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21/11/2022

Bréville-sur-mer: un spectacle inoubliable

 

Le professeur Anselme enleva sa blouse et sortit, encadré par deux hommes en uniforme. Les chaînes d’information relatèrent l’arrestation de l’un des plus remarquables oncologues du pays. Plusieurs femmes l’accusaient de harcèlement et d’agressions sexuelles dans le milieu hospitalier. Il fallait s’attendre à un jugement sévère, car vu la position hiérarchique du prévenu, les circonstances seraient aggravantes.

 Je n’ai jamais revu le docteur Anselme. Si j’en avais eu l’occasion, que lui aurais-je dit ? Je me rappelai les discussions en classe après le cours de philosophie. Echanges animés entre les adolescents engagés que nous étions: pouvait-on admirer l’œuvre d’une personne dont les actes étaient condamnables ? Rimbaud était un grand poète, mais… Céline un écrivain de talent, mais… Heidegger un immense philosophe, mais… Les jugements contradictoires enflammaient la classe, il ne s’agissait pourtant que de cas qui ne nous concernaient que de loin, des cas d’école. Le professeur Anselme m’avait sauvé la vie. Ni son nom ni le mien n’étaient évoqués dans le manuel de philosophie de terminale. C’est finalement ma fille qui, sans hésitation, avait vu juste: d’abord la vie, ensuite l’essentiel: la lutte sans condition pour les droits et la dignité des femmes.

 Je pensais profiter de quelques semaines de convalescence pour me reposer, lire et pratiquer ma passion, la photographie de paysages. Mais Sonia vint interrompre ce beau rêve. Elle avait réservé une place dans les gradins aménagés sur les hauteurs de Bréville-sur-Mer, pour assister au lancement de la fusée qui devait emporter une femme et deux hommes pour la première fois sur la planète Mars. Ayant comme astrophysicienne largement contribué à la mission, voyage, repas et hébergement lui étaient offerts par l’agence spatiale européenne.

 Un spectacle inoubliable. Silence dans les gradins, silence sur l’aérodrome, la fumée rougeoyante enveloppe le lanceur qui s’élève. Et quelques secondes après, l’explosion, assourdissante. Trois humains ont quitté la Terre pour un voyage interplanétaire, un grand moment dans notre histoire, à vous faire tout oublier. (...)

 

(à lire dans "Là-bas, tout près", recueil de nouvelles, aux éditions Vérone)

17/11/2022

Avis de recherche

 

On peut être inquiet. Alors que des femmes courageuses manifestent dans les rues d’Iran, d’abord en hommage à Mahsa Amini, et pour faire valoir leur droit de s’habiller comme elles l’entendent, alors que la dictature religieuse tire à balles réelles, voilà qu’ici... on est sans nouvelles de nos féministes! Où sont-elles passées? Pendant un court instant on a cru s’être trompés: deux ou trois d’entre elles (la tendance dure) sont apparues sur les plateaux de télévision pour se couper une mèche de cheveux, et puis pfffuit… le silence est revenu.

 Que s’est-il passé pour que des combattantes d’ordinaire si résolues, toujours prêtes à en découdre avec le timide auteur imprudent d’un propos déplacé, prennent subitement la poudre d’escampette, quand à Téhéran des femmes se font descendre à bout portant parce qu’elles veulent simplement exister? Je crois savoir.

 Elles sont en réflexion. Elles méditent. Elles se demandent enfin, et ce n’est pas trop tôt, si leur noble admiration pour la diversité des cultures ne les a pas conduites à une impasse. Diversité, oui. Mais jusqu’où? Jusqu’au port du voile pour le sexe féminin depuis le plus jeune âge? Se soustraire aux cours d’éducation physique à l’école? Plonger dans les piscines sans respecter les règles élémentaires d’hygiène?

 Ah ça, elles vont en mettre des sujets sur la table, nos militantes! Leurs discussions doivent être animées. Mais rassurez-vous, elles vont nous revenir fringantes, et les ayatollahs d’ici et de partout n’ont qu’à bien se tenir!

 

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17:10 Publié dans Colère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : iran, femmes, féministes

14/11/2022

Sommes-nous tous mortels?

 

 

L’imagination des humains est sans limite. D’Ulysse à Harry Potter, sans oublier les elfes, les fées et les ogres, nous avons inventé les histoires les plus haletantes, jouées par des personnages tellement vrais qu’ils en sont presque réels. Mais certains d’entre nous sont incrédules et, comme saint Thomas, ne croient que ce qu’ils voient. Erreur, grave erreur répondit Jésus en taclant les humains : « Ils ont des yeux et ne voient pas ».

 Ainsi, dans les dernières pages du recueil de nouvelles « Là-bas, tout près », un des cosmonautes de la station spatiale doute de l’existence réelle de Wolf qu’ils ont récupéré alors qu’il flottait dans l’espace. Helen lui apprend que Wolf faisait partie de l’expédition interplanétaire préparée par le professeur Tournesol. Mais l’autre n’en croit rien. Trop jeune. Il n’existait pas encore quand Hergé conçut la première fusée spatiale qui propulsa ses personnages vers la lune. Hélène marque un temps, et laisse entendre que, quand nous serons tous morts, Tintin et Milou existeront encore.

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