04/06/2015
La raison n'est pas nécessairement du côté qu'on croit
Les gens révoltés m'énervent. Je parle bien sûr de ceux qui le sont en permanence. Ils sont contre tout. Contre les aéroports, contre le diesel, contre les barrages, contre les centrales nucléaires, contre les éoliennes, contre les crèches dans les lieux publics, contre les inégalités sociales, contre les gouvernements, contre les oppositions, contre les étrangers, contre la viande de porc, contre la viande tout court, contre le gavage des oies, contre le mariage gay, contre le mariage, contre les corridas, contre l'acharnement thérapeutique et contre l'euthanasie, et le pire, eux qui en veulent au monde entier, ils sont contre la guerre.
Ils disent non à tout. Jean Amadou qui suivait le tour de France cycliste regardait en souriant la multitude de banderoles brandies par des mécontents tout au long de la route, "NON à ceci!", "NON à cela!", il avait même déniché sur une étape en Auvergne je crois, un calicot sur lequel était inscrit un seul mot: "NON !". Sacré Amadou, il nous manque.
S'ils m'énervent aussi, c'est qu'ils s'opposent à tout et à n'importe quoi, mais qu'ils ne le font qu'en paroles. Réunions de famille, entre copains, sur le zinc ou les gradins du stade, à la radio et à la télé aussi, nous avons dans notre pays un contingent inépuisable de révoltés, que dis-je? de révolutionnaires! A ceux-ci s'ajoutent les anciens combattants intarissables des années de guerre (1968...). Debout sur les barricades, ils étaient les Envoyés de l'Idée, chargés d'une mission globale: sortir l'Homme du vieux monde. Leur guerre a fait long feu, mais eux ont survécu et sont aujourd'hui professeurs, députés français ou européens, artistes, architectes, membres d'honneur d'associations humanitaires, écrivains, philosophes invités sur tous les plateaux, tous un peu bedonnants et sûrs d'eux-mêmes, peu avares de conseils sur toutes les situations qui se présentent car eux au moins ils ont vécu et pas qu'un peu.
Bref toutes ces grandes gueules m'énervent, mais pas autant que ceux qui la ferment à la moindre occasion. C'est facile de critiquer les soixant'huitards en leur assénant que leur révolte d'étudiants n'a servi à rien, oui facile. Mais quand cette critique ricanante vient de ceux qui n'ont jamais levé le petit doigt contre quoi que ce soit, cela m'énerve aussi. Ces bons pères et mères de famille qui ont contre vents et marées -alors que d'autres tentaient de changer le monde- poursuivi assidûment leurs études, préparé leurs diplômes et assuré leur carrière, cela m'insupporte qu'ils viennent marmonner aujourd'hui que puisque s'agiter n'a servi à rien, ils étaient les plus raisonnables et les plus sages. Bref, ils alimentent le vieil adage selon lequel, le bonheur consiste à rester assis et ne rien faire.
Vous leur présenteriez une pétition exigeant le maintien du statu quo, par peur de l'engagement ils ne la signeraient pas. Et le pire, m'entendez-vous? Le pire, c'est qu'ils ont raison. Ceux qui se planquent ou qui frôlent les murs quand l'avenir est incertain ont raison. Il ne faut pas se mettre en avant. Et puis attendez, il y a les risques qu'on fait courir à ses proches, ah ça des arguments ils en ont, et toujours inattaquables. La seule idée qu'ils ont retenu de la philosophie des Lumières, c'est qu'il faut cultiver son jardin. Ils fuient tout ce qui peut mener à l'aventure. L'aventure! Quelle horreur pour ces gens qui n'existent que sur papiers d'identité et feuille d'impôt. Je ne vais pas comparer les années soixante à celles de la guerre, la vraie, mais si des cinglés -ils ne l'étaient pas!- n'avaient pas fait sauter des trains au risque d'être fusillés, si des gens déraisonnables n'avaient pas mis à l'abri des enfants juifs au risque d'être déportés avec eux, si des femmes et des hommes n'avaient pas franchi la Manche afin d'en finir plus vite avec l'occupation de la France, si des gens simples, des gens de tous les jours, maires, instituteurs, ouvriers et paysans n'avaient pas caché ici un parachutiste, là un résistant, un enfant ou une famille entière, la situation aurait-elle été plus raisonnable pour autant ?
