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09/08/2022

Il faudrait oublier, tout oublier

 

 Mépris des vieux, représentation critique de ce que nous étions, de comment nous vivions, de la société d’avant. Aujourd’hui il est hors de question de dire que c’était mieux avant. Comme le disait très bien – et avec assurance- Michel Serres, avant cher monsieur il y eut des guerres terribles, des millions de morts...alors comparé au pire des attentats qui aujourd’hui ne fait que quelques centaines de victimes... Ironie mal venue cher philosophe, car le malheur et la misère humaine ne se chiffrent pas. Puisque vous parliez des morts, iriez-vous dire que la dernière a fait 40 millions de victimes, quant à Auschwitz et dans l’ensemble de l’univers concentrationnaire nazi “il n’y en eut que 6 millions” ? Oseriez-vous comparer les victimes d’une guerre entre des hommes armés, à l’extermination de femmes, d’hommes et d’enfants pour la seule raison qu’ils existaient? Non vraiment, même si aujourd’hui les guerres ne sont plus mondiales, il y a suffisamment de misère dans le monde pour mettre un bémol au “c’est mieux maintenant”. Et ce n’est pas seulement le problème de la misère. C’est que la bête immonde comme on l’appelait au temps des nazis, cette bête respire encore, même si elle prend des formes différentes. Travestie, elle se dissimule sous les habits de la modernité, avec un programme chargé, une prétendue nouvelle et totale libération des femmes, l’admiration sans borne des peuples autrefois colonisés et qui seraient fondés à juger les descendants et les enfants des descendants des colons d’occident, la condamnation sans appel de tout ce qui ne vient pas d’ailleurs, d’Afrique de préférence. La bête ne tue pas, mais elle veut faire entrer de force dans notre monde les idées qu’elle a dans la tête, elle accuse, elle décrète, elle divise, elle condamne.

 Elle veut tout régenter. Décider pour nous comment il faut vivre, ce qu’il faut dire, ce qu’il ne faut pas dire. Elle interdit les philosophes à l’université. Quand elle parle, elle, c’est parole d’or. La Vérité en un mot comme en cent. Au point qu’il nous arrive de nous demander si nous ne sommes pas nous-mêmes restés cramponnés sous l’aplomb rocheux d’une montagne de préjugés vieux comme le monde. Voilà: nous sommes les derniers défenseurs d’une société dépassée, réactionnaire, méprisable. Quand eux, ces clowns qui se prennent pour les hérauts d’un monde nouveau, annoncent avec un courage exemplaire la révolution dans les esprits, les pensées et les mœurs. Courage, oui, car il en faut pour condamner le sapin des fêtes de Noël. Pour s’en prendre au Tour de France cycliste et aux bateaux à voile qui menacent l’environnement. Critiquer et même ridiculiser l’élection de Miss France. S’inviter dans les rêves des enfants pour y faire des ratures. Pour culpabiliser les propriétaires d’un pavillon avec jardin. Certes, pour faire bouger les conservateurs que nous sommes, les explications, même déclamées, ne sont pas suffisantes. Alors ils provoquent, vilipendent les derniers défenseurs de la république que sont les policiers. Ils ont osé le dire : la police s’en prend au peuple, « elle tue ».

 Quand des femmes et des hommes en arrivent à de telles extrémités, c’est qu’ils n’ont rien à proposer, rien à construire. Plus ils hurlent, moins on les écoute. Vraiment ? Je n’en suis pas sûr. Car nous assistons à un phénomène qui dépasse largement les élucubrations de quelques écologistes ou gauchistes fanatiques. La fête de Noël et son sapin, le pavillon avec jardin et le Tour de France cycliste sont pour ces nouveaux révolutionnaires des scories d’un passé révolu auquel ils peuvent accoller tous les adjectifs qui confortent leur loi : vieux, dépassé, réactionnaire, bourgeois. Faire fi des traditions, regarder devant nous, voilà ce qu’on entend. Mais comment peut-on dessiner un avenir si nous oublions tout, si nous tirons un trait sur l’histoire qui a fait ce que nous sommes ? Certains vont plus loin, veulent déboulonner les statues, examiner et juger dans le détail ce qui dans notre passé doit être éliminé, liquidé. Ces nouveaux « tribunaux » s’attaquent à ces hauts personnages qui, à une époque, ont participé à la colonisation, au rétablissement de l’esclavage, et qui, d’une manière ou d’une autre, ont agi à l’encontre du progrès humain. Peut-on réécrire l’histoire en affirmant ce jour : « voilà, ce qu’il faut retenir de l’Histoire, c’est ce qu’on vous en dit aujourd’hui !»  Qui « on » ? Comme si le jugement de quelques intellectuels sur les siècles passés avait valeur universelle !

 Moins violents dans le propos, mais pas moins inquiétants, sont ces gens qui voudraient bien en finir avec les commémorations. Je l’ai entendu : « C’est vieux tout ça... ». Il est plus inquiétant d’entendre que l’extermination de six millions d’innocents, c’est du passé et qu’il faut tourner la page, si c’est susurré par des millions de personnes, que d’entendre que les chambres à gaz n’ont pas existé, si c’est hurlé par quelques fous.

 Oui, c’est une évidence, la bête respire encore.

