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27/03/2013

A la une

 

 C’est une page de journal, probablement la première car les titres sont énormes. Elle est très ancienne. D’abord la photo. Gigantesque, elle occupe la moitié du format. Un homme à moustache me fixe droit dans les yeux. Je dirais… non, difficile de lui donner un âge. De ces gens qui sont de tous les temps. Le journal est abîmé, il a été plié et replié des dizaines peut-être des centaines de fois, il a traîné sur les plateaux des brocanteurs, exposé à la lumière il a jauni. Je parviens à lire « édition spéciale » tout en haut. Mais surtout, en gros : Deuil pour tous les peuples. Il s’agit de l’hommage rendu à un mort. Qui expriment, dans le recueillement, leur immense amour pour et en lettres immenses : Le grand Staline. En plus petit, on apprend que la Conférence nationale du Parti Communiste Français interrompt ses travaux. Suit une longue lettre du Comité Central du Parti Communiste Français adressée au Comité Central du Parti Communiste de l’Union Soviétique. Le titre du journal est l’Humanité, la date à peine lisible, probablement 1953. Pour qu’un tel hommage lui soit rendu, ce Staline fut à n’en pas douter un grand homme.  

 Ou alors non, ce fut un dictateur et ce journal est un faux. Oui, c’est cela. Les hitléro-trotskistes passent leur temps à falsifier l’histoire. D’ailleurs, pas plus que Staline, l’Union Soviétique n’a jamais existé, le journal l’Humanité non plus. Je doute aussi de l’existence du monde. Peut-être que tout cela, vous, moi, ce blog, l’ordinateur, la matière, les planètes, le big bang sont le fruit de l’imagination d’un fou qui n’existe pas. C’était la thèse du philosophe Berkeley qui concevait l’immatérialité du monde. Mon professeur de philosophie tout sourire répondait que le grand penseur n’avait sans doute jamais porté sur son dos un sac de ciment de cinquante kilos. En Sibérie, les rails portés par les déportés devaient aussi être bien lourds. 

 Mais tout cela, c’est du passé, me disait un ami qui me regardait préparer une exposition sur la déportation et l’extermination de six millions de personnes par le régime nazi. Les millions de victimes du goulag il ne faudrait pas non plus en parler. Fini tout ça ? Certainement pas. Il faut parler, enseigner, transmettre à nos enfants. On leur inculque bien qu’il y a deux mille ans, un homme a ressuscité, pourquoi s’interdirait-on de leur dire qu’il y a moins d’un siècle des êtres humains ont souffert, sont morts, et qu’ils le sont restés. 

 J’avais à peine écrit cela, une secte néo-nazie interdite en Allemagne cherchait une salle pour réunir ses partisans en France. A l’autre extrémité de l’échiquier politique, un député européen (ou qui l’a été) prononce contre un ministre une diatribe aux accents antisémites. Oubliez le passé, vous le prendrez en pleine figure. 

 Une raison supplémentaire d’ouvrir l’œil, une rencontre avec un troisième type de totalitarisme n’est pas à exclure. Restons vigilants, n’oublions rien et parlons-en à nos enfants.

 

 

 

17/03/2013

Incorrigibles

 

 Oui ils le sont. Au mieux ils se taisent. Au pire ils l’encensent. Chavez. Un dictateur comme on voudrait qu’il y en eût beaucoup ? Ils se moquent de nous et des vénézuéliens. Ou alors ils rêvent. Comme les petits enfants ils inventent un monde qui n’existe pas.  

 Souvenez-vous. Leur silence fut remarquable lors de l’investiture d’Ahmedinejad en Iran. Chavez le félicitait. Silence généralisé alors à gauche, sans parler de l’extrême… J’ai cru comprendre aussi que nos démocrates à sens unique ne disaient mot des atteintes à la démocratie au Venezuela.  

 Nos politiciens de gauche sont les rois du silence. On aurait pu espérer qu’avec le mur de Berlin, les vieilles coutumes staliniennes s’effondreraient aussi. L’époque où il fallait s’abstenir de soutenir les ouvriers hongrois réprimés par les chars soviétiques, éviter de lire ces livres ennuyeux (dixit Marchais) du contre-révolutionnaire Soljenitsyne, bref toutes ces choses inventées de toutes pièces par l’impérialisme il fallait les taire, c’était presque un devoir, et plus encore un hommage à rendre au grand frère soviétique. Les socialistes scotchés sur l’union de la gauche n’étaient pas en reste, ils n’ont pas brillé à l’époque en discours enflammés condamnant goulag, internements en hôpitaux psychiatriques, écrasement du printemps de Prague. En politique, il faut savoir se taire à l’occasion, ils l’ont parfaitement compris.  