La raison n'est pas nécessairement du côté qu'on croit. S'il peut être déraisonnable de monter des barricades et de mettre en danger sa vie et celle de sa famille, il l'est tout autant de croire qu'en gardant son calme en toute occasion, les choses s'arrangeront. La passivité n'apporte pas nécessairement la paix, en tous cas pas celle de l'âme.
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08:51 Publié dans portraits | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : engagement, sagesse, révolte, passivité
29/05/2015
A force de dénigrer le passé, saura-t-on conjuguer au futur ?
Vous pouvez aligner tous les arguments (du verbe latin arguere, supin argutum au sens primitif de: indiquer, expliquer; dérivés: arguments, arguties) de la ministre (se rattache au latin minor, minus et au substantif ministrum dont le sens primitif est: inférieur, serviteur, qui agit sous les ordres d'un maître) en faveur de la suppression de ces options, ils ne valent rien en comparaison de ce constat : dans l'esprit (du latin spiritum, souffle et âme, rattaché au verbe spirare, souffler, d'où viennent les composés aspirer, respirer, soupirer, expirer, inspirer, transpirer, conspirer = respirer ensemble) de la plupart d'entre nous les langues anciennes sont mortes et bien mortes, elles n'ont même pas l'intérêt (du latin esse, interesse = être au milieu de, participer à, d'où le substantif français = part prise à un fait dommageable ou profitable) que peuvent offrir les tablettes mésopotamiennes ou les hiéroglyphes (du grec hieron, sacré, et gluphê, gravure) égyptiens qui sont beaux à regarder le dimanche au musée ou les peintures rupestres (du latin rupes, rocher) qui font la richesse du patrimoine (du latin pater, père, d'où viennent paternité, paternel et patrimoine = bien des pères, comme patrie qui est le pays des pères, d'où patriote, compatriote...) artistique national. Nos enfants ont déjà du mal à apprendre le français et quelques rudiments (du latin rudem = grossier, novice, d'où rudesse, rudoyer; le dérivé rudimentum a le sens d'apprentissage, d'où rudimentaire; au contraire l'é-rudit est celui qui est dégrossi, instruit) d'anglais, à quoi bon aller les em... (du latin in = préfixe qui marque situation et pénétration et merda = matière fécale, au sens figuré = chose méprisable; s'emmerder revient à s'ennuyer, s'embêter. Le Robert cite Maurois: "On s'emmerde ici. Si on allait dans une autre crèmerie ?) à baragouiner (origine douteuse peut-être bretonne, de baragouin = langage peu intelligible) dans des langues qu'on ne parle plus en Grèce ni même dans les églises françaises! A l'heure où le short message service se substitue peu à peu à la langue de Molière, il faut se rendre à l'évidence : la prime est à l'efficacité. Nous vivons dans la société de communication, nous devons nous faire comprendre vite et bien. Il est plus convenant de taper: je suit las dans 5 munite (du verbe latin minuere d'où minutum, subdivision de l'heure) que d'écrire: Quand pourrai-je passer un moment avec toi? Imaginez la même phrase interrogative rédigée sur papier, plié dans une enveloppe timbrée au plus cher, ce n'est pas dans les 5 munite que le texte parviendra à votre interlocutrice, mais quarante huit heures après votre arrivée chez elle.
Nous avons changé d'époque c'est un fait. Mais ce qui est insupportable, c'est qu'à la moindre occasion on vous le fait comprendre. Si vous ne courez pas dans tous les sens, si vous ne sautez pas sur tout ce qui brille, tout ce qui sort, tout ce qui twitte, si vous n'avez pas votre tronche sur facebook, certes on ne vous fera aucun mal. Vous aurez droit à un sourire, allez vieux, il faut vivre avec son temps.
