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04/06/2014

25 et 70 ans, tristes anniversaires

 

 

Tristes, car ils commémorent la disparition de soldats, des jeunes pour la plupart, tombés sur les plages de Normandie le 6 juin 1944. Tristes car le 4 juin 1989 des centaines de jeunes gens courageux ont défié la dictature en Chine et sont morts pour cela sur la place Tiananmen de Pékin. Il faut rappeler ces événements car les pauvres humains que nous sommes ont tendance à oublier, avec les conséquences que cet oubli pourrait avoir pour la liberté et même la vie de nos enfants.

Les soldats qui reposent dans les cimetières de Normandie ne sont pas les victimes de la "guerre" comme je l'entends ici ou là. Ils sont les victimes du nazisme, un régime totalitaire fondé sur la haine, l'antisémitisme et le meurtre. La liberté et la démocratie dont nous jouissons ici en France et en Europe, ce sont ces combattants qui nous les ont rendues.

Les chinois ne devraient pas être seuls à commémorer la journée du 4 juin 1989, car ceux qui ont osé manifester ce jour-là contre un régime fondé sur le mensonge et la violence ont montré qu'il y avait en l'homme même au plus noir de la nuit des ressources dont les plus terribles des dictatures ne peuvent venir à bout.

Si ces commémorations servent à quelque chose, si elles sont suivies dans les écoles et les familles, et s'il est trop difficile ou laborieux ou ringard de revenir encore et toujours comme des vieux qui ressassent le passé, que nos enfants retiennent au moins ces trois mots, et qu'on leur dise d'où ils viennent:

Plus jamais ça !

Ceux qui l'ont dit, c'est un serment qu'ils ont fait, entre eux et au monde. C'étaient les déportés de Buchenwald, ils s'étaient libérés eux-mêmes et rassemblés sur la place d'appel. C'était en 1945. Ne l'oublions jamais, et le meilleur hommage qu'on peut rendre à ces femmes et à ces hommes, c'est de goûter le plaisir de vivre aujourd'hui dans une démocratie qui a tous les défauts, mais qui nous laisse circuler, parler et penser librement.

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29/05/2014

Le séisme n'est pas d'aujourd'hui

 

 

 Les bobos qui s'affolent -ou font semblant- en voyant l'extrême droite devenue premier parti de France ont la mémoire courte. Ce n'est pas un, mais des séismes qui ont fait trembler notre pays, et depuis des dizaines d'années. Un mouvement ouvrier décimé, des centaines de milliers de mineurs du nord et de Lorraine jetés à la rue dans les années soixante et suivantes, des régions dévastées, des villes à vendre, des enfants sans avenir, des ouvriers de l'industrie promis au même sort, des agriculteurs et des pêcheurs harcelés par des normes fixées par des anonymes qui n'ont jamais fréquenté que des bureaux, des femmes et des hommes d'une quarantaine d'années qui survivent dans la rue parce qu'ils ont tout perdu emploi, maison, famille, raison de vivre, et au-dessus de toute cette misère, de cette injustice, des bureaucrates de partis et de syndicats qui se foutent de tout sauf de leur carrière, et pour les moins malhonnêtes, qui feignent de croire encore que demain tout ira mieux, en défilant ici ou là avec des calicots, en hurlant des slogans ravageurs. 

Il y a ceux qui profitent, les milliardaires pour qui la misère des autres est bien triste. Et les autres, les pauvres qui ont leur carte sur eux, qui la promènent partout, à la sécu, chez le médecin, à la mairie, dans tout ce que la république bonne mère a prévu pour eux de secours sociaux, ces professionnels de la débrouille qui baladent leur indigence au gré des associations charitables, ces pauvres à carte qui n'ont pas besoin de travailler, puisque les autres le font pour eux, les autres qui vivent difficilement, sans assistance, contraints de sacrifier leur vie de famille pour qu'une entreprise qui un jour les oubliera puisse survivre encore quelques années, quelques mois, peut-être quelques jours. Ces pauvres là, les vrais, qu'ils soient dans les villes sur les mers ou dans les champs, sont les victimes d'un système impitoyable dont les valets ont tous les pouvoirs, en particulier celui de perdurer.