 Et je ne parle pas seulement du personnel politique. Je regarde autour de moi, toujours surpris de voir avec quel empressement de bons amis condamnent le moindre écart vis-à-vis des droits de l’homme quand il s’agit des USA, d’Israël, du Royaume-Uni, de l’occident en général. Et comment les mêmes restent silencieux quand il s’agit de crimes commis par des dictatures. La Chine ferait disparaître le Tibet qu’ils ne diraient mot. Les mêmes qui, ici, nous saoulent avec leur obsession de la diversité culturelle et le respect dû aux minorités religieuses ne trouvent pas les mots pour condamner le totalitarisme chinois. Et vas-y que je me promène à Cuba –un état qui emprisonne les opposants au régime y compris les poètes. A quand des destinations touristiques en Corée du nord et en Iran ?  

 Ils sont incorrigibles. On se penche avec compassion sur le douloureux problème de l’extinction progressive et inexorable du parti communiste. Mais vraiment il n’y a pas de quoi verser une larme. Le parti disparaît, mais son idéologie est toujours active, vivante, dynamique. Dans les médias certes, mais aussi dans l’esprit des gens, à gauche bien sûr, mais à droite et à l’extrême droite car l’américanophobie est là et bien là. Le US GO HOME a fait des petits. New York s’embraserait, l’indignation serait moins grande qu’elle ne le fut quand furent diffusées les images de sombres brutes de l’armée américaine tenant en laisse des prisonniers irakiens. Maudire l’Amérique c’est toujours sympathique, le dimanche entre la poire de nos vergers et le fromage bien de chez nous. 

 Comme ils n’ont plus rien à espérer du côté du levant, comme les théories de la libération n’ont abouti qu’à des dictatures, comme les peuples ont compris que ces gens-là n’étaient pas de leur monde, comme ils n’ont rencontré la misère que dans les livres et encore pas toujours, pour donner du corps à leur discours, ces gens cherchent des boucs émissaires. Depuis leurs cinq pièces du sixième arrondissement, ils lancent des anathèmes contre les forces réactionnaires du monde entier, et vont même jusqu’à dire qu’ils n’aiment pas les riches. Désigner l’ennemi dans une situation de crise est un jeu d’enfant, le choix est large. Et les préjugés xénophobes tenaces leur donnent un bon coup de main. 

 Les personnes dont je parle sont les survivants –parfois inconscients- d’une déflagration qui a ébranlé l’univers : le marxisme.  Enorme météore tombé du ciel, cette philosophie qui devait éclairer les esprits et le monde n’a fait que soulever un énorme nuage de poussière qui nous a trop longtemps rendus aveugles. Nous n’avons rien vu venir, car l’idée était trop belle, et année après année, les idéalistes que nous étions ont cru devoir laisser encore et toujours un peu de chance à ceux qui se disaient en charge du destin de l’humanité toute entière. De Lénine en Staline, de Brejnev en Mao, d’Ho Chi Minh en Castro, d’unions de la gauche en fronts populaires, de Thorez en Mitterrand, d’années en années et d’échecs en catastrophes, partout le marxisme s’est révélé être non pas –oh que non- une illusion, mais une machine de guerre contre l’humanité. Une machine plus efficace que le pire des fascismes, car le marxisme s’il déporte, s’il emprisonne et s’il tue, le fait au nom du peuple et du bien commun. N’a-t-il pas inventé ce concept d’ennemi du peuple ?  

 Tout cela nous le savons, mais il a fallu longtemps le cacher. Et on le cache encore, comme je disais plus haut. A quand un mémorial en hommage aux victimes du communisme en Russie, en Pologne, en Allemagne, à Prague, à Budapest, à Bucarest ? Quand manifesterons-nous notre solidarité avec les démocrates persécutés en Chine et à Cuba ? 

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28/11/2012

Oh non ! Toutes les religions ne se valent pas

 

 

 

 

 Au nom de qui, au nom de quoi reprocherions-nous à un croyant de croire ?  Cela s’est vu dans le passé, et sans remonter aux Romains, il y eut au siècle dernier des crimes commis au nom de l’athéisme militant. Il y eut aussi les malheurs survenus à d’honnêtes gens qui ne croyaient pas comme il faut, ou pas au même dieu, ou pas selon les mêmes rites. 

