16/06/2023
Xi et le peuple américain
Le dirigeant chinois vient de dire beaucoup de bien du peuple américain. Faut-il s’en étonner comme le font certains journalistes, et penser qu’il y a un tournant positif dans la diplomatie chinoise ? Ce serait oublier les fondamentaux de l’idéologie communiste (stalinienne). Celle-ci s’est toujours présentée comme la représentante des intérêts des peuples du monde. Elle se dit internationaliste. Xi Jinping respecte donc les principes.
Ici en France, ne reprochez jamais à un militant de cette idéologie son antiaméricanisme, il vous rétorquera que ceux qu’il faut combattre ce sont les représentants de l’impérialisme américain, et non les millions de travailleurs qui subissent l’exploitation capitaliste.
Encore que… Dans certains milieux d’extrême gauche il n’est pas défendu de s’en prendre aux américains quand ils ne sont pas de couleur. Dans ce cas, on ne parle plus de travailleurs subissant l’exploitation du capital, mais de blancs racistes.
Comme quoi Xi a encore du travail à faire pour convaincre ses frères d’armes en occident que le peuple, c’est tout le monde, quelle que soit la couleur de la peau.
11:45 Publié dans Autour d'un mot | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chine, xi jinping, amérique, antiaméricanisme
04/05/2023
Casseurs
Mépris pour les symboles et les valeurs de la république, haine de la police et des institutions, goût prononcé pour la violence, aptitude particulière à se cacher et se fondre dans la foule, voilà les révolutionnaires des temps nouveaux.
Il fut un temps où le socialisme à l’est faisait tourner à plein régime l’idée révolutionnaire. Le goulag et la faillite du communisme ont tout remis en cause. En manque d’un idéal crédible et mobilisateur à proposer, l’extrême gauche est en errance. Il y a le dépit, même la rage, d’avoir perdu la guerre contre le Grand Satan, mais aussi ces casseroles que les révolutionnaires encore actifs traînent derrière eux. Après le goulag, aller convaincre les peuples que le socialisme peut être encore aujourd’hui une perspective pour l’humanité ? La violence des manifestations avec la présence quasi permanentes de casseurs, peut s’expliquer par ce trou béant laissé dans la mémoire collective. A court d’arguments les esprits s’échauffent, c’est humain. Quand il n’y a plus rien à croire, c’est désespérant.
« …mais que feriez-vous donc sans « ennemis » ? Mais vous ne pourriez plus vivre, sans « ennemis » ; la haine qui n’a rien à envier à la haine raciale, voilà l’atmosphère stérile que vous respirez… » (1)
A ces fous de tout, il faudra qu’un artiste érige une statue. Fière, puissante, la République se dresse. Elle est magnifique. Elle prend quelque repos, s'appuie sur la tête d'un homme qui chancelle. Les deux trous de sa cagoule ne sont plus en face des yeux. Une boule de pétanque tombe de sa main (2). Sur le marbre de son dos, un espace laissé libre par le sculpteur permettra au passant amusé de faire des petits dessins, croix gammées, faucilles, marteaux et sur le socle on lira, gravé dans la pierre : « Ære perennius exegi monumentum » (3).
(1) Soljénitsyne, lettre au secrétariat de l’Union, le 12 novembre 1969
(2) La boule de pétanque comme arme par destination remplace « avantageusement » le pavé car elle épargne au casseur le laborieux dépavage des rues.
(3) « J'ai érigé un monument plus durable que l'airain. »
10:22 Publié dans Colère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cagoule, casseurs, police, manifestation, démocratie
24/04/2023
La voie balte en danger
Suite au Pacte germano-soviétique :
du 17 juin 1940 au mois de juin 1941, la Lettonie fut occupée par les forces militaires soviétiques.
Suite à la rupture du Pacte :
de juillet 1941 à juillet 1944, la Lettonie fut occupée par les forces militaires de l’Allemagne nazie.
Suite à la victoire de l’URSS sur l’Allemagne nazie :
de juillet 1944 au 21 août 1991, la Lettonie subit sa troisième occupation, cette fois encore par les forces armées soviétiques.
(extrait du recueil de nouvelles "Là-bas, tout près", la scène se passe en 1989)
- Olga, raconte-nous! Tu devais nous parler de papa et de grand-père Nikolajs…
- Votre papa, vous savez où il est. Un de ces jours, quand nous aurons de meilleures nouvelles, nous lui rendrons visite tous les trois. On passera la journée à Riga, il y a des cinémas, des restaurants… Vous êtes grands maintenant, mais savez-vous, revenir sur le passé, c’est difficile, c’est triste.