 Séisme? Mais la terre tremble depuis un demi-siècle! Il n'y a personne à ce jour pour l'apaiser. Personne. Même pas un parti qui, n'ayant jamais exercé le pouvoir, brille comme un sou neuf, et peut sans réserve débiter des balivernes.

 

 

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21/05/2014

Partir oui mais où ?

 

 Ségeste en Sicile est un site que les agences de voyages connaissent bien, qui fait partie des circuits touristiques classiques. Au même titre que Sélinonte, Agrigente sur l’île et Paestum sur le continent, on vous présente des monuments parfois bien conservés qui en imposent par leurs dimensions certes mais surtout par leur âge. Ils ont été édifiés il y a en gros vingt six siècles par les anciens Grecs dont le territoire s’étirait assez loin autour de la mer Méditerranée, en Italie et en Sicile. Ce sont des temples doriques massifs remarquables autant par leur architecture que par le lieu qu’ils occupent, à Agrigente parmi des oliviers majestueux dont certains vieux de trois mille ans ah s’ils pouvaient parler ! A Ségeste le temple et les vestiges du théâtre sur l’acropole sont au bord de la mer dans un paysage méditerranéen, ce qui n’a rien d’extraordinaire. Et c’est justement cela qui est extraordinaire, assis là-haut sur ce qui reste de gradins, c’est à vous qu’il appartient de découvrir ce trésor à peine caché, ce lieu unique, havre pour l’imaginaire, suscité par la lumière, la brise marine et le temps qui passe, vous vivrez là un moment d’éternité. Si un jour vous avez l’idée de refaire le monde mais tout seul pas avec des copains, rendez vous à Ségeste le soir avant la tombée de la nuit après le départ des cars de tourisme, vous allez vous retrouver face à vous-même, à mille lieues des petits soucis quotidiens et même bien à l’écart des cours sur l’histoire des Grecs anciens. 

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                                                                               cliché M.Pourny

 

A mille lieues des voyages à thème qui permettent d’apprendre ou de vérifier des connaissances sur le tas, des fois le tas est énorme, mausolées, pyramides d’Egypte, muraille de Chine... pour un retour à l’école en compagnie de personnes qu’on se demande ce qu’elles font là puisqu’elles savent déjà tout et le font remarquer à l’entour, allant même jusqu’à interrompre la conférencière d’un ton faussement modeste : « Ah bon je pensais plutôt que… ». Si vous n’avez pu éviter le piège du circuit organisé à thème, et qu’on vous pose la question inévitable de ce que vous faîtes dans la vie, dîtes surtout haut et fort que vous n’avez pas continué vos études, on vous foutra la paix jusqu’à la fin du voyage. A fuir, même et surtout pour celle ou celui qui part pour briser sa solitude et aller à la rencontre de quelqu’un ou quelqu’une sauf si son désir est de s’unir pour la vie avec un jesaistout, mais alors dans ce cas on ne peut rien pour elle, on ne peut rien pour lui.

 

Dans les croisières, les choses se présentent différemment, non pas qu’on ait affaire à des ignorants, des gens savants prennent parfois le bateau, pour un délassement, pour oublier les tourments de la vie terrestre. Ce qu’on y cherche avant tout, mais oui j’exagère, c’est étaler sa richesse, celle qui se voit par le costume, les bijoux et la robe. On navigue aussi pour la gastronomie, surtout pas celle des pays qu’on ne visite d’ailleurs pas sinon le temps d’une photo, pour les soirées entre gens bien qui partagent la même vision du monde, les mêmes soucis, bref c’est comme à la maison, mais au lieu d’être en pyjama, on s’habille.