 Ce nouveau fanatisme se complait dans une société où nous sommes perpétuellement sollicités par l’attrait du nouveau, du changement, du renouvellement: on zappe, même en plein milieu d’un film. On fait ses devoirs téléphone collé à l’oreille. Abreuvés d’images, les enfants ne sont pas concentrés plus que quelques minutes. Certains connaissent par cœur les slogans publicitaires et ne peuvent - sans s’ennuyer - assister à un spectacle qui fait appel aux sentiments, qui incite à réfléchir. Les lenteurs de la réflexion et de la méditation sont mal vues, moquées. Rien ne compte plus que la rapidité d’exécution, le SMS en trois mots, le clic de la souris. En donnant tous les pouvoirs à l’informatique, on fait la part belle à la débrouillardise, au plus rapide, au plus malin. En accordant la préférence à la technique, on passe un mois de vacances en ne voyant du paysage que ce qui apparaît sur un écran de huit centimètres. Le nez collé aux instruments, on oublie l’essentiel, l’autre, les autres, la vie.

 

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14/07/2022

Paroles

 

 

La vie, si elle n’est pas toujours drôle, est heureusement parsemée d’une multitude de petits plaisirs. Il y a les chocolats de Noël retrouvés en rangeant les placards, les anciennes photographies redécouvertes dans les boîtes à chaussures, la perspective de vacances prochaines, les fou rires en repassant une cassette d’Alex Métayer, apprendre que les enfants malgré le monde sur les routes, sont arrivés à bon port, la venue du printemps avec les jours qui s’allongent, le vent qui se calme après la tempête, bref même si parfois les mauvaises nouvelles nous découragent, c’est bien rare qu’il n’y ait pas un lendemain qui chante.

 Là où on prend le plus grand plaisir, c’est en compagnie des autres. Réunions entre amis, voisins, famille, enfants. Pas de grands discours, seulement de petites choses. Le son des glaçons tombés dans les verres, les yeux qui brillent, les voix qui s’élèvent, les éclats de rire, les points de vue qui s’accordent, les avis qui divergent, les opinions de plus en plus tranchées après le deuxième, parfois le troisième verre. Et puis ce plaisir ultime, celui qui sort de votre bouche, de dire simplement, comme conclusion définitive, bien que vous n’en pensiez peut-être pas un mot, mais parce que ça fait du bien, et surtout parce que –tel un pacte de non-agression- cela met tout le monde d’accord, vous dîtes : Ils sont tous pourris !

Non mais vous imaginez, au milieu d’un groupe, un gugusse qui oserait…

« On a quand même de la chance d’avoir un bon président, un gouvernement responsable, une France qui va mieux, des femmes et des hommes politiques au-dessus de tout soupçon ! »

…pouvez-vous imaginer cela ? Bien sûr que non. Plus il y a de monde, plus il faut élever la voix, et lancer les phrases qui tuent. Et c’est là que je voulais en venir. Quel plaisir cela peut être de dire en posant son verre bruyamment sur la table : Ils sont tous pourris ! A moins d’être au milieu d’une assemblée de Témoins de Jéhovah, d’un groupe de paroles engagé dans la lutte anti-alcoolique ou en plein Conseil des ministres, personne ne vous contredira.

 La dernière fois que j’ai entendu cette boutade, un accord total s’est fait autour de la table. Ah pour ça oui, ils sont bien tous pourris. En réalité, personne ne partageait vraiment l’avant dernier mot. Pourris d’accord, mais pas tous. Dans l’esprit de beaucoup, le pourrissement se développe seulement en haut, dans la sphère des gens qui sont susceptibles d’exercer le pouvoir, ou qui l’exercent réellement. Le président, les ministres, les préfets, les patrons, les dirigeants des partis et des syndicats, tous sont pourris. Le pourrissement n’englobe pas ceux qui défoncent le portail d’un ministère à l’aide d’un engin de chantier, ceux qui profanent les monuments commémoratifs et les édifices religieux, ceux qui piétinent en chantant l’effigie d’un président, ou qui défilent derrière la tête en carton d’un président brandie au bout d’une pique, qui mettent le feu à un établissement supposé fréquenté par les riches, ceux qui ont la haine parce qu’ils ont subi un échec aux élections, bref, le pourrissement est sélectif. Et quand un ingénu répond à mi-voix qu’il n’aimerait pas être à la place du président, le ton baisse d’un bémol. Mais il y a toujours quelqu’un pour dire que le haut personnage de l’état en est arrivé là pour s’en mettre plein les poches. Ce qu’il feint d’ignorer, c’est que le président, s’il avait voulu s’attirer les faveurs de Fortune, aurait été plus convaincant en exerçant avec talent son métier, plutôt qu’en s’engageant en politique.

 

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29/05/2022

Antifas

 

 

On critique beaucoup l’extrême droite. Ce qu’on oublie de dire, c’est qu’elle accorde à peu de frais une bonne conscience à nombre de ses détracteurs. A peu de frais, car il suffit d’apparaître quelques minutes sur les pavés de Paris, d’élever la voix autour d’une table ou de cliquer au bas d’une pétition pour se donner des airs de combattant anti-fasciste.

On réside à vingt lieues des zones de non droit, mais on clame autour du barbecue que tout le monde est très gentil, ou presque. Les femmes et les honnêtes gens se verraient interdire l’accès dans les commerces, les cafés et les quartiers qu’on les tiendrait pour menteurs ou identitaires.

Bon, critiquer l’extrême droite est bon pour le moral du bourgeois tranquille dans son jardin. Il ne croit que ce qu’il voit, et comme il est loin de tout, à cent lieues du chômage, de la misère, de la détresse et de l’injustice, il est un révolté contenu, un insurgé rentré. S’il lui arrive d’être extrême, c’est dans la modération. Ses virulences sont rares mais démonstratives. Au-delà des idées, des convictions, plus forte que toutes les indignations, la bonne conscience écrase tout sur son passage à commencer par la conscience.

Le fachophobe d’aujourd’hui est à l’anti-fasciste réel ce que le héros de Cervantès est au combattant anti-franquiste de 1936.

 

 

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