27/12/2011
"Fêtes de la Nativité endeuillées au Nigéria: 40 personnes en mal d'être"
C’est-y pas là un titre politiquement correct ? Car savez-vous…
…On ne doit pas dire :
« Des attentats meurtriers ont été commis au Nigeria par des islamistes qui ont lancé des explosifs dans une église au moment où les chrétiens étaient rassemblés pour assister à la messe de minuit. »
On doit dire :
« Des tensions intercommunautaires ont gâché les fêtes de Noël au Nigéria. »
C’est là toute la finesse de la langue pratiquée par les estafettes de Sainte Diversité Culturelle.
C’est là aussi l’image de notre propre lâcheté, habitants d’un pays à majorité chrétienne, incapables que nous sommes d’appeler les choses par leur nom : un crime un crime, un innocent un innocent, un musulman un musulman, l’intolérance l’intolérance, un islamiste un abruti. Incapables que nous sommes de manifester notre solidarité avec ceux qui, à deux France d’ici, sont persécutés à cause de leurs croyances religieuses.
Nos chrétiens à nous pourront-ils un jour regarder dans les yeux un copte, un catholique de Syrie, un évangéliste nigérian ?
18:07 Publié dans Colère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nigeria, chrétiens persécutés, islam, islamistes, intolérance
21/12/2011
Hommage à Vaclav Havel
Une coïncidence troublante. Le lendemain du décès d’un homme admirable, combattant inlassable pour la liberté et la démocratie, voilà qu’un tyran de la pire espèce vient à mourir. Il paraît qu’un peuple le pleure. Comédie. Propagande. Pauvres gens privés de tout, des libertés bien sûr, mais d’un bien être minimum, qui se cachent pour savoir, et qui savent surtout, car l’état totalitaire les y oblige : faire semblant.
Les tchèques eux ne font pas semblant. Ils pleurent la disparition d’un homme courageux qui a osé, dans les pires conditions, mettre en cause l’ordre imposé. Un combat qu’il n’a cessé de perdre, car en ces temps les résistants étaient bien seuls. D’ailleurs en France aussi, ceux qui ne cachaient pas leur joie de voir le peuple tchèque connaître enfin le printemps étaient regardés avec méfiance. Mais pourquoi donc ? Parce que c’était s'accorder le droit de regard sur le système communiste, mettre en doute les vérités assénées tous les matins à la une de l’Humanité, mettre en cause la sainte union de la gauche. Les religieux ont un mot pour désigner cet écart, outrage au dogme : blasphème.
Ce combat pour la démocratie Vaclav Havel n’a cessé de le perdre, jusqu’au jour où les initiateurs de la Charte 77 – un manifeste pour le respect des droits de l’homme - trouvèrent un écho suffisant dans le pays pour provoquer l’implosion du système, un système qui ne s’appuyait sur rien d’autre que le mensonge, la violence, et la menace des chars soviétiques.
Nous étions à Prague quand le misérable Husak envoyé de Moscou faisait régner l’ordre. Il nous fut impossible de rester même un court instant au centre de la place Jan Hus (1), à l’endroit mémorable où Jan Palach s’était immolé le 16 janvier 1969. Sacrifice symbolique d’un jeune homme ivre de liberté quand toutes les questions, les demandes de réforme restent sans réponse. Des policiers en civil étaient partout, mais vite identifiables car les gens ordinaires eux ne flânaient pas, ils allaient à leurs occupations.
La démocratie, les Tchèques et les Slovaques la doivent à eux-mêmes, certes, et aussi à Vaclav Havel et à ces intellectuels, ces artistes, ces travailleurs qui affrontèrent la force aveugle du grand frère soviétique en août 1968, la démocratie ils la doivent aussi à Alexandre Dubcek ce diplomate courageux qui tenta l’impossible pour faire fléchir les gardiens du régime.
Avec la mort de cet homme une page se tourne. Le printemps de Prague restera dans les mémoires, ce fut un rayon de soleil qui éclaira un court instant le monde. Un rayon de soleil aussi dans ma vie. J’ai cru qu’on allait en finir avec le mensonge, qu’une société enfin humaine allait voir le jour.