Reinis:
- Au lycée on en parle!
- Votre grand-père... Il faut revenir sur ces terribles journées de 1941. Les derniers jours de l’occupation soviétique ont été très durs. Les 13 et 14 juin, plusieurs milliers de gens, dont 2400 enfants de moins de dix ans furent arrêtés sans aucun jugement. Certains furent surpris en pleine nuit, et durent faire leur baluchon en vitesse, rassemblant vêtements et un peu de nourriture. A la gare, femmes et enfants étaient séparés des hommes, puis entassés dans des wagons à bestiaux, destination inconnue. Dans l’un des convois de juin 41, il y avait votre grand-père Nikolajs.
- Qu’est-ce qu’il avait fait?
- Il était officier dans l’armée lettone avant l’arrivée de l’Armée rouge. Depuis le 10 juillet 40, l’armée passait progressivement sous le contrôle idéologique des soviétiques. Mais une certaine résistance patriotique se manifestait parmi les soldats. Le Corps dont faisait partie Nikolajs fut envoyé dans le nord, et ses officiers reçurent l’ordre de se rassembler pour un “entraînement spécial”. C’était un piège. Ils furent tous désarmés, arrêtés et déportés à Norilsk en URSS, au-delà du cercle polaire. Il ne revit jamais sa terre natale. Il ne connut pas son fils Jazeps né quelques mois après.
- Tante Olga, tu pleures?
- C’est à Riga, un triste jour, que mon Oswals a été arrêté. On était en 1968. Je l’ai attendu des jours et des jours. En vain. Un camarade du Mouvement est venu un peu après pour me dire qu’il avait été dénoncé et que la Milice suivait ses traces depuis longtemps. Ils ont attendu, et finalement ils ont arrêté tout le réseau. La Résistance en a pris un coup, pas seulement dans la capitale. On ne sait pas ce qu’ils sont devenus. Moi je le sais. Connaissant les méthodes de la Milice, je le sais. Mais d’autres patriotes ont repris le flambeau, et le Mouvement pour l’indépendance de la Lettonie a même pris de l’ampleur car la population supportait de plus en plus mal l’Occupation.
(…)
- A propos, pourquoi sommes-nous ici aujourd’hui, endimanchés, prêts à rejoindre tous ces gens dans la rue?
Reinis:
- Parce que nous sommes le 23 août 1989, c’est le cinquantième anniversaire du Pacte germano-soviétique.
- Oui, cinquante ans! Nous allons tous ensemble tourner une page, j’espère pour toujours. En avant!
Ils sortent tous les trois, Reinis et Aija retrouvent des camarades de classe, Olga des amies du quartier. Mais il faut se presser, le maire donne les consignes par haut-parleur:
- Mes chers amis, il me reste cinq minutes pour vous dire quelques mots. Tous, ici, aujourd’hui, vous auriez pu les dire. Il y a cinquante ans deux dictateurs fous ont signé un pacte contre nos parents, nos grands-parents, contre les millions d’habitants de la Lettonie, de la Lituanie, de l’Estonie. Mais en fait ce pacte était signé contre l’humanité entière, car la guerre qu’ils ont provoquée a été menée avec cruauté contre les peuples, contre des millions d’innocents. Aujourd’hui nous sommes deux millions de personnes, de tous âges qui allons, de Tallinn à Vilnius en passant par Riga et par notre village, qui allons en nous donnant la main, former une chaîne humaine. Contre toutes les dictatures, de droite comme de gauche, de l’est et de l’ouest, symbole de la paix, nous proposons au monde la Voie balte. Ne craignez rien. La milice anti-émeute n’interviendra pas, bien qu’elle respire encore, il ne lui reste que quelques jours à vivre. Soyons vigilants! Merci d’être là. Merci.
Le maire est applaudi. Une sirène retentit. Elle annonce l’heure convenue, le moment précis où trois peuples doivent se donner la main. Aija, Reinis et tante Olga se rangent dans la chaîne. La petite serre la main d’Inese sa copine de classe. Reinis aurait voulu se rapprocher d’Ilona, une camarade du lycée, mais la place est déjà prise. Sa tante le tient fermement par la main. A quoi pensent-ils? A qui? Olga ferme les yeux et se rappelle le beau visage d’Oswals, résistant du Front populaire de Lettonie, combattant courageux pour la liberté. Aija et Reinis, les larmes plein les yeux pensent à leur maman Gerda. Reinis a une pensée aussi pour le soldat Nikolajs, son grand-père.
§
15:20 Publié dans Totalitarisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pays baltes, lettonie, occupation soviétique