’avenir des peuples, le bonheur sur terre. Les premiers socialistes se sont efforcés sans relâche de défendre les revendications des travailleurs, de favoriser la création d’associations et de syndicats, sans jamais oublier que ce combat contribuait à créer et développer la conscience de classe, car rien ne pouvait être obtenu des capitalistes sans l’unité de ceux qui se battaient pour vivre. Unité dans l’atelier, dans l’usine, unité au niveau planétaire : Prolétaires de tous les pays unissez-vous !

 Le mouvement ouvrier a connu des succès indéniables. Mais la progression des salaires, l’amélioration des conditions de travail, la sécurité sociale, les congés payés n’ont pu être obtenus qu’au prix de luttes, de grèves et de sacrifices, parfois jusqu’à la mort dans des affrontements avec les forces de l’ordre, ordre d’un monde injuste, inégalitaire aux mains d’une minorité d’hommes propriétaires de tout. Certains succès ont éveillé l’espoir de voir changer les choses. La révolution russe, qui coïncidait avec la fin de la guerre meurtrière de 1914-18 montra pour la première fois qu’un peuple résolu, organisé, pouvait tenter de mettre un terme à l’exploitation de l’homme par l’homme.

 Comment aurait-on pu imaginer une suite aussi tragique ? Comment aurait-on pu prévoir que la classe ouvrière pour la première fois victorieuse allait porter au sommet de son état une bande de bureaucrates sans foi ni loi, n’ayant d’autre ambition que de se maintenir au pouvoir par des manipulations et la violence, en profitant de tous ses avantages, cela au prix de famines, de déportations et de millions de victimes, par l’instauration d’un système policier impitoyable ? Qui aurait imaginé cela au mois d’octobre 1917 ?

 Même en 1989 quand tout a implosé, il y avait des gens pour y croire encore. Va-t-on leur reprocher quand on sait que pour beaucoup de travailleurs, militants, sympathisants communistes, socialistes et même sans partis, l’URSS et les « démocraties populaires » étaient annonciatrices d’un monde nouveau en construction, alliant progrès social et amitié entre les peuples ? La déception fut à la mesure de l’immense espoir que 1917 avait suscité. La chute du mur de Berlin et du rideau de fer plongea des millions de gens de gauche, ici en occident, dans le désarroi. Même les trotskistes qui avaient espéré une révolution politique et la fin du stalinisme ont dû reconnaître que les événements n’allaient pas dans le « bon » sens de l’Histoire. Dans les faits, le programme de la Quatrième internationale ne s’était pas vérifié. Et le plus insupportable pour la gauche tout entière fut de reconnaître la victoire du capitalisme.

 Le mur est tombé. Comme ces maisons en construction d’où sortent des fers à béton rouillés et qui restent comme cela, abandonnées et tristes car on ne peut s’empêcher de penser qu’une famille en avait fait un projet pour la vie, et puis la vie en décida autrement, comme ces ruines qu’on rencontre dans des lieux déshérités, le communisme n’a pas été édifié. A-t-il seulement commencé à l’être ? Alors des millions de gens se frottent les yeux, se disent que tout est foutu. Beaucoup plus que cela : c’est leur combat, leur foi, leur vie qui s’écroulent. Non seulement il n’y a plus rien, mais on s’est trompé. Tout ça pour ça. Terrible. Peut-on avec des mots commenter  la profondeur de leur désespoir ? Seul peut-être le théâtre pourrait le faire.

 C’est d’ailleurs ce qui se passe aujourd’hui. Nos nostalgiques ont tout perdu, leurs illusions et la classe ouvrière. Désorientés, en pleine démocratie ils jouent aux antifascistes, s’inventent de nouveaux idéaux, renouent avec l’éternel antisémitisme. Dépourvus de toute base sociale, ils se cherchent un nouveau prolétariat dans les populations issues de l’immigration, et là…ils rencontrent le pire ennemi de la classe ouvrière : le fondamentalisme religieux. Mais ce qu’ils semblent ignorer, c’est que si ce dernier l’emporte un jour, il ne fera de cadeau à personne, même à la gauche.

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