 Et voilà qu’aujourd’hui, alors qu’en occident les tenants du pouvoir spirituel ont mis un bémol à leurs commandements, d’autres s’avancent, menaçants, armés jusqu’aux dents d’un vocabulaire que n’aurait pas renié les inquisiteurs. Ils menacent les mécréants mais aussi les infidèles, ceux qui ne croient pas comme eux. 

 Des libres penseurs, ou qui se prennent pour tels, nous disent que toutes les religions sont à mettre dans le même sac…poubelle s’entend. Voilà un bel exemple d’intolérance. Imaginons un peu ces gens au pouvoir… Ne répétons pas les errements meurtriers du siècle dernier. Quand on regarde ce qu’est l’islam aujourd’hui, on constate que toutes les religions ne se valent pas. Avez-vous entendu les juifs, les chrétiens, les hindouistes, les bouddhistes appeler à la guerre sainte contre les incroyants ? Les avez-vous vu attaquer des lieux de culte à la voiture piégée aux heures de grande affluence ? Non. Ces actes meurtriers sont certes les effets de l’ignorance et du bourrage de crâne, mais aussi les accomplissements d’un dogme dont la cohérence est la volonté de domination d’une communauté sur toutes les autres y compris par la violence. 

 L’islam : une religion ? 

 Pour les croyants sincères, le culte est un rapport, un lien avec la puissance divine. Pour la plupart des religions, le respect du dogme n’implique nullement l’indifférence, le mépris, encore moins la haine de l’autre, encore moins sa disparition. Bien au contraire, au moins dans l’esprit. Si ce ne fut pas toujours le cas, ça l’est aujourd’hui. Je regarde les intégristes chrétiens battre le pavé, leurs propos sont durs, intolérants, déconnectés des préoccupations des gens, tout au plus, ils suscitent la moquerie. Mais quand le soir ils rentrent chez eux et  s’occupent de leurs enfants qu’ils ont souvent nombreux, le calme revient dans le pays et leurs concitoyens dorment sur leurs deux oreilles.  

 L’islam ne tient pas en place, il empiète sur la vie des gens. Il en veut toujours plus. Il est totalitaire. Il investit les partis, les associations, les clubs sportifs. Il pénètre l’état, l’administration, les services publics, les programmes scolaires. Se faisant l’avocat du droit à la différence, il séduit les enseignants, s’impose dans les écoles. Il s’infiltre partout, dans les télés, les publicités. Le pouvoir politique lui est acquis, au nom de cet autre culte, qui consiste à glorifier la bêtise pourvu qu’elle vienne d’ailleurs. Culte sans lequel les musulmans seraient des femmes et des hommes comme les autres, sans s’afficher comme tels, en acceptant de vivre selon les lois du pays qui les accueille.  

 Au nom du respect à tout prix de la diversité culturelle on a rangé les déclarations des droits humains au fond des tiroirs. C’en est fini de l’Universel. Oubliées les Lumières. Place à la tradition, aux mœurs d’un autre âge. Après tout, si un fils, un frère ou un père oblige une femme à se voiler la face, au pire on dira l’air désolé que ce n’est pas bien, au mieux qu’elle a de très beaux yeux, ou que la haute couture n’a pas encore révélé tous ses secrets. Au nom du même non-respect de nos principes, pourquoi ne pas admettre le châtiment par le fouet, la polygamie, l’excision, la lapidation ? 

 Je relis alors ce beau texte de Spinoza. 

« Ayant ainsi fait connaître les fondements de la foi, je conclus enfin que la connaissance révélée n’a d’autre objet que l’obéissance et est ainsi entièrement distincte de la connaissance naturelle, tant par son objet que par ses principes et ses moyens, que ces deux connaissances n’ont rien de commun, mais peuvent l’une et l’autre occuper leur domaine propre sans se combattre le moins du monde et sans qu’aucune des deux doive être la servante de l’autre. En outre puisque les hommes ont des complexions différentes et que l’un se satisfait mieux de telles opinions, l’autre de telles autres, que ce qui est objet de religieux respect pour celui-ci excite le rire de celui-là, je conclus encore qu’il faut laisser à chacun la liberté de son jugement et le pouvoir d’interpréter selon sa complexion les fondements de la foi, et juger de la foi de chacun selon ses œuvres seulement, se demandant si elles sont conformes ou non à la piété, car de la sorte tous pourront obéir à Dieu d’un entier et libre consentement et seuls la justice et la charité auront pour tous du prix. » 

Spinoza.- Traité théologico-politique