 

Il y a enfin les voyages pour les empêcheurs de tourner en rond, les êtres normaux, les gens de tous les jours. Voyages dans la tête pour ceux qui n’ont pas le sou ou qui en ont assez vu, pour qui l’univers n’est pas assez vaste, qui rêvent d’un autre monde au-delà des kilomètres, bien plus haut que le ciel, pour un voyage intégral, spirituel vraiment sans dieux sans idoles, seulement spirituel. Des voyages sidérants par delà l’espace, sans limite dans le temps, envolées que les agences même pour très cher ne proposeront jamais, billet de première classe pour une promenade à l’intérieur de soi …Il suffit de peu de chose, un déclic pour partir, cela n’arrive pas tous les jours, un chant d’oiseau à peine audible, premier appel timide d’un petit matin de printemps, alors qu’on est encore au lit et qu’on rêvasse. D’un coup le monde vient à vous, je me rappelle maman qui pour me faire rire imitait le chant des oiseaux jusqu’à s’égosiller, elle est partie pour un long très long voyage, peut-être que c’est elle ce petit oiseau du matin ma parole tu dors encore, il est l’heure d’aller à l’école. Mais je ne ris plus, des millions d’images me viennent tellement présentes, nettes et en couleur. Un rien suffit pour que le rideau s’ouvre, que le passé de ma vie franchisse la porte du souvenir, que les deux pieds montés sur des échasses je continue à jouer l’équilibriste pour étonner ma petite sœur. C’est dans cette foutue tête là-haut que nous transportent les plus grands voyages. Pas les plus beaux, ça non, ce sont même les plus douloureux. Les plus grands, les plus longs sans moyen de transport autre que les circonvolutions de l’esprit. Contrairement aux beaux voyages, léchés, organisés, minutés, localisés, ils nous mènent souvent là où nous n’avions aucune idée d’aller. Vous savez comme ces gens qui vous disent : Ah ? c’est là que tu as passé tes vacances ? C’est marrant, moi ce n’est pas mon truc. Jamais je n’irai mettre les pieds là-bas, il pleut tout le temps, on y mange mal, on n’y parle pas français. Moi je peux vous dire que dans ma tête, quand dans le demi-sommeil je suis en mode diaporama, les personnes qui me parlent sans que j’ai rien demandé le font toutes en français, même ceux que j’aurais aimé ne plus entendre. C’est l’inconvénient du voyage sur place : vous ne choisissez pas la destination. Ce n’est pas pour autant la liberté totale, car dans ce trajet à rebours c’est le poids d’une vie entière qui vous tombe dessus, sans sélection possible, sans « favoris », sans « corbeille » pour effacer définitivement les moments que par votre faute vous avez mal vécus, que vous avez sur la conscience et qui vous ont pourri la vie. Sans possibilité non plus de faire taire le nombre incalculable de gens qui vous ont pompé l’air. Ah le rêve ! Dans un génocide rétroactif, les trucider un à un, une sorte de grande purge à la Staline, sans risque pour moi, la plupart sont déjà morts, et ceux qui nuisent encore ne me traîneront pas en justice puisqu’ils sont encore vivants.

 

J’ai rencontré des gens extraordinaires, j’ai déjà parlé de Peter. Peter c’est mon plus beau paysage à lui tout seul il vaut Ségeste. Si les agences de voyage étaient plus soucieuses de leurs clients, si elles osaient sortir de l’ordinaire, elles proposeraient un tour en Irlande avec une rencontre avec Peter, c’est trop tard maintenant il est mort. Elles feraient la pub pour le camping de Fourmies –horreur c’est dans le nord loin du soleil et de la mer et sans piscine- où un homme m’avait dit en montrant son mobil home arrangé avec une délicatesse à vous faire oublier une vie au fond de la mine, avec des fleurs autour : « C’est mon coin de paradis ».

 

Je plaisante bien sûr, je ne veux aucun mal aux gens bien. Je ne souhaite qu’une chose, que les agences laissent tranquilles les petits villages irlandais et le terrain de camping de Fourmies, puisque là-bas il ne fait jamais beau, que sur place on a rarement le nécessaire, qu’il n’y a rien à visiter.

 

 

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