Combien d’années a-t-il fallu, combien de victimes, de désespoir et de souffrance pour qu’enfin la bête immonde rende l’âme ! Combien de mensonges a-t-il fallu supporter, mais surtout le silence, ce silence coupable qu’on vous intimait de respecter en vous laissant croire que le communisme était une chance pour le monde du travail, que bon gré mal gré, au-delà des procès truqués, des aveux extorqués, des camps et des hôpitaux psychiatriques, quelque chose de nouveau s’édifiait, qu’il fallait laisser le temps au temps. Ces gens-là sont muets aujourd’hui, ou ils ont perdu la mémoire, ou ils ont d’autres chats à fouetter, ou d’autres ambitions. Ce sont des petits, des tout petits. Je les méprise.
Hus, Palach, Havel. Des hommes. Des grands hommes. De ceux qui font l’histoire.
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(1) Jan Hus, recteur de l’université de Prague était un théologien réformateur, qui n’hésita pas à critiquer le dogme catholique. Il fut excommunié, condamné pour hérésie, brûlé vif en 1415. Pour le peuple tchèque, il est un symbole, celui de la résistance à l’oppression.
11:21 Publié dans portraits | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vaclav havel, tchéquie, tchékoslovaquie, communisme, charte 77
18/12/2011
Au village sans prétention...
A la sortie de l’école, tous les jours il était là. Il n’avait pas l’air normal. Il était louche, a dit une mère de famille.
L’autre fois, appuyé contre un poteau, il mangeait un yaourt avec une cuillère. Il avait une attitude suspecte. Il n’était pas net. On n’avait pas confiance. Il regardait les enfants. Moi je cachais ma fille derrière moi. J’avais peur pour mes enfants. On avait appelé la police. Elle n’est jamais venue. Le directeur est sorti une fois ou deux pour lui parler, lui demander de s’en aller. Toujours il revenait, a dit une autre, mais personne ne s’en approchait.
Une fois, il a été vu tenant par la main une fillette qui avait dû s’égarer. Il l’a ramenée à l’école, et l’a rendue à un membre du personnel. Les parents de la fillette ont porté plainte au commissariat.
Cela ne pouvait plus durer. Il en va des enfants. On n’en pouvait plus d’avoir peur. L’homme a été poursuivi par des passants et rattrapé à l’entrée de son immeuble. Après, la police est arrivée. Ils l’ont menotté, ils l’ont embarqué, et dans la voiture il a fait un malaise.
Une mère de famille a dit : Il est mort, je n’ai pas de réaction. Je pense que c’est un mal pour un bien. Maintenant je suis tranquille.
La voisine de l’homme dans la petite tour grise de six étages a dit qu’il n’était pas méchant du tout, qu’il était différent, que les gens étaient durs avec lui parce qu’ils avaient peur. Il ne savait pas se défendre. Il parlait mal, on ne comprenait pas ce qu’il disait. Les gens l’agressaient dans la rue, surtout les jeunes. Ils l’insultaient. Il ne méritait pas ça. Il a été effrayé par la police.
Il y a des milliers d’hommes qui meurent chaque jour. Et pour nombre d’entre eux sans que cela soit mérité. Je pense aux personnes qui n’ont pas de logis, qui passent l’hiver dans la rue. Certains ne voient pas le printemps, ils ne résistent pas au froid. Mais l’image de cet homme-là, dont on ne sait rien, même pas le nom, l’image de cet homme restera gravée dans ma mémoire. C’est l’Injustice. Il faudrait un Le Nain pour la peindre, un Victor Hugo pour l’écrire, un Vittorio De Sica pour la présenter au public, à cette femme qui n’a pas de réaction, qui pense que la mort d’un innocent est un mal pour un bien, et qui maintenant dort sur ses deux oreilles.
La voisine dans la petite tour grise a dit des choses bien. Le genre humain existe encore.
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11:12 Publié dans Colère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rumeur, cabale, innocence, injustice