Mépris du passé. Qui ira aujourd'hui se plonger dans la lecture des grands auteurs? Par contre, on va faire des recherches généalogiques laborieuses pour savoir si l'aïeulle était mariée à un marchand de vin qui a encore son nom sur les bouteilles mais ce n'est pas la même orthographe, sujet controversé dans les réunions de famille. On commémore de plus en plus avec lassitude. Les mêmes qui au siècle dernier encore soutenaient que la vie avait commencé six mille ans avant nous et célébraient et célèbrent encore la naissance, la souffrance, la mort et la résurrection d'un homme dont on ignore s'il a existé un jour, les mêmes se lassent de commémorer l'armistice, le débarquement en Normandie, l'un d'entre eux avait même osé: il faudra bien qu'un jour on cesse de montrer en boucle à chaque occasion toutes ces horreurs. Il parlait de la Shoah (de l'hébreu : catastrophe). Ces horreurs! Massacre voulu, programmé d'un peuple. Classé avec d'autres mauvais souvenirs dans la poubelle de l'histoire. Horreurs, aussi horribles que les victimes de la faim dans le monde, du dernier tremblement de terre, des tués de la route. Horreurs! Euphémisme terrible. Du préfixe grec eu (= bien) et du verbe grec phanai (= parler), bonne parole, qu'on peut traduire par "parole de convenance", c'est très à la mode aujourd'hui de dire non ce qui est, mais ce qui convient.
Et voilà ce qui me met en rogne (origine inconnue): avec notre histoire, on met de côté les principes, la justice, le droit, les politesses, le respect, la grammaire, le grec ancien, le latin, la langue française. Bientôt peut-être aussi les Lumières. On ne pense plus. A quoi ça sert ? La philosophie ? Non mais regardez un peu ces coupeurs de cheveux en quatre !
Pauvre enfant, s'ils n'avaient pas existé les philosophes, ces intellos comme tu les nommes, tu ne serais pas là aujourd'hui à couvrir le monde du manteau de tes préjugés, mais peut-être marchand d'esclaves sur le quai d'un grand port, à Nantes ou à Liverpool. Ou esclave toi-même.
Toi que cela fait sourire de me voir introduire à deux mains et avec difficulté une pellicule (latin pellicula, de pellis = peau) dans mon appareil photo (du grec phôs = lumière et graphein = écrire et dessiner, la photographie est l'art d'écrire avec la lumière) toi qui mitrailles à tout va, l'oeil sur écran, toi qui pixelles (origine inconnue) jusque dans les moindres détails, toi qui mets le monde entier dans une boîte, as-tu encore une idée de son existence ? Du rôle qui est le tien, de ce que tu as le pouvoir de faire pour que cela change, pour sauver ce qui peut l'être encore? Ad honores.
ENVOI (hier en commentaire sur page d'accueil au rayon actualités, ce n'est qu'un extrait):
"Arête de faire le pandi panda parlé Français te pas 1 ministre de la France au moins en apparence e commence a nettoyer a lintérieur de la France tu fait qua a la place de faire de crise de névrose on est pas des chiens et se normal de pas être pour ta politiques des nul (...)"
J'ai remarqué que la France avait droit à une majuscule. Tout n'est pas perdu.
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11:17 Publié dans L'école | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : orthographe, grammaire, syntaxe, grec, latin, passé, présent, futur
19/05/2015
Sauver l'école
Message reçu de SOS éducation:
A l'entrée en sixième, 20% des élèves français sont touchés par l'illettrisme, et 30% ne maîtrisent pas les bases des mathématiques. Dans certains territoires, les professeurs ne parviennent plus à transmettre l'histoire de notre pays et ses valeurs. Sur ce terreau d'ignorance, la violence et le fondamentalisme progressent. L'heure est au plus large rassemblement pour relever l'Ecole.
09:19 Publié dans L'école | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : réforme des collèges